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Avenches redécouverte à travers ses visiteurs

Le «Cicognier» d’Avenches dessiné par William Turner en 1802. Photo tirée du catalogue de l’expo

Pour une ville, posséder un vaste patrimoine archéologique représente une richesse autant qu’un poids. Avenches vit avec cette ambivalence depuis vingt siècles.

Une exposition met en lumière les regards portés sur l’ancienne capitale de l’Helvétie romaine.

Tout – ou presque – avait déjà été montré sur le passé romain d’Avenches. Diverses expositions avaient évoqué la vie quotidienne, les fresques, les mosaïques ou encore l’épigraphie dans l’antique cité.

Pourtant, avec l’exposition «Aventicum, ville en vue», qui se tient à Lausanne, Espace Arlaud, du 20 février au 25 avril, le public peut aborder le destin romain de la ville sous un autre angle.

«Nous voulons dévoiler une histoire souvent méconnue, explique Marie-France Meylan Krause, responsable de l’exposition. Il s’agit de montrer que le destin d’une ville romaine comme Avenches a continué au-delà de son histoire et que des artistes, des voyageurs ou des érudits l’ont redécouverte au fil des âges.»

«Nous voulons exposer les points de vue qu’ont eus les gens depuis l’époque romaine, ajoute Anne Hochuli-Gysel, directrice du site et musée romain d’Avenches. Illustrer le fait que cette ville romaine n’a pas disparu, mais qu’il y a eu une continuité.»

Une histoire reconstituée

L’exposition se déroule d’une manière chronologique, rythmée par sept chapitres qui survolent environ 2000 ans d’histoire.

La première salle permet de découvrir, par la mise en valeur d’objets retrouvés sur le site, le degré de richesse et de puissance qu’avait atteint la capitale des Helvètes entre le 1er et le 3e siècle de notre ère, puis sa décadence.

Le visiteur poursuit ensuite son voyage dans le temps jusqu’à notre époque. Ce faisant, il constate notamment le relatif oubli dans lequel la cité romaine tombe au Moyen-Age, la redécouverte de la mémoire romaine de la ville à partir du 14e siècle, les premières fouilles du 18e ou encore le début d’une vraie politique de conservation au 19e.

Ces 2000 ans d’histoire sont illustrés par des cartes, des plans, des dessins, des peintures ou d’autres documents (livres, articles, photographies…), autant d’objets qui témoignent du regard des visiteurs, des archéologues qui sont passés par la ville.

Le bruit des pioches

L’exposition comprend également quelques mises en scène, un diaporama ainsi qu’un système audio qui permettent au visiteur de s’imprégner des différentes époques. On peut ainsi entendre le bruit des outils servant à détruire les monuments romains, illustration sonore de l’époque où la ville servait de… carrière.

Les objets présentés proviennent d’horizons divers. Du musée romain d’Avenches, bien sûr, mais aussi de différentes archives et bibliothèques cantonales ou du Musée de l’Elysée de Lausanne.

Même la Tate Gallery de Londres a apporté sa contribution en prêtant une reproduction d’un dessin de William Turner – le plus célèbre peintre anglais – représentant le «Cicognier», l’unique colonne romaine encore érigée en Suisse.

Cette multiplicité des sources est l’une des richesses de l’exposition. «Il était important de pouvoir réunir autant d’éléments disparates, relève Marie-France Meylan Krause. C’est la première fois que nous avons pu les rassembler. Enfin, cette histoire que nous connaissons par bribes est reconstituée.»

Un dilemme qui ne date pas d’aujourd’hui

De nos jours, Avenches se trouve face à un dilemme. D’un côté, il s’agit de préserver les vestiges encore existants et de fouiller les zones qui ne l’ont pas été. D’un autre côté, il convient d’assurer le développement de la ville en mettant des terrains à disposition pour son extension.

Mais ce dilemme est loin d’être nouveau. «Faut-il plutôt regarder vers le futur ou faut-il intégrer le passé dans le futur, s’interroge Anne Hochuli-Gyser. On s’est toujours posé cette question. Et elle reste d’actualité.»

«Depuis des siècles, les gens se sont intéressés à ces vestiges, poursuit-elle. Tout en essayant d’en profiter. On retrouve cette ambivalence dans l’exposition».

Et la directrice de citer un exemple qui remonte au 16e siècle. Les autorités de l’époque avaient interdit d’utiliser les monuments romains en tant que carrière, sous peine d’amende, afin de les préserver pour les générations futures. Mais ces mêmes autorités précisaient bien: «sauf si cela s’avère nécessaire»!

Un métier stéréotypé

Enfin, l’exposition permet au public d’avoir un autre regard sur l’archéologie. Le grand nombre de documents à disposition montre bien que le métier ne se résume pas à gratter la terre.

«On imagine toujours l’archéologue avec une truelle et une brosse, déplore Anne Hochuli-Gysel. On sait moins que nous vérifions plein de choses dans la documentation existante. On peut ainsi faire le lien entre une pièce que nous trouvons dans une fouille actuelle avec un bâtiment qui était complet ou plus complet à une certaine époque.»

swissinfo, Olivier Pauchard

Quelques visiteurs célèbres des ruines d’Avenches:
Frédéric Ier Barberousse (empereur germanique)
William Turner (peintre anglais)
Goethe (écrivain allemand)
Lord Byron (poète anglais)
Fenimore Cooper (romancier anglais)

– On ignore la date exacte de la fondation d’Aventicum. Mais la ville devient la capitale des Helvètes après l’annexion romaine en –15.

– La ville est élevée au rang de colonie sous l’empereur Vespasien (vers 71-72). Tous les bâtiments romains encore visibles à Avenches sont postérieurs à cette époque.

– La ville atteint son apogée aux 2 et 3e siècles. Elle compte alors 20’000 habitants.

– Vers 275-277, Avenches est ravagée par les Alamans (barbares germaniques). La ville survit, mais ne se remettra jamais vraiment des invasions.

– Avenches abrite l’évêque local avant son transfert à Lausanne (fin du 6e siècle, début du 7e).

– Aujourd’hui, Avenches compte 2500 habitants.

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