Avec Gil Roman, le «Tour du monde» de Béjart
Décédé en novembre dernier, le chorégraphe n'avait pas pu terminer les répétitions de son dernier ballet «Le tour du monde en 80 minutes».
Son périple se poursuit, donc, avec son successeur Gil Roman qui présentera ce spectacle en Première mondiale le 20 décembre, à Lausanne.
Comme tous les grands duos, ils sont différents et complémentaires. Maurice Béjart, décédé en novembre dernier, était comme possédé par un diable facétieux. Gil Roman, son fils spirituel, est plutôt un rêveur sidéré.
De lui, Béjart disait: «Il m’a fallu des années pour sortir cet artiste incomparable (…) du maquis mental où il s’était enfermé avec ses fantasmes, ses amours, ses complexes».
Preuve donc d’une amitié indestructible couronnée par ce mot de Béjart, encore, qui ressemble à un testament: «Je ne vois que Gil Roman pour continuer, préserver, posséder mon œuvre et mes ballets». C’est daté décembre 2006.
Depuis début décembre 2007, Gil Roman est officiellement le directeur artistique du BBL (Béjart Ballet Lausanne).
Lourd héritage? «Je ne sais pas encore, répond le danseur et chorégraphe. L’avenir nous le dira. Pour l’instant, je me concentre sur ‘Le tour du monde en 80 minutes’, qui sera donné en création mondiale le 20 décembre au Palais de Beaulieu, à Lausanne».
La pièce fut «pensée» il y a une année par Béjart qui en avait tracé les grandes lignes et suivait de près les répétitions, aidé en cela par Gil Roman.
Ni Jules Verne ni Canal+
Un tour du monde limité dans le temps, cela ressemble à du Jules Verne. A moins que ce ne soit un clin d’œil sarcastique aux Infos de Canal+, qui parcourent le monde en 80 secondes.
Devant cette évocation, Gil Roman rit: «Ni Jules Verne ni Canal+, mais tout simplement la mémoire de Béjart, le parfum de ses voyages, la couleur des ses ballets posés sur les scènes du monde. Ce sont aussi des morceaux réglés pour tel pays visité ou pour des personnages rencontrés au fil des traversées».
Pour ce «Tour du monde», Gil Roman a suivi l’esthétique de Béjart. «Mais elle est retravaillée par mon œil», précise le chorégraphe. Continuer l’œuvre du maître consiste, pour lui, à «garder la liberté de créer».
Dans un proche avenir, cela se traduira par la confiance accordée à certains danseurs du BBL «qui n’ont pas eu la possibilité de développer suffisamment leur talent sous la direction de Béjart», explique Gil Roman.
Faire fleurir l’héritage du maître
«Certains d’entre eux, poursuit-il, sont très doués et je souhaite les faire danser davantage ou les inviter à signer des chorégraphies pour la compagnie. Le meilleur moyen de faire fleurir l’héritage de Maurice, c’est de réinventer son art avec ses propres interprètes».
Gil Roman reprendra, lui-même, quelques productions réalisées par son prédécesseur dans les années 70, à Bruxelles ou ailleurs. Histoire de les intégrer au XXIe siècle et de les faire connaître au public suisse.
«Je pense, par exemple, à ‘Mallarmé III’ créé en hommage à Pierre Boulez, confie le nouveau directeur. C’est une pièce abstraite dont l’accès est difficile, mais elle révèle une autre facette de Béjart, moins connue que son œuvre populaire, comme ‘Le Concours’».
Gil Roman compte reprendre ce «Concours» joyeux et heureux pour Noël 2008. Dans une année, ses projets auront commencé à porter leurs fruits. On saura alors si le public «accueille bien ses initiatives», comme il dit, dans l’espoir que son mandat de 3 ans à la tête du BBL soit renouvelé.
swissinfo, Ghania Adamo
Gil Roman est né à Alès, dans le Gard (France)
A 7 ans, il débute la danse à Montpellier. C’est au Centre International de Cannes qu’il approfondit sa formation de danseur.
Entré au Ballet du XXe siècle en 1979, il participe à toutes les créations de Maurice Béjart et est révélé par son personnage central dans «Messe pour le temps futur».
Ses talents de danseur éclatent à travers de nombreux autres ballets comme «Hamlet» ou «Le Presbytère».
En 1993, il devient directeur adjoint du BBL.
Comme chorégraphe, il a signé plusieurs pièces dont «Réflexion sur Béla», créé à Lausanne en 1997
Il succède à Maurice Béjart et prend la tête du BBL en décembre 2007.
«Le tour du monde en 80 minutes» par le Ballet Béjart Lausanne.
A voir au Palais de Beaulieu, Lausanne, du 20 au 30 décembre.
Puis à Paris, au Palais des Sports, en février 2008.
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