Deep Purple – Made in Noirmont
Les pionniers du hard rock étaient vendredi soir au Noirmont, pour la deuxième soirée du festival «Le Chant du Gros». Fidèle à sa légende et avec le sourire, Deep Purple a su décoiffer les sapins des montagne jurassiennes.
Le Noirmont. Une commune de 1600 habitants, un cadre apparemment à mille lieues de l’univers électrique des musiques urbaines. Mais il faut se méfier des apparences. Comme en témoigne le Chant du Gros, manifestation éclectique qui vit sa 18ème édition cette année.
Le festival, ce jeudi soir, a vibré notamment au reggae de Sebastian Sturm, Allemand d’origine indonésienne, au rap de Stress, Suisse d’origine estonienne, au rock anglo-saxon de Deep Purple, puis au folk irlandais des Valaisans de Glen of Guinness, qui donnaient là leur ultime concert…
«Vous en rêviez? Nous l’avons fait!» disent les organisateurs à propos de la venue de Deep Purple dans la brochure du festival.
De Blackmore au Noirmont
Début des seventies. A l’époque, les stars du rock ne passent pas à la télévision. YouTube n’existe pas. Led Zeppelin, Pink Floyd, Deep Purple… Pour les ados de l’époque, ces noms ont une dimension quasi surnaturelle, dans tous les cas, une distance qui rend historique chaque apparition, ou chaque nouvel écho, des héros métamorphosés en dieux vivants.
Dans les rayons des disquaires, un double album à la pochette dorée, au centre de laquelle figure une photo aux couleurs jaune-rouge qui dit immédiatement le déchaînement musical du groupe. «Made in Japan», peut-on lire en bas du carton de 30 x 30,5 cm.
Quiconque aura, à l’époque, placé ce disque sous le diamant de sa platine n’en sera pas ressorti indemne. Alors que le disque «live» n’était pas encore un système, le passage obligé de tout artiste ayant bouclé une tournée, Deep Purple, en décembre 1972, balançait une bombe.
La concrétisation du fait qu’un concert de rock ne devait pas être la fidèle reproduction de morceaux enregistrés en studio, mais un moment hors du temps, qui permettait aux musiciens d’atteindre des sommets inconnus jusque là, à la fois de violence et de musicalité.
En sept morceaux seulement, «Made In Japan» démontrait que Deep Purple comptait une voix inspirée et unique, celle de Ian Gillan, une rythmique invraisemblable, celle du batteur Ian Paice et du bassiste Roger Glover, et deux virtuoses disjonctés, l’organiste Jon Lord et le guitariste Ritchie Blackmore.
Blackmore, figure mythique, sombre et teigneuse de Deep Purple, qui, après un départ en 74 et un retour en 84, quitta définitivement le groupe en 1993 pour former le très acoustique «Blackmore’s Night». Blackmore, littéralement, la «colline noire». Autrement dit, le Noirmont. Amusant, non?
«Take It Easy!»
Noirmont, jeudi, 22h30. Enjambant quatre décennies, «Highway Star» éclate dans les tympans de la foule qui déborde de l’immense chapiteau – pour accueillir Deep Purple, «Le Chant du Gros» a dû voir grand, cette année.
Le public est embarqué dans deux heures de show où vont alterner les titres des glorieuses seventies («Strange Kind of Woman», «Wring That Neck», «Space Truckin’» ou l’imparable «Fireball»), quelques morceaux d’anthologie de la reformation eighties («Perfect strangers», «The Battle Rages On») ou des titres plus récents («Things I Never Said», magnifique «Rapture of The Deep»).
Au-delà des morceaux en eux-mêmes, et comme toujours chez Deep Purple, ce sont les libertés prises avec les originaux qui donnent sa force au spectacle. Assauts d’instruments, surprises au détour d’un riff… Ian Gillan nous disait en 2006 que Deep Purple, en scène, était un groupe «aventureux» (lire «Quand Deep Purple laisse bondir le tigre»).
Bien sûr, parfois, souvent, on souffre avec Gillan, qui peine à atteindre les notes suraiguës dont le répertoire de Deep Purple est truffé. Traces, semble-t-il, d’une angine traitée à coups de décibels et qui s’est conclue par une opération des cordes vocales. Mais sa volonté inébranlable de ne pas en tenir compte force le respect et la sympathie. «Take It Easy», lance parfois Gillan au public. On a envie de lui dire la même chose.
Régénérescence
Le maestro peut compter sur ses équipiers pour venir à sa rescousse. Amusant de voir à quel point, aujourd’hui, les membres «non historiques» de Deep Purple ont repris le flambeau et portent Deep Purple. Confortablement installés sur la rythmique monumentale de Ian Paice et de Roger Glover le pirate, Don Airey et surtout l’Américain Steve Morse, présent dans le groupe depuis déjà quinze ans, font le spectacle.
Non pas comme des éléments étrangers venus se nourrir de Deep Purple, mais comme si le groupe se régénérait de l’intérieur, profitant de forces nouvelles pour être plus «Deep Purple» que jamais.
D’ailleurs, la connivence, le plaisir de jouer, s’affichent à chaque instant, sur chaque visage, et les discrets compliments de Ian Gillan à Steve Morse, à chaque fois que celui-ci déroule un solo héroïque, semblent sincère. Ainsi à la fin de ce «Contact Lost» se muant en superbe «Amazing Grace» guitaristique.
«Smoke On The Water» conclura le spectacle. Suivi en rappel, tradition oblige, de «Hush» et de «Black Night». L’histoire du rock souffle sur le Noirmont…
Ces dernières années, Deep Purple tourne, tourne encore, arpente la planète, passe des Etats-Unis au Brésil ou à la Russie avant de retraverser l’Europe une énième fois. Bob Dylan a inventé le concept du «Never Ending Tour», Deep Purple le met en pratique, pour le bonheur du public et au désespoir des critiques dans le coup, qui les avaient un peu vite enterrés.
Au lendemain du Noirmont, le monument du hard rock joue à Paris, dans le cadre d’un autre monument, la Fête de l’Humanité. Si le parti communiste français avait gardé la même énergie et le même enthousiasme que Deep Purple, sur le palais de l’Elysée, aujourd’hui, flotterait un drapeau rouge.
Bernard Léchot, swissinfo.ch
Mark II. Deep Purple a été fondé en 1968 et a trouvé sa formule phare (‘Mark II’) l’année suivante.
Hard rock. Considérés comme les fondateurs du hard rock (album «In Rock ») avec Led Zeppelin, leur musique est aussi une musique de virtuoses imprégnés d’influences classiques et parfois jazz.
Montreux. C’est à Montreux que Deep Purple a composé «Smoke on the Water», suite à l’incendie du Casino survenu lors d’un concert de Frank Zappa, le 4 décembre 1971 (album «Machine Head»).
Citoyens d’honneur. Depuis, les membres de Deep Purple ont été nommés citoyens d’honneur de la ville de Montreux.
Mark VIII. Depuis mars 2002, le groupe en est à la formule ‘Mark VIII’, qui inclut Ian Gillan (chant), Roger Glover (basse), Ian Paice (batterie), Steve Morse (guitare) et le dernier venu, Don Airey (claviers).
Derniers albums: «Rapture of the Deep» (Edel Records 2005) et «Live in Montreux» (Eagle Vision – Naïve 2006).
Le Festival du «Chant du Gros» se tient au Noirmont (canton du Jura) les 10,11 et 12 septembre.
Notamment au programme de cette 18ème édition: Amadou & Mariam, Starsailor (10), Stress, Glen of Guinness, Deep Purple (11), The Skatalites, Morcheeba, Olivia Ruiz (12).
Jeudi, Deep Purple a joué devant environ 10.000 personnes, dont 7000 payantes.
Après son concert de ce samedi à la Fête de l’Humanité à à Paris, Deep Purple tournera prochainement en France, avec, en première partie, le groupe suisse Gotthard:
1.12: Amiens, Zénith
2.12: Nantes, Zénith
3.12: Toulouse, Zénith
5.12: Marseille, Le Dome
7.12: Chambéry, Le Phare
8.12. Montbeliard, L’Axone
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