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Brutal, comme la réalité

Jérémie Rénier, mèches blondes, costume et cravate, pour jouer le rôle de Philippe. Image tirée du film «Violence des échanges en milieu tempéré»

Parmi les films en compétition au Festival de Locarno: «Violence des échanges en milieu tempéré», du réalisateur français Jean-Marc Moutout.

Un film qui décrit le milieu de l’entreprise, le monde du chacun pour soi. Un film qui dit la réalité avec justesse.

Paris. Quartier de la Défense. Le secteur des affaires. Le monde de l’efficacité, de la productivité.

Celui des chefs qui roulent en BMW et balancent des slogans: «No pain, no game!» (en anglais, c’est tellement plus chic).

Celui des jeunes loups aux dents longues. «La journée, tu bosses. Le soir, tu gères ta carrière».

Le monde que Philippe (Jérémie Rénier) a choisi de rejoindre. Il a 25 ans, une carrière prometteuse devant lui. Il vient d’être engagé chez Mc Gregor, un important cabinet de consultants en entreprise.

Son premier mandat: préparer le rachat – encore confidentiel – d’une usine par un grand groupe. Son chef lui demande un audit. Puis, des évaluations personnelles…

Philippe comprend alors qu’il va devoir désigner les employés ‘dignes’ de travailler dans la nouvelle organisation de l’entreprise. Autrement dit, désigner ceux qui seront licenciés.

Des idéaux au cynisme

«J’avais envie de savoir comment on arrive à faire des choses qu’on réprouve au départ», commente le réalisateur.

«On est tous passés par-là, poursuit Jean-Marc Moutout. On fait des études, on est plus ou moins rebelle… Et puis, ça se concrétise. On entre dans le monde du travail et il transforme nos envies de jeunesse.»

Philippe, lui, connaît les règles de l’économie. Il les accepte. «Ce n’est pas là-bas que je vais rigoler. Mais bon… Je l’ai voulu, je l’ai eu», dit-il avec un sourire résigné, au début du film.

Mais quand il se trouve face aux employés et face à sa petite amie Eva, il passe par une phase de révolte («Je ne veux pas être un coupeur de têtes!»). Il s’imagine vendre du fromage de chèvre… Le rêve ultime quand on a juste envie d’abandonner, de se débarrasser de toute responsabilité.

La phase de révolte sera pourtant timide et brève. Sa carrière l’emporte. Par lâcheté, par faiblesse, il va alors se convaincre que ce qu’il fait est juste. Et puis, petit à petit, il y prend goût. Parce que la reconnaissance sociale, ce n’est pas rien…

Son chef ne s’était pas trompé. «C’est comme un dépucelage… Au début, tu as peur. Et puis, tu es très fier.» Philippe a rejoint le monde du cynisme.

On est à Paris. Quartier de La Défense. Le monde des affaires. Mais cela pourrait être partout ailleurs.

C’est peut-être ça qui nous touche. Parce que «Violence des échanges en milieu tempéré» ne dénonce pas. Il dit la réalité. La réalité brute. Et c’est tellement plus fort.

swissinfo, Alexandra Richard, Locarno

– Né en 1966 à Marseille, Jean-Marc Moutout suit d’abord une formation de comédien au cours Simon.

– Mais il s’intéresse très vite à la réalisation et tourne de nombreux courts métrages et documentaires, dont plusieurs sur le monde du travail.

– «Violence des échanges en milieu tempéré» est son premier long métrage de cinéma.

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