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Carlo Brandt, dans l’intimité de Dostoïevski

Quand Carlo Brandt joue Dostoïevski... Marthe Lemelle

A Genève, le comédien romand interprète «Le rêve d'un homme ridicule», un récit extrait du «Journal» de l'écrivain russe.

Rencontre avec un acteur qui aime connecter les textes qu’il joue à notre époque.

Il est direct, il est offensif, il peut même être brut comme les spectacles qu’il monte ou les rôles qu’il incarne. Il jouait nu dans «Avanti!» un solo qu’il donnait au Théâtre de Vidy-Lausanne, en 2001. On avait alors du mal à justifier sa nudité sur scène, et on s’était dit que finalement, Carlo Brandt sait bien se vendre.

On le revoit aujourd’hui chaudement vêtu, avec une barbe bien fournie qui creuse son regard perçant et le fait cruellement ressembler à Dostoïevski.

Dostoïevski dont il interprète justement «Le rêve d’un homme ridicule», un récit extrait du «Journal d’écrivain» du romancier russe, présenté au Théâtre Saint-Gervais, à Genève.

L’espoir dans le désespoir

Seul sur scène, Carlo Brandt est cet «homme ridicule», insomniaque de nature, qui, un soir, s’endort comme par miracle sur son fauteuil et rêve qu’il se suicide. Dans son rêve, il est ressuscité par un individu qui l’arrache à son cercueil et l’emmène sur une autre planète. Or cette planète s’avère être le paradis, un paradis que «l’homme ridicule» va, hélas, corrompre.

Tout Dostoïevski est là-dedans: la foi dans le doute, l’espoir dans le désespoir. Une dialectique existentielle dont Carlo Brandt souhaite tirer le meilleur parti sur scène. Le comédien se dit connecté au monde d’aujourd’hui via les textes qu’il interprète. «Notre planète est belle, nous aurions pu la garder comme telle, dit-il, mais nous choisissons toujours de la salir. Voyez les guerres!»

Ce sont justement les «Pièces de guerre» (une trilogie du dramaturge britannique Edward Bond) qui ont engagé Carlo Brandt sur la voie d’un théâtre dit politique. Ce sont elles aussi qui ont consolidé sa collaboration avec le metteur en scène français Alain Françon. Lequel lui avait confié le plus important rôle de cette trilogie. C’était dans les années 1990.

Travailler avec ceux qu’on aime

Depuis, Carlo Brandt n’a pas lâché prise. Etabli à Paris, le comédien genevois est aujourd’hui artiste associé au Théâtre national de la Colline dirigé par ledit Françon.

Comme Jean-Luc Bideau, comme Gilles Privat ou Jean-Quentin Châtelain, Carlo Brandt fait carrière à Paris. Comme tous ces acteurs romands, il avoue que lorsqu’on quitte Genève l’amnésie guette. «Les gens ici vous oublient, parfois sciemment, lâche-t-il. Des fois je me demande s’il n’y a pas dans cet oubli volontaire une sorte de châtiment. On est comme puni d’avoir réussi ailleurs».

C’est auprès de Charles Joris, ancien directeur du TPR (Théâtre populaire romand, la Chaux-de-Fonds), que Carlo Brandt a fait ses premières armes. Plus tard, dans les années 80, l’acteur rejoindra, à la Comédie de Genève, Benno Besson qui l’engagera dans pratiquement tous ses spectacles.

Pour Carlo Brandt, le théâtre est une affaire d’affinités artistiques. «Je ne choisis pas le lieu de mon travail en fonction de son importance géographique, confie-t-il. Je pense qu’on peut briller partout, à condition de travailler avec ceux qu’on aime».

swissinfo, Ghania Adamo

– Comédien et musicien suisse d’origine italo-allemande, Carlo Brandt a travaillé au théâtre avec, entre autres, Benno Besson, Claude Stratz, Matthias Langhoff, Georges Lavaudant, Jean-Christophe Bailly, Alain Françon.

– Au cinéma, il a été dirigé par des réalisateurs comme Jacques Rouffio, Régis Wargnier, Roger Planchon, Patrice Leconte, Michael Haneke ou Siegried Alnoy.

«Le rêve d’un homme ridicule» de Fedor Dostoïevski, avec Carlo Brandt.
A voir à Genève, Théâtre Saint-Gervais, jusqu’au 19 février.
Texte français André Markowicz.
Mise en scène Siegrid Alnoy.

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