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La sneaker, objet iconique mondialisé

La chaussure de sport convoitée par tous les pays, toutes les classes sociales, tous les grands magasins, chics et modestes, fait son entrée au musée. A Lausanne, le Mudac lui consacre une exposition, la première du genre, qui se tient jusqu’à fin janvier 2020. Ça tombe bien, car au même moment se déroulent les Jeux Olympiques de la Jeunesse (JOJ) dans la capitale vaudoise.


Baskets noires et blanches
En passant du noir au blanc, puis à toutes les couleurs, la basket (ou plutôt la sneaker) est devenue universelle – et iconique. © Courtesy of Adidas

C’est une asphalteuse. Mais elle ne racole pas sur le trottoir, elle bat le pavé avec audace, sûre du confort qu’elle procure et du plaisir qui s’ensuit. Elle, c’est la basket, plus connue aujourd’hui sous le nom de sneaker. Née sur le bitume au début des années 1970, dans le milieu noir américain, elle grimpe vite l’échelle sociale et rejoint, fière, les maisons de haute couture. Déclinée sous des centaines de modèles et de couleurs, elle se vend à tous les prix et fait le bonheur du riche comme du pauvre.

Objet iconique mondialisé, la voilà qui entre au musée. Le MudacLien externe de Lausanne (Musée de design et d’arts appliqués contemporains) lui consacre une exposition présentée sous le titre Sneaker CollabLien externe. Mise sur pied par SwisssneaksLien externe (association qui thématise les cultures urbaine à travers le prisme de la sneaker), l’exposition a été conçue avec l’aide de Marco Costantini, conservateur au Mudac et co-commissaire de l’exposition. Entretien.

 

Contenu externe

swissinfo.ch Qui a eu lidée de cette exposition, le Mudac ou Swissneaks?

Marco Costantini: C’est Swissneaks qui est venu me trouver pour me proposer son projet. Comme ça faisait longtemps que je cherchais un sujet d’exposition pouvant toucher des spectateurs jeunes qui n’ont pas forcément l’habitude des musées, j’ai accepté la proposition.

Lexposition tombe au moment des Jeux Olympiques de la Jeunesse (JOJLien externe) de Lausanne, qui auront lieu en janvier 2020. Est-ce voulu? 

Disons que la Ville est entrée en contact avec les instituions cultuelles lausannoises susceptibles de créer des projets en résonance avec les Jeux Olympiques. Le Mudac a donc pensé que c’était là une occasion à saisir. Au départ, l’exposition devait se terminer avant le début des Jeux, mais nous avons réussi à la prolonger pour qu’elle croise justement ces rencontres sportives internationales.

Vous pensez que vous aurez du monde en janvier?

Oh! On a déjà beaucoup de visiteurs; mais bon, l’impact des Jeux Olympiques augmentera leur nombre certainement. Il y a d’ailleurs tout un programme mis en place par le bureau des JOJ qui prévoit des visites pour les fédérations sportives et les équipes participant aux Jeux. 

Le visiteur sattend àvoir une exposition sur lhistoire de la sneaker. Or ce quil découvre, ce sont les modes de collaboration entre les grandes marques sportives et les stars de la mode, du cinéma, du sportPourquoi ce choix?

Parce qu’on s’est dit que si on voulait frapper les esprits il faillait parler de l’aspect le plus sensationnel de la sneaker, à savoir les stratégies commerciales: comment les marques (Nike, Puma, Adidas…) collaborent avec de grands chanteurs, acteurs ou designers de mode pour créer soit des modèles de sneakers à grande échelle, soit des modèles exclusifs. Je pense que le thème de la collaboration en dit long sur la culture d’aujourd’hui.

Cest-à-dire ?

Nous vivons dans une société où l’on essaie de partager, de créer ensemble. Il y a beaucoup de porosité entre les différentes disciplines culturelles: musique, design, art contemporain… C’est sur cet échange multilatéral que se penche l’exposition avec, en ligne de mire, les modes de production, le marketing… On montre, par exemple, comment la marque Adidas recourt aux concepteurs de nouvelles technologies pour la fabrication des sneakers; comment elle cède par ailleurs à la pression des protecteurs de l’environnement en abandonnant l’utilisation du simple caoutchouc au profit d’un matériau écologique. Il faut dire que ce n’est là qu’un début dans la prise de conscience environnementale. D’ailleurs la chaussure écolo que nous exposons n’est pas encore commercialisée.

Passons au cinéma. «Do The Right Thing», film de Spike Lee sur les tensions raciales en Amérique, est un pilier de la culture sneaker. Or vous exposez une copie de la basket que lon voit dans le film. Votre choix a-t-il une connotation politique ?

Oui. Il faut rappeler cette scène du film où un Blanc salit une paire de sneakers flambant neuve, portée par un Noir. Le symbole de la tache (raciale) est dans ce cas évident. J’ai choisi cette chaussure car je voulais montrer que les grandes marques, en l’occurrence Nike, ne limitaient pas leur collaboration aux stars du showbiz mais qu’elles les étendaient aux hommes porteurs d’un discours engagé, comme Spike Lee.

 

Baskets
Présente des discounts aux boutiques de luxe, la sneaker a aussi ses conventions. A Lausanne, elle en est à sa sixième édition annuelle. ©  Marvinilte – Swisssneaks 2017

Comment expliquez-vous le fait que la basket, au départ chaussure très populaire, ait trouvé un immense succès auprès des maisons de luxe, comme Prada, Louis Vuitton, Chanel

Quand la basket a quitté le milieu afro-américain, pauvre, pour atterrir sur les terrains de sport dans les villes, elle s’est imposée comme un élément de la culture urbaine, au même titre que le Hip-hop. Beaucoup d’artistes célèbres ont alors adopté la basket et en ont fait un accessoire important de leur garde-robe. C’est ainsi qu’elle gagna en succès, surtout chez les adolescents des années 1980-90. Certains d’entre eux, devenus plus tard des stylistes de renommée mondiale, l’ont introduite dans les maisons de luxe. C’est le cas de Virgil Abloh, créateur afro-américain qui dirige la ligne pour homme chez Louis Vuitton. A sa manière, il signe aujourd’hui la victoire de la culture black.

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