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Célibataire, un statut angoissant ou rassurant ?

Le célibat permet de vivre à cent à l'heure, sauf le dimanche, où c'est la panne... VieEnDeux

Ni l'un ni l'autre, selon La vie en deux, le dernier film documentaire de Frédéric Baillif, à l'affiche des salles de Genève et de Lausanne. Le cinéaste genevois y interroge six jeunes femmes et hommes qui vivent leur célibat entre inquiétudes et joies.

D’abord on se dit que c’est du déjà vu: une suite de clichés sur le célibat des jeunes, illustrée par six cas de figure, hommes et femmes de 30-35 ans, en rupture d’amour, mal acoquinés avec leur solitude. Vient ainsi à l’esprit Le journal de Bridget Jones, le fameux film de Sharon Maguire qui rameuta les foules lors de sa sortie en 2001.

Remarquez, le sujet est vendeur: guetter le prince charmant ou la belle au bois dormant, le (la) louper parce qu’on est cloche, timide ou nombriliste, se reprendre en main, réussir, puis de nouveau échouer, et rebelote.

Bref, une ronde infernale qui avait fait le succès de Bridget Jones justement. Sauf qu’ici, dans La vie en deux, il ne s’agit pas d’une fiction, mais d’un documentaire signé Frédéric Baillif, qui commence par vous agacer par son côté nunuche, pour vous poursuivre ensuite par son humanisme touchant.

Marginaux de l’amour

Frédéric Baillif aime les «cas sociaux». Dans Geisendorf, documentaire réalisé en 2006 (Prix TSR du meilleur film suisse au festival Visions du Réel), il s’était intéressé à la vie d’une poignés de zonards qui fréquentaient un parc de Genève, réputé dangereux. On ne dira pas que les jeunes qu’il filme dans La vie en deux sont des «zonards». On préfère les appeler «les marginaux de l’amour».

Il y en a un d’ailleurs qui, dans le film, explique très bien sa marginalité et celle des autres protagonistes. Il dit ceci: «Si on est encore là, seul, à 34 ans, c’est parce qu’on n’a pas suivi le schéma.»

Il a raison. Dans sa phrase réside tout le sujet du film. Pour réussir sa vie de couple, ou pour parvenir à se mettre en couple, il faut se conformer à un schéma. Ce schéma, c’est la société qui le dicte. C’est elle qui établit les codes de séduction. Si on ne les respecte pas, on se condamne au plus pénible des châtiments: le célibat et son pendant, la solitude.

Pas de différence entre les sexes

Mais est-ce vraiment un châtiment le célibat? Le film pose aussi cette question qui charrie son lot de contradictions. Une des jeunes filles interrogées avoue vouloir rester «disponible» pour sa carrière, pas pour un éventuel conjoint. Une autre affirme: «Les hommes ont peur de moi parce que j’ai du tempérament». On lui recommande de mettre un peu d’eau dans son vin. Elle refuse.

Les confidences des unes et des autres recoupent par moments les déclarations des «jeunes premiers» supposés être plus soucieux de leur liberté sentimentale que les femmes. Supposés seulement! Car la société moderne occidentale ne fait pas de différence entre les sexes, pour ce qui est des loisirs en tout cas. Les tentations qu’elle offre ont de quoi calmer les désirs des garçons aussi bien que les aspirations des filles.

C’est également ce que montre le film qui, plus qu’une histoire, dessine un état mental. L’amour y est perçu comme un présent sans avenir. Chacun vit dans sa bulle, aidé en cela par une société qui encourage l’individualisme. Un des témoins lâche: «Nos aînés supportaient les frustrations. Pour nous, elles sont souvent une cause de rupture avec l’être aimé.»

Frédéric Baillif écoute les rêves et les peurs de chacun, y compris les siens. Car il joue également dans le film et s’interroge sur ses propres joies et hantises de célibataire. Il est lui aussi pris en tenaille: d’un côté, le désir de liberté («Je fais ce que je veux. Comme je veux»), de l’autre, la crainte du dimanche, la bête noire du célibataire. «Ce fameux dimanche où on s’emmerde… et où on a tout le temps de ruminer.»

Ghania Adamo, swissinfo.ch

Né en 1973, il a grandi dans la campagne genevoise

Après avoir mené parallèlement des études d’éducateur et une carrière professionnelle de basketteur, il se lance dans la réalisation de films.

A 25 ans, il se rend à New-York où il travaille durant 6 mois comme assistant de production dans le cadre d’une série «soap», réalisée pour Bravo Chanel.

Fort de cette expérience, il rentre à Genève en 2001 et tourne son premier documentaire Sideman, portrait d’un jeune musicien exilé à New-York.

Trois ans plus tard, il quitte le métier d’éducateur pour réaliser Geisendorf, qui a reçu le Prix TSR du meilleur documentaire suisse.

Son film Le Fond et la forme, sorti en 2008, marque un passage vers un cinéma plus assuré. Il y fait le point sur son passé d’éducateur, comme pour mieux assurer sa reconversion.

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