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«Des séries plus créatives que le cinéma»

Léo Kaneman mise sur la qualité des réalisateurs pour son festival multi-écran swissinfo.ch

Pour sa 13e édition, Cinéma Tout Ecran élargit son champ de vision en lançant une compétition de films pour téléphone mobile. Une ouverture qui doit se poursuivre ces prochaines années.

Léo Kaneman, le directeur du festival genevois, n’entend pas se laisser abattre par la perte cet été d’une importante subvention fédérale.

Cinéma Tout Ecran propose jusqu’à dimanche 15 longs-métrages en compétition internationale et 10 dans la section «Regards d’aujourd’hui». Le festival genevois présente également 16 séries, une centaine de courts métrages et un nouveau concours consacré aux films pour téléphones mobiles.

Ce menu copieux démontre la vitalité et l’originalité de ce festival (reconnues par le célèbre magasine américain Variety et le Programme MEDIA de l’Union européenne). Et ce alors que cet été, Nicolas Bideau, chef de la section cinéma à l’Office fédéral de la culture a décidé de retirer une subvention annuelle de 180’000 francs au festival genevois.

swissinfo: Nicolas Bideau estime que votre festival est mal profilé. Votre réponse.

Léo Kaneman: Nicolas Bideau dit tout et son contraire. L’année dernière, il déclarait sur une télévision locale que les festivals qui comptaient pour lui étaient ceux de Locarno, de Nyon et Cinéma tout écran. Cela en raison de leur identité claire. Aujourd’hui par contre, il estime que l’identité de notre festival n’est pas claire…

Ce qui importe avant tout, c’est le talent du réalisateur. Un créateur amplement reconnu comme le Britannique Stephen Frears se fiche de savoir si son film est pour le cinéma ou la télévision.

De plus, contrairement à ce que dit le chef de la section cinéma, il n’y a pas assez de festivals en Suisse. Car le cinéma d’auteur ou à petit budget a de moins en moins de salles pour être montré. Les salles indépendantes ferment une à une.

Les festivals sont donc les seuls lieux où ces films originaux peuvent être vus. Il faut donc encourager la création de festivals dans chaque ville. Il en va de la diversité culturelle menacée par l’écrasante proportion des films américains. Un enjeu dont les responsables politiques en charge de la culture et du cinéma doivent prendre conscience.

De plus, vu la taille insuffisante du budget de la Confédération, le chef de la section cinéma doit se battre pour avoir plus de moyens. C’est à lui de convaincre les politiques qu’il n’y a pas suffisamment de fonds pour le cinéma.

swissinfo: Comme chaque année, votre festival présente des séries TV. Le genre est-il en train de s’internationaliser?

L.K.: Depuis 11 ans que nous montrons des séries, nous en avons toujours trouvées hors des Etats-Unis. Mais il est clair que les séries américaines ont initié le renouveau du genre et qu’elles ont une influence dans le monde entier.

Cela dit, il ne faudrait pas que les réalisateurs des autres pays essayent d’imiter la série américaine. Ils peuvent en revanche s’en inspirer. Pour moi, c’est un boulevard de créativité pour les films de télévisions européens.

Une chose est sûre: le genre va se développer, à condition que les diffuseurs donnent toute liberté aux auteurs, scénaristes, réalisateurs et aux producteurs.

swissinfo: Pour quelles raisons assistons-nous à cette migration du cinéma vers la série TV? C’est une question d’argent?

L.K.: Contrairement au cinéma, les séries mettent en scène des personnages montrés dans leur quotidien. Ce qui touche fortement le public. Les séries font également preuve d’audace sur le plan artistique. On voit des choses que le cinéma ne fait plus: des flashback, des images mentales, des rêves.

Il y a donc énormément d’inventivité et de créativité dans ce genre. En termes artistiques, leurs réalisateurs sont peut-être en train de dépasser le cinéma.

Et ce parce que cette liberté artistique est soutenue par les producteurs et les diffuseurs.

swissinfo: Ya-t-il en Suisse des réalisateurs qui s’intéressent aux séries?

L.K.: Depuis longtemps, la Télévision suisse romande se bat pour coproduire des séries, en avance sur le reste de la Suisse. L’année dernière, nous avons vu par exemple la série Nos archives secrètes réalisée, produite et initiée par les Suisses.

swissinfo : Vous lancez cette année une compétition de films pour téléphones mobiles. Ce créneau va-t-il aussi se développer?

L.K.: L’avenir est aux écrans pluriels. Par exemple sur le net, on peut voir énormément de films autoproduits (par leur auteur). Il y a beaucoup de déchets. Mais certain de ces films sont extraordinaires.

Le web et le téléphone mobile vont révéler de nouveaux talents. Aujourd’hui, ces créateurs ne peuvent pas faire de cinéma, car il coûte trop cher. Mais ils en feront un jour. Ce qui donnera un nouveau souffle à la création cinématographique. Il faut donc anticiper. Il en va de l’avenir de la culture audiovisuelle.

Interview swissinfo, Frédéric Burnand à Genève

La compétition internationale réunit des longs-métrages produits tant pour la télévision que pour le cinéma. Sont notamment en lice «The Mark of Cain», du Britannique Marc Munden, qui revient sur l’implication anglaise en Irak et «La Pluie des prunes», du Français Frédéric Fisbach, avec Gilbert Melki et Adriana Asti.

«Regards d’aujourd’hui» propose des longs-métrages en lien avec les réalités actuelles. Le public pourra par exemple découvrir la satire anglaise «The Trial of Tony Blair», de Simon Cellan Jones.

On trouve dans cette section le seul long-métrage suisse en compétition: «Nebenwirkungen», de Manuel Siebenmann. Ce film raconte l’histoire d’une chercheuse, employée d’une firme pharmaceutique, qui dénonce de possibles effets secondaires d’une pilule amincissante révolutionnaire mais peine à se faire entendre.

Cinéma Tout Ecran propose 16 séries. Certaines sont en première vision, comme «Bionic Woman», remake de la série culte des années 1970.

«Damages», avec Glenn Close, met en scène les péripéties d’une jeune avocate ambitieuse. La mini-série française «Les prédateurs», du Belge Lucas Belvaux, revient sur l’affaire Elf. Nicole Garcia y tient un des rôles principaux.

«Performances» du Danois Per Fly raconte de l’intérieur la création d’une pièce de Shakespeare, une série qui prend fin le soir de la première.

Samedi 3 novembre se tient un colloque intitulé «Les séries, nouvel Eldorado de la création audiovisuelle?»

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