Carton rouge pour le pillage culturel au Pérou
L'Office fédéral de la culture (OFC) et le Conseil international des musées (ICOM) appuient la lutte contre les pilleurs, receleurs et commerçants douteux de trésors culturels péruviens.
Une «liste rouge» des biens valant d’être protégés doit permettre aux services de police et de douanes d’identifier les objets suspects.
En collaboration avec le Conseil international des musées (ICOM), la Suisse veut lutter contre le trafic illicite de biens culturels. Et faire cesser le pillage du Pérou, pays à très haute valeur culturelle.
C’est le sens de cette liste rouge présentée vendredi à Bâle – la cinquième établie par l’ICOM depuis 2000. Les précédentes concernaient notamment les objets archéologiques africains, les antiquités irakiennes et afghanes.
Cet instrument servira à sensibiliser professionnels et grand public. «Il s’agit d’un outil essentiel pour l’information et la prise de conscience (…), explique à swissinfo Yves Fischer, de l’Office fédéral de la culture (OFC). Il doit aider autorités, commerçants, collectionneurs et musées.»
Les spécialistes considèrent que la disparition de biens culturels hérités des diverses civilisations (Incas et autres) ayant fait la grandeur du Pérou est une perte irrémédiable pour le pays comme pour l’humanité.
Ces vols et pillage d’œuvres d’art profitent actuellement du contexte de crise économique qui prévaut dans ce pays d’Amérique du Sud. «La situation au Pérou est très mauvaise, confirme Yves Fischer. Chaque jour, les agents des douanes tombent sur des objets interdits illégalement exportés.»
Les sites archéologiques ne sont plus les seuls à être pillés. «D’autres lieux à caractère historique, culturel et sacré sont aujourd’hui saccagés pour satisfaire à la demande accrue sur le marché de l’art en objets séculaires et exotiques», indique l’OFAC.
Les polices et les douanes
«La liste rouge est importante pour le Pérou dans le cadre de la protection de son riche passé, assure Elisabeth Astete, ambassadrice péruvienne à Berne. Je me réjouis du soutien suisse. La liste est une concrétisation de la convention passée entre les deux pays (en 2006).»
La liste rouge a donc aussi été conçue comme un outil destiné aux services de police et de douanes pour les aider à identifier des objets dont l’origine peut être suspecte.
Cette liste présente 18 catégories de biens culturels péruviens qui intéressent tout particulièrement les trafiquants. Elle n’est cependant pas exhaustive.
«Toute personne sur le point d’acquérir un objet originaire du Pérou est invitée à en vérifier avec le plus grand soin l’authenticité et le titre de propriété», avertit l’Office fédéral de la culture (OFC).
Un geste symbolique
Depuis de nombreuses années, le Pérou voit son patrimoine culturel partir en lambeaux. Et ce, en dépit de la législation nationale, des conventions internationales et des accords bilatéraux qui le protègent, assure l’OFC.
A Bâle, la présentation de la liste rouge s’est accompagnée d’un geste symbolique. Le patron de l’OFC Jean-Frédéric Jauslin a remis à l’ambassadrice du Pérou un objet récemment intercepté par les douanes suisses lors de son importation frauduleuse.
Incarnant un personnage assis sur un radeau, il s’agit d’un récipient reliquaire en terre cuite de la culture Chancay datant de l’an 1200 de notre ère.
En décembre 2006, la Suisse a signé avec le Pérou un accord pour lui retourner les objets saisis. A l’OFAC, Yves Fischer explique que cette implication de la Suisse dans la présentation de la liste rouge est une manière de souligner cette coopération.
Une mauvaise réputation
«La Suisse a mauvaise réputation en raison du commerce illégal de biens culturels protégés, reconnaît Jean-Frédéric Jauslin. Mais elle peut changer son image en collaborant avec Interpol et les autorités péruviennes et en empêchant ce type de commerce.»
Dans le monde, la Suisse fait partie des cinq principales plaques tournantes du commerce de biens culture. Elle a longtemps montré un certain laxisme face au commerce de biens illégaux. Mais en 2005, elle s’est dotée d’une loi sur la question, en lien avec la convention de l’UNESCO sur le trafic illicite de bien culturels.
swissinfo et les agences
L’UNESCO produit aussi une liste rouge des objets naturels et culturels à protéger. Cet instrument prévient les dégâts, destruction ou disparition qui menacent ces objets et implique des mesures urgentes. Ces objets culturels et naturels sont considérés comme faisant partie du patrimoine mondial.
En 2007, 30 objets figurent sur cette liste rouge. Dont, en Amérique du Sud:
Les Usines de salpêtre de Humberstone et de Santa Laura au Chili. Pesque 50 ans après leur fermeture, vents et voleurs les ont largement endommagées. Certaines risquent la destruction imminente.
La zone archéologique de Chan Chan au Pérou. En raison du changement climatique, des eaux souterraines et installations illégales dans la zone, les ruines subissent des dégâts toujours plus importants.
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