La première école de recrues
Deux fois par an, quelque 8000 à 10’000 jeunes femmes et hommes débutent leur formation à l’école des recrues. L’«ER» de l’armée suisse a presque le même âge que l’État fédéral: la première de ce genre a en effet vu le jour le 4 septembre 1849 à Winterthour.
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S’il n’y avait pas d’armée fédérale organisée de manière fixe avant 1798, les diverses alliances ayant mené, sur une période de 500 ans, à la création de l’État fédéral suisse ont toujours reposé notamment sur la volonté de disposer d’une défense nationale commune. Jusqu’au XVIIe siècle, il n’existait aucune formation militaire centralisée. Les jeunes hommes apprenaient le métierLien externe lors de compétitions et de jeux armés, ou auprès de maîtres d’escrime itinérants. Chacun exerçait ses compétences à l’arc ou à l’arbalète et en faisait la démonstration à l’occasion des fêtes de tir. Les soldats engagés au service étranger se formaient «sur le tas», directement sur le terrain. Forts de nouvelles expériences et d’un savoir-faire accru, ils rentraient ensuite pour constituer le noyau des troupes dans leur patrie et transmettre leurs connaissances.
Quand l’usage de la poudre à canon prit de l’ampleur sur le champ de bataille, il fallut coordonner l’utilisation des diverses armes. Pour la première fois, on disposait d’une artillerie capable de soutenir l’infanterie et la cavalerie. Une instruction et un entraînement adéquats s’imposaient afin de garantir une interaction fluide entre tous les intervenants sur le champ de bataille. Lors de ces exercices organisés à l’échelon régional, appelés «drill», les soldats travaillaient le maniement des armes et les commandements correspondants afin de maîtriser le fonctionnement en formation.
Des différences entre les cantons
L’organisation régionale ayant perduré jusqu’au XIXe siècle, la formation des militaires en Suisse incombait aux cantons. On observait par conséquent de nombreux systèmes et philosophies différents, avec un niveau d’instruction d’autant plus hétérogène. Dans plusieurs cantons, des entraînements de quelques jours avaient lieu sur les places communalesLien externe. Dans d’autres, comme à Lucerne, les recrues devaient assister à douze après-midis de formation militaire le dimanche. Dès 1815, certains mirent en place des écoles de recrues centrales, d’une durée d’une à cinq semaines. En 1820, grande première dans l’histoire suisse, des troupes issues de différents cantons furent convoquées à un même camp d’entraînement près de Wohlen (Argovie). En moyenne, 3000 hommes participaient à ces préparations. Le jour, ils travaillaient la coordination des diverses armes; le soir, ils profitaient d’une ambiance conviviale. Cela permit à des militaires originaires des quatre coins du pays de faire connaissance. Un sentiment d’appartenance nationale se développa ainsi au sein des troupes par-delà les frontières cantonales.
Et puisque la Constitution fédérale de 1848 citait comme premier objectif l’indépendance de la patrie contre l’étranger, la défense nationale devint une mission essentielle du jeune État fédéral. La Confédération se contenta d’abord de surveiller les activités militaires des cantons et de prendre en charge l’instruction des troupes techniques et des cadres supérieurs. La formation de l’infanterie resta quant à elle sous la responsabilité des cantons pendant encore 30 ans.
La première «ER» fédérale
Le compte rendu de la décisionLien externe d’organiser pour la première fois des écoles de recrues fédérales pour la cavalerie à titre d’essai, en septembre et octobre 1849, est conservé aux Archives fédérales. Le mardi 4 septembre 1849, 64 jeunes hommes durent intégrer une école à Winterthour. Mais les recrues n’avaient alors pas à se soucier des gardes du week-end et des permissions de sortie, car l’«ER» ne durait que jusqu’au vendredi. Les recrues furent prises en charge par un état-major d’une trentaine de personnes, parmi lesquelles plusieurs instructeurs, un maître d’escrime et un vétérinaire équin.
Rythmés par des exercices théoriques et pratiques, les trois jours comprenaient de nombreux éléments qui figurent aujourd’hui encore au programme de formation des recrues et façonnent leur quotidien militaire: désignation des pièces constitutives des armes, connaissance des lois martiales, marche, démontage des armes, appel ou encore extinction des feux ou appel au réveil. Dans les semaines suivantes, deux autres écoles de recrues destinées à la cavalerie eurent lieu à Bière (du 12 au 15 septembre 1849) et à Aarau (du 17 au 20 octobre 1849), réunissant des militaires des régions correspondantes. À l’époque, le trajet jusqu’au site de formation était donc nettement plus court qu’il ne l’est actuellement.
Si les troupes techniques bénéficiaient ainsi d’une formation homogène à compter de 1850, la Confédération n’imposait pour l’infanterie que la durée minimale de l’instruction de base et la tenue d’un exercice final de bataillon. Or, comme tous les cantons ne se conformaient pas à ces prescriptions pourtant souples, le niveau de compétences des fantassins restait disparate. L’organisation militaireLien externe de 1874 finit par confier également la formation de l’infanterie à la Confédération. Les groupes étant toujours constitués par région, les soldats romands et ceux de Suisse orientale n’étaient généralement pas mélangés. Ce n’est qu’en 2004, avec l’apparition de l’«Armée XXI», que ces troupes cantonales furent définitivement supprimées. La durée des écoles de recrues a elle aussi considérablement évolué au cours des 175 dernières années. Tandis qu’elle ne dépassait pas quelques jours pour les écoles expérimentales, les recrues séjournaient en moyenne sept semaines à la caserne dans les années 1850. Des années 1930 aux années 1990, l’ER s’étendait traditionnellement sur 17 semaines, puis 21 semaines de 2004 à 2017 et 18 semaines aujourd’hui, le nombre de cours de répétition ayant été adapté en conséquence.
Après avoir suivi des études d’anglais et de sciences politiques, Alexander Rechsteiner travaille aujourd’hui au sein du département Communication du Musée national suisse.
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