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Au secours du ciné Guimbi

Du ciné Guimbi construit en 1956, sous la colonisation française, ne restent que le grand écran de béton et la cabine de projection en ruines. les Films du Djabajah

Dans le pays du Fespaco, le grand festival panafricain de cinéma, dont la 23e édition débute samedi 23 février, le secteur est en crise. Installé à Bobo Dioulasso, le réalisateur suisse Bernie Goldblat se démène pour rouvrir une salle de cinéma.

Un mur décrépi laisse dépasser le sommet d’un grand écran de béton, seul vestige, avec la cabine de projection en ruines, du Guimbi, cinéma en plein air fermé en 2003 à Bobo Dioulasso. Au moins le terrain est-il resté vierge, contrairement aux trois autres cinémas de la ville transformés en magasin de motos, entrepôt ou église évangélique.

C’est ce qui a permis à la société de production audiovisuelle «les Films du Djabadjah», créée en 2006 par Bernie Goldblat, un réalisateur suisse installé au Burkina Faso depuis douze ans, d’y projeter son ambition: rouvrir un cinéma à Bobo Dioulasso. Malgré ses 600’000 habitants, la deuxième ville du pays du Fespaco, le grand festival panafricain de cinéma de Ouagadougou, ne compte plus une seule salle. «Nous tournons des films, nous en produisons, nous en distribuons parfois, mais nous ne pouvons pas les montrer dans notre propre ville», déplore le cinéaste.

fiff.be

La situation n’est pas propre à Bobo, ni au pays. Sur tout le continent, les cinémas ont fermé les uns après les autres. En cause notamment: la prolifération des DVD pirates à bas prix et le retrait progressif du soutien des Etats africains au secteur culturel dans les années 1990, suite à la crise de la dette. Avec douze salles en fonctionnement (sept à Ouagadougou, cinq en province), le Burkina a plutôt mieux résisté. Pourtant, après la faillite en 2003 de la société publique qui gérait la cinquantaine de salles nationalisées, il s’en est fallu de peu que tout ne disparaisse.

Le cercle vertueux

Si la production a également périclité avec la raréfaction des financements européens, «on sent un frémissement aujourd’hui», estime Gaston Kaboré, l’un des grands réalisateurs du pays. «Des films à petit budget sont tournés grâce au numérique. Mais nous manquons de lieux de diffusion, qui permettraient d’entretenir une production endogène forte.» Pour lui, la réouverture du ciné Guimbi entrerait pleinement dans ce «cercle vertueux» production de films – hausse du nombre d’entrées – ouverture de salles.

«Notre projet est viable. Les salles qui existent sont pleines, et ce sont les films africains qui marchent le mieux», note Bernie Goldblat qui imagine déjà un festival annuel et a conçu avec son équipe une proposition «adaptée à son époque», soit deux salles couvertes de 306 et 156 places, la vidéo à domicile limitant de fait l’audience potentielle. Le prix du ticket dépendra du public cible. Car, à côté des projections «classiques», ce qui fut, en 1956, le premier cinéma construit dans un quartier populaire au Burkina Faso développera d’autres aspects: éducation à l’image pour les enfants, en partenariat avec l’association neuchâteloise la Lanterne magique; séances en direction des femmes du quartier… «Nous proposerons aussi un écran libre et gratuit une fois par semaine aux jeunes réalisateurs ou techniciens du pays pour montrer leur travail», ajoute Salimata Sankara, la coordinatrice adjointe du projet.

Le Festival panafricain du cinéma et de la télévision de Ouagadougou (Fespaco) est un des plus grands festivals africains de cinéma. Il se déroule tous les deux ans dans la capitale du Burkina Faso.

En plus de l’organisation du festival, la structure en charge du Fespaco (soutenue par l’Agence internationale de la francophonie et diverses agences onusiennes) met sur pied des projections à but non lucratif dans les zones rurales en partenariat avec les ONG, les associations, les écoles et autres institutions publiques et privées. Elle a également mandat de promouvoir le cinéma africain dans les festivals internationaux.

Dès ses débuts, la manifestation a été liée au mouvement culturel des années 1960 à 1980 très marqué par l’anti-impérialisme des cinéastes. Rendez-vous important pour la structuration du tissu culturel africain et panafricain, le Fespaco reste la principale vitrine pour les cinéastes issus du continent noir, même s’il n’est plus le seul tremplin pour les réalisateurs qui préfèrent souvent que leurs œuvres soient présentées aux festivals de films du Sud dans les pays du Nord.

A votre bon cœur!

Coût total de la réhabilitation: presque 370 millions de francs CFA (694’000 francs suisses). L’Association de soutien du cinéma au Burkina Faso, créée pour l’occasion, ne part pas seule dans l’aventure. Avant de lancer la collecte de fonds lors du dernier festival Black Movie à Genève, l’équipe a effectué une tournée en Europe qui s’est avérée – compte-tenu de la nationalité de son instigateur et des nombreux liens culturels entre les deux pays – particulièrement fructueuse en Suisse: le Festival Cinémas d’Afrique de Lausanne, qui héberge la petite association, le Ciné Air Nyon, le Bio de Carouge, et d’autres apportent un soutien concret sur la communication. Tandis que la Coopération suisse s’est engagée à participer à l’achat du terrain.

«Nous sommes aussi très soutenus localement, tient cependant à préciser Bernie Goldblat. Même si l’Etat burkinabè a peu de moyens, on nous a promis de faciliter nos démarches et de nous exempter de certaines taxes.» Et lors du Fespaco qui débute le samedi 23 février, un spot de promotion sera diffusé avant chaque film en sélection officielle. Un bon coup de projecteur, pour une ouverture espérée en septembre 2014.

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