Blaise Hofmann prend de l’altitude
A 30 ans, le romancier vaudois s'affirme déjà comme un écrivain du terroir avec son deuxième ouvrage «Estive» (éditions Zoé). Lauréat du Prix Nicolas Bouvier 2008, ce roman rend hommage au métier de berger que l'auteur a pratiqué un été entier dans les Alpes suisses.
Là-haut, sur les Monts d’Arvel, résonne la voix d’un berger pas comme les autres. Absorbé qu’il est par sa vie intérieure, ce berger pensif et rêveur se tient, comme la montagne qui l’abrite, à bonne distance de la vie.
Son travail quotidien consiste, comme il dit, «à reformer un troupeau qui se déforme». Mais son métier, lui, reste ailleurs: il est dans l’écriture amarrée sur les sommets alpins.
Cette écriture-là embrasse un paysage grandiose: les cases, les chalets, les prés et les pâturages d’Aveneyre. Une Suisse éternelle donc à laquelle Blaise Hofmann donne une dimension intime, philosophique, pastorale, dans son dernier livre «Estive» (Ed. Zoé), lauréat du Prix Nicolas Bouvier 2008, accordé en France.
Le ventre souvent vide
Blaise Hofmann s’est fait berger le temps d’un été. C’est cette expérience unique qu’il relate donc dans son dernier roman écrit le ventre souvent vide, la soif coupée par des gorgées de Goldamine, l’œil rivé sur son troupeau de moutons, le cœur rempli d’émotions et la pensée arrimée aux textes de grands auteurs, Charles-Ferdinand Ramuz, entre autres.
Il y a d’ailleurs du Ramuz chez Hofmann que l’on peut d’ores et déjà qualifier d’écrivain du terroir, capable de dresser, d’herbage en herbage, le tableau d’une Suisse paysanne avançant d’un pas sûr et modeste vers son destin.
Il y a aussi du Robert Walser chez cet auteur de 30 ans, déjà promeneur solitaire, happé par la contemplation furtive, attentive ou rêveuse de la nature.
Il y a enfin du Jacques Chessex chez ce jeune homme coriace qui en appelle aux bourreaux pour réveiller quelques mythes paysans dormant tranquillement dans les oubliettes.
Un tueur d’animaux
On pense précisément au «Vampire de Ropraz» dudit Chessex quand Hofmann raconte dans «Estive» l’histoire d’un tueur d’animaux. La légende voudrait qu’un employé de ferme en soit la cause. On cherche, on spécule, on bute sur les doutes. «La police promet huitante-cinq mille francs de récompense» à qui trouve le criminel.
Ces références littéraires mises à part, il faut quand même dire que Blaise Hofmann a son propre style fait de pointes et de pics, comme cette montagne qu’il aime tant.
Pointes d’humour, comme ce gag sur la fille de Bill Clinton, Chelsea, demandée en mariage par un fermier Kenyan «contre vingt vaches et quarante chèvres». Et pics de bonheur et de désillusions comme cette interrogation sur le métier de berger.
L’auteur se voit dans les premières pages comme un Dieu Pan ou «un allumeur des feux de la Saint-Jean». A la fin de son livre, il se demande comment «peut-on rêver d’un métier si répétitif, si constant et si dépendant? Berger, c’est le contraire de la liberté. C’est l’abrutissement total», écrit-il. Faut-il le croire?
swissinfo, Ghania Adamo
* «Estive» de Blaise Hofmann. Editions Zoé, 161 pages
Né en 1978, il est issu du milieu paysan vaudois.
Très tôt, il s’intéresse à d’autres cultures. A 17 ans, il part au Bénin où il aide à construire un dispensaire, une expérience qui le marque.
A l’Université de Lausanne, il étudie la psychologie, l’histoire et la littérature française.
Après ses études, il entreprend un long voyage à travers le monde : la Mongolie, la Chine, l’Afghanistan, l’Iran, l’Ethiopie …
De retour à Morges (Vaud) où il habite, il se met à écrire et publie un premier roman «Billet aller simple» ainsi qu’un recueil de poèmes «Quarantaine chez les Russes».
Son 2e roman «Estive» a obtenu en France le Prix Nicolas Bouvier 2008.
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