Cisco Aznar, la magie du diable
Installé en Suisse depuis dix ans, le chorégraphe et danseur catalan présente à Genève «BlumenKabarett», son dernier spectacle.
L’occasion d’une rencontre avec un artiste qui fait entrer son public dans une ronde infernale.
Cisco Aznar a scellé un pacte avec le diable. Et ses comédiens/danseurs ont beau brandir des croix de bois, ils ne parviendront pas à chasser les mauvais esprits. Le voudraient-ils que le maître de céans, méphistophélique à souhait, les ramènerait vite fait dans la ronde d’un carnaval fantasmagorique, satirique, ludique, exalté et volontiers infernal.
Ce carnaval se mène donc sous le titre de «BlumenKabarett» dans la Salle des Eaux-Vives, à Genève, où l’ADC (Association pour la danse contemporaine) programme jusqu’au 10 octobre cette œuvre endiablée dudit Aznar.
Lequel est espagnol, comme son nom l’indique. Et en bon Espagnol s’en va chercher chez Picasso et Goya – ses frères en folie – un érotisme pervers, une violence enjouée, et un talent désinvolte. Quitte à enfermer ses personnages dans la subjectivité de ses propres fantasmes et à laisser, par moments, le spectateur au bord du chemin.
Mythologie foisonnante
Présent sur scène sous la défroque du sorcier, du clown, du diable, du taureau ou du toréador, Cisco Aznar joue à cloche-pied avec les monstres sacrés. Picasso et Goya, on l’a dit, mais aussi Bizet et Carmen, Goethe et Faust, Bertolt Brecht et Kurt Weill.
Son «BlumenKabarett», clin d’œil délicieusement irrévérencieux au cabaret berlinois des années 1920, prolonge d’ailleurs l’ironie insolente de Brecht et Weill: succession de shows où se bousculent numéros de travestis, revues et comédie sociale.
Derrière cette mythologie foisonnante et complexe se cache pourtant un homme d’une simplicité désarmante. Aucune vantardise chez cet artiste de 35 ans installé à Lausanne depuis dix ans environ et qui a signé jusqu’ici huit spectacles et autant de succès.
Vite repéré
Cisco Aznar a vite été «repéré», comme on dit dans la profession. Son travail est présenté régulièrement sur les scènes institutionnelles suisses: «Lola la loca», «Parce que je t’aime», «Le vilain petit canard», «Coppélia»… : tous ses spectacles ont un grain de folie.
«Cette folie qui manque à la Suisse», lâche le chorégraphe dans un sourire gêné. Avant de préciser: «Il faut dire que nous autres catholiques cultivons ‘le carnaval’ dans notre religion. Il y a chez nous un rituel bien plus théâtral que chez les protestants. Une sorte de magie qui déteint sur notre mode de vie, de penser. Et puis, je viens d’un pays où le soleil donne du piquant à l’art».
Pourtant, ce n’est pas en Espagne qu’il retournera travailler, Cisco Aznar. «Là-bas, les moyens mis à disposition des artistes sont dérisoires, avoue-t-il. Ici, je commence à être connu. La Ville de Lausanne vient de m’accorder un contrat de confiance pour trois ans».
Une aide précieuse que l’artiste apprécie, comme il apprécie de travailler dans «ce pays dont la tranquillité, décriée à tort, favorise la concentration». D’ailleurs, il connaît beaucoup d’artistes espagnols ou latino-américains qui vivent en Suisse et partagent, à ce sujet, son opinion.
swissinfo, Ghania Adamo
«BlumenKabarett», à voir à Genève, à la Salle des Eaux-Vives, jusqu’au 10 octobre.
Chorégraphe et danseur catalan, il suit d’abord des cours d’art dramatique à L’Institut de théâtre de Barcelone.
En 1992, il débarque en Suisse et entre comme danseur chez Maurice Béjart.
Un voyage en Amérique latine lui ouvre l’imaginaire et lui permet plus tard d’intégrer à ses spectacles une dimension carnavalesque.
Il revient à Lausanne où il est installé depuis dix ans.
En 1998, il fonde la compagnie Buissonnière.
En 2006, il dirige le Ballet du Grand Théâtre de Genève dans «Coppélia».
Il sera prochainement l’invité de la Maison de la danse à Lyon
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