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Comment la vie moderne opprime les sentiments

Sharzad, une femme moderne et indépendante qui affronte ses sentiments et la société.

Présenté en compétition au Festival international de films de Fribourg (FIFF), 'Quelques Jours plus tard' est le troisième long-métrage de l'actrice et réalisatrice iranienne Niki Karimi.

Son film raconte l’histoire d’une femme en proie à la confusion des sentiments dans l’Iran moderne.

Graphiste à Téhéran, Sharzad a une vie professionnelle bien remplie. Les clients se bousculent dans son bureau, son patron lui fait confiance et estime son travail, ses collègues l’apprécient et se confient volontiers à elle.

Pourtant l’essentiel n’est pas là, et on le sent bien dès les premières images de ‘Chand Rooz Ba’d’ (‘Quelques Jours plus tard’). Lorsqu’elle rentre chez elle, Sharzad trouve son répondeur encombré de messages. Mais seule une voix compte, celle de Mahmoud.

Elle s’apprête cependant à le quitter car elle ne peut se résoudre à partager son foyer avec la première épouse de celui-ci, revenue des Etats-Unis après plusieurs années d’absence.

«Cette situation est courante en Iran», indique Niki Karimi, qui a voulu montrer tout à la fois le passage entre tradition et modernité en Iran et les difficultés que doivent affronter les femmes désireuses d’assumer cette modernité.

«Habituellement, les femmes se marient et sont ensuite dépendantes financièrement de leur mari. Beaucoup préfèrent cette situation car il incombe alors à l’homme de ramener de l’argent à la maison, explique-t-elle. Mais il y a de plus en plus de femmes indépendantes, surtout dans les villes.»

Domination du modèle patriarcal

L’héroïne qu’elle a imaginée et qu’elle interprète est l’une d’entre elles. Face au modèle patriarcal toujours dominant aujourd’hui, elle a su imposer ses choix de vie à l’occidentale. Ce sont ceux d’une forte personnalité.

Pour Niki Karimi, il s’agit là d’un aspect important. «L’éducation et la conscience de sa nécessité sont primordiales, mais la personnalité joue aussi un rôle. Il en faut pour résister aux pressions, au harcèlement physique et verbal que les hommes font subir aux femmes, que ce soit dans les rues ou dans le trafic».

Du policier qui joue de son uniforme pour impressionner Sharzad et sa collègue photographe à l’automobiliste qui la prend pour une prostituée parce qu’elle fume une cigarette au bord d’une route, le film est parsemé d’exemples qui lui confèrent une dimension quasi-documentaire.

Dans la confusion des sentiments

C’est d’ailleurs par là que Niki Karimi a commencé. Après une vingtaine de films qui ont fait d’elle une actrice connue en Iran, elle a voulu passer à autre chose, «car les acteurs doivent se contenter de faire ce que les réalisateurs leur disent de faire.»

Sa première œuvre de réalisatrice, elle l’a consacrée au problème de la stérilité. «J’habitais en face d’un centre où venaient des couples qui voulaient un enfant. Certains essayaient depuis des années, leur relation était devenue amère. J’ai voulu comprendre pourquoi ils n’acceptaient pas la nature.»

Outre le regard documentaire, ce souci de compréhension est la marque de fabrique de ses projets. Son premier film de fiction ‘Une Nuit’, sorti en 2005, traite des relations humaines par le biais de la rencontre entre une femme et trois hommes – un artiste, un représentant de commerce et un médecin, chacun incarnant une fonction sociale.

Avec ‘Quelques Jours plus tard’, elle reprend sa réflexion sur la façon dont on vit le temps, mais resserre son attention sur un seul personnage. Ce qui lui permet d’approcher de plus près un être confronté à la confusion des sentiments, toujours en respectant son mystère.

L’influence de J.D. Salinger

A la fois scénariste et interprète à l’écran du destin de Sharzad, Niki Karimi traduit en effet l’impassibilité de son héroïne par de nombreux plans fixes. En plus d’une performance d’actrice parfaitement maîtrisée, son film suppose donc un certain dépouillement.

«Habituellement dans les films, on ne peut pas avoir accès à l’esprit et au monde intérieur des personnages, car il y a trop d’actions ou d’histoires différentes», souligne Niki Karimi.

Et de relever à quel point la lecture de ‘L’Attrape-cœur’ de Salinger – auteur dont elle est familière pour avoir joué dans ‘Pari’, une transposition dans l’Iran actuel d’un autre roman de l’écrivain américain – a été une expérience enrichissante. «L’auteur réussit vraiment à nous faire partager les pensées du personnage.»

Sharzad elle parle très peu et trouve refuge dans les collines grises qui surplombent Téhéran. Sa solitude et son impénétrabilité contrastent avec la circulation oppressante et chaotique de la capitale. Comme pour prouver que le rythme de la vie moderne et celui des sentiments ne concorderont jamais.

swissinfo, Carole Wälti à Fribourg

Niki Karimi est née en 1971 à Téhéran.
Elle a commencé à jouer dans des films à l’école primaire. Elle est aujourd’hui l’une des actrices les plus connues d’Iran.
De nombreux prix lui ont été remis en Europe.
Niki Karimi travaille également comme traductrice et scénariste.
Elle a réalisé son premier long-métrage en 2001. ‘To Have or not to Have’, un documentaire, traitait de la question de la stérilité.
En 2005 est sorti ‘Yek Shab’ (‘Une Nuit’).

Le Festival international de films de Fribourg a lieu du 18 au 25 mars.

Treize films ont été sélectionnés pour la compétition. Parmi ces longs-métrages, sept sont des premières œuvres, quatre sont signés par des réalisatrices.

Seuls deux films en compétition proviennent du même pays, la Malaisie. Les autres sont issus du Brésil, d’Iran, des Philippines, d’Argentine, du Japon, de Tunisie, de Chine, de Belgique, d’Israël, d’Algérie et de Thaïlande.

Quatorze films seront en outre projetés hors compétition.

Trois panoramas viennent compléter la programmation. L’un sur la ‘Nouvelle Vague’ taïwanaise, l’autre sur le cinéma sud-africain et enfin un troisième consacré aux mégalopoles.

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