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Ariane Dayer, la foi en «la force de l’écrit»

Keystone

C'est la journaliste valaisanne Ariane Dayer qui, après avoir tenu les rênes de l'Hebdo, dirige la rédaction de Saturne.

A quelques jours du lancement de la nouvelle formule de son journal, elle évoque le passé, le présent et le futur de Saturne.

swissinfo: Comment définiriez-vous la ligne éditoriale de Saturne? Critique, humoristique, satirique, décalée, rebelle, marginale, indépendante?

Ariane Dayer: Vos adjectifs sont bien trouvés, c’est tout ça à la fois. Sachant que la priorité est mise sur la dimension satirique. C’est ce que veulent nos lecteurs, c’est ce que nous allons renforcer dans notre nouvelle formule, dès le 3 février.

Pour être plus satirique, plus mordant, il faut coller mieux à l’actualité: nous passons donc du rythme bimensuel au rythme hebdomadaire, avec un nouveau format et une nouvelle maquette.

swissinfo: Saturne dure depuis presque 2 ans. Avez-vous des appuis (mécénat, pub, etc.) ? Ou alors, les ventes suffisent-elles à l’équilibre financier du magazine?

A.D.: Les ventes et les abonnements ne suffisent pas encore pour l’équilibre financier. Nous avons moins de deux ans d’existence, nous ne sommes pas encore dans les chiffres noirs, comme la plupart des journaux à cet âge-là. C’est un couple de mécènes qui nous a permis de tenir jusque-là, Sylvie et Daniel Salzmann. Ils croient à l’aventure, y participent avec nous, et sont partants et enthousiastes pour la nouvelle formule.

swissinfo: Combien disposez-vous de collaborateurs fixes? De pigistes? Et les membres fondateurs sont-ils toujours présents?

A.D.: Il y a 5 salariés à Saturne (3 journalistes, 1 commercial et 1 assistant). Pour la nouvelle formule nous rajoutons un stagiaire et un demi-poste de journaliste. Pour le reste, nous fonctionnons avec un réseau de chroniqueurs, de dessinateurs, de correcteurs, de metteurs en page, etc., qui sont payés à la pige. Deux ou trois salariés du début sont partis, mais l’équipe du départ est restée liée au titre.

swissinfo: Quel sont les chiffres de votre tirage et de vos ventes, en moyenne?

A.D.: Le tirage est de 30’000 exemplaires. Nous ne communiquons pas d’autres chiffres dans le détail.

swissinfo : Pouvez-vous, en quelques lignes me faire l’historique de votre aventure éditoriale?

A.D.: Vous raconter cette folle aventure prendrait des heures. Les soirées de création enfumées où tout semblait à la fois possible et impossible, les bricolages de maquette sur ma table de cuisine, la seconde où les mécènes ont dit oui, la création de l’entreprise, les premiers engagements, la magie extraordinaire de l’arrivée des premiers dessins, l’accueil magnifique des gens lors de la tournée de présentation du numéro zéro en Suisse romande, les séances laboratoires…

S’il y a eu un moment déterminant, c’est peut-être celui de l’automne 2004 où, sur l’incitation des lecteurs, nous avons passé au «tout satire», avec une couverture critique sur la présidence de Joseph Deiss et ce titre «Merci Joseph». Notre nouvelle formule hebdomadaire va prolonger cette impulsion.

swissinfo: Dites-moi les motivations qui ont fait que vous vous êtes lancés dans cette aventure?

A.D.: Nous croyons à la force de l’écrit. Les journaux ne survivront que s’ils remplissent vraiment leur fonction d’éveil, de critique, si les journalistes ne se prennent pas pour des greffiers qui se contenteraient de griffonner des notes sur l’actualité, mais se comportent en citoyens engagés, qui prennent le risque d’interpréter, de critiquer, de provoquer le débat.

La presse romande traverse une phase molle, tout se ressemble, les éditoriaux disent tous la même chose. Il y a la place pour un journal qui joue le rôle d’aiguillon.

swissinfo: Cette première maquette très chic, à la limite de l’esthétisme graphique, était-elle un a priori dû à l’époque ou une volonté de vous démarquer de la presse présente dans les kiosques?

A.D.: Il s’agissait d’abord de faire un beau journal, qui mette en valeur notre option du dessin. Il est vrai que le format carré, dans un kiosque, nous distinguait.

swissinfo: L’avenir de Saturne? Envisagez-vous des satellites, par exemple la publication d’albums de vos dessinateurs ou de recueils d’articles?

A.D.: L’avenir immédiat est notre nouvelle formule. Le changement sera très grand pour les lecteurs, mais aussi pour le travail de la rédaction. C’est un nouveau départ pour nous, une nouvelle folie.

swissinfo: Recommenceriez-vous l’expérience?

A.D.: À tous les coups. Surmonter le marasme, l’aquoibonisme, les peurs, pour faire naître un journal est un sentiment absolument extraordinaire. C’est une vraie chance d’animer une équipe aussi magnifique d’engagement, de professionnalisme et de talent, qui accepte, chaque jour, de se remettre en question.

Une équipe qui fait l’apprentissage de l’impact incroyable de l’humour. Rien n’est garanti, nous vivons l’insécurité de toutes les petites entreprises, mais nos convictions, elles, et notre amour du métier sont solides.

Interview swissinfo, Rolf Kesselring

«Saturne», jusque là bimensuel, devient hebdomadaire dès son prochain numéro, qui sort le 3 février.
Du même coup, il change de format: le format carré qui le caractérisait est abandonné au profit d’un format tabloïd et d’un papier moins luxueux; son prix passe de 6 à 4 francs.
Le 1er numéro de Saturne était sorti le 5 mars 2004.

– C’est la journaliste Ariane Dayer (41 ans) qui est à l’origine de l’aventure «Saturne».

– D’origine valaisanne, elle a auparavant travaillé comme correspondante parlementaire à Berne pour L’Hebdo, dont elle est devenue la rédactrice en chef de 1997 à 2002.

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