Vive le sang bleu!
Sissi, l’empereur Guillaume II, la reine Victoria et bien d’autres personnalités royales ont régulièrement séjourné en Suisse, y laissant des traces et des anecdotes.
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Personne ne connaissait la Countess of Kent ou la comtesse de Hohenembs. Mais les Suisses ne se laissaient pas tromper par ces noms d’emprunt; ils savaient bien que derrière la Countess of Kent se cachait la femme la plus puissante du monde, la reine Victoria d’Angleterre, et que la Gräfin von Hohenembs n’était autre que l’impératrice Élisabeth d’Autriche, plus connue sous le nom de SissiLien externe. Les Suisses – ces démocrates – accueillaient avec une ferveur toute frénétique les aristocrates célèbres voyageant incognito dans le pays.
Lorsque la reine d’Angleterre arriva à Lucerne, une foule en liesse l’attendait à la gare pour lui souhaiter la bienvenue. La police de la ville dut d’ailleurs contenir les badauds de peur qu’ils n’écrasent la reine. Un peu plus tard, Victoria fit une excursion sur le Rigi et deux à trois cents personnes entonnèrent le God Save the Queen en son honneur à Rigi-Kaltbad. Le silence des montagnes fut également rompu par des salves de bienvenue.
De même, de grandes foules se précipitèrent pour accueillir Joseph II, empereur du Saint- Empire, le tsar Alexandre Ier, l’empereur Napoléon III et le roi Louis II de Bavière. Au XXe siècle, ce fut en l’honneur de l’empereur d’Allemagne Guillaume II, de la reine Astrid de Belgique, de l’empereur d’Éthiopie Hailé Sélassié ou de la reine Elisabeth II d’Angleterre.
N’est-il pas frappant de constater que la Suisse, qui a toujours chéri et rendu honneur à sa tradition démocratique, faisait la révérence lorsque l’une de Ses Majestés venait avec sa cour? Les Suisses seraient-ils des monarchistes déguisés ? Serait- ce parce qu’ils n’ont jamais eux de roi ou de reine à eux? Pas vraiment, car à la lutte suisse, le vainqueur est sacré roi des lutteurs, pas champion! La dignité royale n’est donc pas incompatible avec le rond de sciure. La Suisse et sa population étaient paisibles aux voyageurs royaux. Même s’il leur était impossible de préserver leur incognito, les souverains se sentaient manifestement bien de Bâle à Chiasso.
Les raisons qui les poussaient à venir étaient d’ailleurs aussi différentes que Leurs Majestés. Certains souhaitaient rencontrer de grands intellectuels européens vivant dans le pays, d’autres cherchaient la tranquillité et voulaient se reposer – comme la reine Victoria qui se promenait et peignait des aquarelles du paysage en visitant de nombreux sites touristiques en Suisse centrale. Pour d’autres encore, il s’agissait de se rencontrer entre puissants sur un territoire neutre ou de faire une visite officielle, à l’instar de l’empereur d’Allemagne Guillaume II. La fuite et la recherche d’une terre d’exil, par exemple par Napoléon III, empereur des Français, furent également un motif. Mais parfois les raisons étaient aussi d’une grande banalité, comme l’envie de faire des emplettes, d’acheter des montres de luxe ou des armes.
En 1929, la visite de la reine des Pays-Bas dans le canton du Valais suscita des acclamations qui ne furent pas sans étonner. Le Briger Anzeiger en fournira une analyse quelque peu tortueuse: «La reine aura pu constater que le plus ancien peuple républicain du monde n’est pas, en pensée, aussi éloigné des monarchistes que l’on serait tenté de le supposer.»
13.03.2021 03.10.2021 / Forum de l’histoire suisse SchwytzLien externe
La Suisse ne connait pas de tradition royale, elle n’a jamais eu ni roi ni reine. Pourtant, ou peut-être justement pour cette raison, les Suisses démocratiques se passionnent pour les maisons royales. Cela se voit aux foules en liesse qu’attirent les visites de têtes couronnées en Suisse. L’expositionLien externe retrace des anecdotes suisses des Royals et montre des souvenirs rares de leurs voyages. C’est ainsi qu’on peut y voir une aquarelle de la reine Victoria, la robe de cérémonie de Sissi et son journal poétique ainsi qu’une mèche de la crinière d’un lion sur le chapeau de l’empereur Sélassié.
Michael van Orsouw est docteur en histoire, poète et écrivain. Il publie régulièrement des ouvrages historiques.
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