Bienne bleu-blanc-rouge
Fin de semaine tricolore pour la très bilingue ville bernoise, qui vit une nouvelle édition de son «Festival du Film Français d'Helvétie». C'est 'Les murs porteurs', avec Miou-Miou et Charles Berling, qui a ouvert le bal jeudi soir.
Une salle comble et deux chansons de Michael von der Heide pour assurer tout en élégance le lever de rideau – en allemand et en français bien sûr – de ce 4e «Festival du Film français d’Helvétie»…
Et puis un film. Qui nous offre une histoire belle et moche comme le temps qui passe. Moche parce que la vie s’effiloche, parce que la mémoire s’efface, parce qu’on ne réalise jamais autant ce que l’on avait que lorsqu’on l’a perdu – un parent, par exemple. Et beau parce que la vie continue, et que l’humour et l’amour renaissent sur les cendres du passé, quel qu’il soit.
Ce film, c’est «Les murs porteurs» du Niçois Cyril Gelblat, projeté à Bienne en première suisse, en présence du réalisateur et de la coproductrice, la Suissesse Ruth Waldburger. Un choix étonnant pour une soirée d’ouverture, car éloigné de toute notion de spectacle.
Mais un choix qui aura le mérite de rappeler que le cinéma français, lorsqu’il est porté par des acteurs remarquables – en l’occurrence Miou-Miou, Charles Berling, Giovanna Mezzogiorno, Schulamit Adar – sait transformer une histoire apparemment banale en une émotion que chacun peut retrouver en lui…
«Biel – Bienne»
La spécificité de Bienne, petite ville du canton de Berne, au pied du Jura, c’est son bilinguisme. Dans un bistrot, il n’est pas rare que vous entendiez une conversation bifurquer d’une langue à l’autre. Voire une phrase en français se teinter de solides germanismes et réciproquement.
Pourtant, les barrières culturelles et linguistiques existent. Et c’est l’un des buts du «FFFH» (qui a connu une première existence au cours des années 90, puis une renaissance en 2005) que d’y ouvrir une brèche. «L’un des objectifs du festival est de franchir les frontières linguistiques, de pouvoir donc accueillir et les Alémaniques et les Romands dans les salles. Ce qui fonctionne plutôt bien: on a eu 35% de germanophones en 2007», relève Christian Kellenberger, directeur de la manifestation.
Une progression qui s’observe également à travers l’intérêt des médias: «Au début, seuls les médias francophones s’intéressaient au festival. Ce qui n’est plus le cas aujourd’hui, puisque nous avons aussi une vraie couverture dans les médias alémaniques», ajoute-t-il.
A noter que la grande majorité des films projetés sont sous-titrés en allemand.
La France au centre
En trois journées intitulées «Bleu» (vendredi), «Blanc» (samedi) et «Rouge» (dimanche), ce sont 25 films qui vont être projetés dans le cadre de la manifestation. Dans des registres pour le moins variés. «Films d’auteur, thrillers, comédies, nous ne refusons aucun genre. Simplement, le film doit être distribué en Suisse, on travaille d’ailleurs avec la collaboration des distributeurs» explique Christian Kellenberger.
Un certain nombre de premières et d’avant-premières sont au menu. Notamment «Les grandes personnes» d’Anne Novion avec Jean-Pierre Darroussin (tous deux sont présents à Bienne), «Elève libre» de Joachim Lafosse, le très attendu «Coluche» d’Antoine de Caunes, «Magique» de Philippe Muyl avec le chanteur Cali, «Cliente» de Josiane Balasko, ou encore «Entre les murs», Palme d’Or à Cannes cette année, de Laurent Cantet.
«On s’appelle le Festival du Film Français et non pas du ‘film francophone’, car j’ai vraiment souhaité rendre honneur au cinéma français», souligne Christian Kellenberger.
Avant de préciser: «Mais il est vrai aussi qu’on a différentes rubriques, qui permettent de mettre en avant certaines coproductions. Par exemple cette année, il y en a deux: ‘Les murs porteurs’, projeté en ouverture, et puis, en clôture, ‘Home’, de la Suissesse Ursula Meier, seul film suisse sélectionné cette année à Cannes, dans le cadre de ‘La semaine de la critique’.
La Romandie dans le coup
Car Christian Kellenberger affirme son attachement au cinéma suisse, romand en particulier. De nombreuses personnalités d’ici participent d’ailleurs à l’événement, des comédiens Natacha Koutchoumov et Gilles Tschudi (parrains de cette édition) aux réalisateurs Denis Rabaglia et Lionel Baier en passant par un certain Andres Andrekson, plus connu sous le nom de Stress, rappeur de son état.
Mais pas encore au point de motiver financièrement l’Office fédéral de la Culture (OFC), qui souligne que le FFFH est orienté sur la production française, et d’ailleurs soutenu, aux côtés de la ville de Bienne et du canton de Berne, par Unifrance, institution française chargée de la promotion du cinéma français à l’étranger. Le budget du festival, qui connaît une belle progression, s’élève à 1,25 million contre 250’000 francs en 2005.
Mais pour Christian Kellenberger, rien n’est exclu: «Je ne pense pas que le soutien de l’OFC et d’Unifrance soient contraires…. Peut-être qu’un jour l’OFC nous attribuera-t-il quelque chose. Cette année, c’est Jean-Frédéric Jauslin, patron de l’OFC, qui a prononcé le discours d’ouverture!»
Jean-Frédéric Jauslin qui, lors de son allocution, n’aura d’ailleurs pas lésiné sur les «Continuez, nous vous observons…»
swissinfo, Bernard Léchot à Bienne
La ville de Bienne comptait 50.852 habitants au 31 décembre 2007, dont 60,7% de germanophones et 39,3% de francophones.
Le FFFH se déroule au cœur de Bienne, dans les salles des cinémas Rex. Le Cinéma Palace accueillera pendant le Festival des reprises de la sélection du FFFH (séances du lendemain) ainsi que des projections spéciales.
A l’initiative du ‘Forum du bilinguisme’ et du FFH, des personnalités du monde cinématographique suisse traiteront samedi 20 septembre de la question des langues dans le cinéma en Suisse.
Le sous-titrage, l’éloignement culturel entre Genève et Zurich seront notamment au cœur des débats.
Cette discussion sera suivie de la projection en avant-première (sortie en salles en 2009) du nouveau film du réalisateur suisse Lionel Baier «Un autre homme» (sortie en 2009 sur les écrans suisses).
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