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Du mur d’escalade aux poulets en batterie

Anders Guggisberg (gauche) et Andres Lutz, art et humour made in Zurich. swissinfo.ch

C'est au tandem zurichois Lutz & Guggisberg que le Centre culturel suisse de Paris, nouvelle version, consacre sa première exposition. Entre humour, liberté du geste et supercherie, l'art contemporain se porte bien. Visite.

Vous pénétrez dans la cour intérieure du Centre culturel suisse, et entrez dans la salle de gauche. Attention! Ne vous cognez pas à l’immense mur d’escalade qui vous fait face! C’est une œuvre de Lutz & Guggisberg… Elle part du sol et, dans sa blanche rugosité, file vers le ciel.

Œuvre d’art ou pas, un mur d’escalade, c’est fait pour grimper. Vous décider donc de vous attaquer à l’ascension, mais respectueux de l’œuvre, empruntez plutôt l’escalier.

Parvenu à l’étage, une illumination vous saisit. Ce que vous avez vu n’est pas seulement un mur, mais un immense machin, tapis de neige sale, qui, non content de monter du rez-de-chaussée jusqu’à l’étage, franchit la rambarde et poursuit sa course dans toute la salle d’exposition du niveau supérieur, comme un étrange paysage déroulé en fonction de la géographie des lieux tortueux du CCSP. Saisissant.

Mais peut-être, en fait, part-il de l’étage pour enjamber la rambarde et se jeter vers le rez-de-chaussée? Ce ne serait plus alors un mur d’escalade, mais une chute de plâtre figé, façon cascade gelée. Aïe… je n’ai pas la réponse.

Vol d’oiseau

«L’idée était de faire une grande pièce qui se glisserait un peu partout dans le Centre», explique Andres Lutz. «Une installation qui connecte les deux étages et les deux salles. Chacun peut interpréter à sa façon», ajoute Anders Guggisberg.

Ça y est. L’éternel refrain de l’art contemporain… Moi je fais et toi tu comprends ce que tu veux. Mais non, l’artiste explicite: «On a essayé de trouver un équilibre entre abstrait et narratif», dit-il. «On voit un paysage à la fois industriel et imaginaire, avec l’impression d’être dans un avion, une vision à vol d’oiseau. Ça c’est pour l’aspect narratif. Et il y a aussi un aspect plus ornemental, avec des formes qui ont une relation entre elles, et qui se répètent.»

L’installation, intitulée «Il était une fois la Terre», s’étend sur environ 70 m2. A l’étage, cernant la bête, les murs blancs arborent des photographies noir-blanc sagement alignées. Une série intitulée «Impressions de l’intérieur».

«Cette série a une connexion avec la grande installation, parce que c’est également une sorte de recherche: nous sommes partis à travers le pays comme des photoreporters. C’est une recherche géographique, psychologique et historienne», dit Lutz, dont l’assurance modeste semble contredire l’ambition du propos.

Ordre, désordre et hasard

Mario Annoni, président de Pro Helvetia, la fondation culturelle helvétique à laquelle appartient le CCSP, est de la partie. Selon lui, que dit l’exposition de Lutz & Guggisberg, que suscite-t-elle? «Oh, écoutez… vaste question!» élude-t-il dans un rire un peu gêné.

Puis enchaîne néanmoins: «L’installation de l’autre salle présente ce contraste entre les éléments travaillés et les éléments bruts, ce qui est poli, fini, travaillé par la main de l’homme et le reste, qui est déposé selon le hasard des circonstances». Bravo. Un bon politicien sait se sortir de toutes les chausse-trappes.

De quoi parle donc Mario Annoni? D’une installation moins spectaculaire que la première, mais élégante, de l’autre côté de la cour. Une série d’objets-œuvres déposés au gré de… Au gré de quoi, en somme? «Cela reflète l’atmosphère de l’atelier, vue d’une façon muséale», explique Anders Lutz.

Assistant à la discussion, le rédacteur en chef du site web français almanart.com, Georges Maisonneuve, s’interpose poliment. «Ce qui me frappe, c’est la différence entre les deux salles d’exposition. Celle de la grande installation, où il y a un désordre très organisé, traduit aussi par les photos, et l’autre salle, très sophistiquée, organisée au millimètre, avec des pièces très finies…»

Anders Guggisberg admet le désordre organisé de «Il était une fois la Terre». Mais s’oppose à l’idée de l’organisation de l’autre installation: «Il y a des pièces très travaillées, mais une ordonnance due beaucoup au hasard. On a passé plus de temps à créer le désordre ici que l’ordre là-bas!»

Si l’on met plus de temps à créer le désordre que l’ordre, où va-t-on mon bon monsieur? Au vu du sanguinaire chaos planétaire qui a toujours caractérisé la Planète bleue, on s’étonne soudain encore plus de l’hypothèse créationniste voulant que Dieu n’ait mis que six jours pour créer l’univers.

Contrastes

Reste encore à évoquer «Le cabinet des idoles», qui jouxte l’installation «Il était une fois la Terre»: un groupe de sculptures en plâtres, rigolotes et inquiétantes, nous contemplant depuis leurs mini-fauteuils en osier, façon Emmanuelle, mais en moins sexy.

«Des idoles, des dieux, des fétiches», dit Andres Lutz. Avec, en haut de l’installation, un éclairage que Guggisberg associe à «la lumière régnant dans un élevage de poulets en batterie». Une installation qui joue de tous les contrastes possibles avec sa grande sœur voisine: intériorité-extériorité, chaleur-froideur, présence humaine contre absence de vie…

Un peu plus loin, un peu plus tard, j’entends une voix. «Comment trouves-tu?» demande-t-elle. «Oui, c’est marrant!» répond le visiteur sollicité, désireux, semble-t-il, de faire court.

De mon côté, je ne suis pas déçu. Combien d’événements permettent-ils d’évoquer, en un seul article, un mur d’escalade, une cascade gelée, l’ordre et le désordre, Dieu, Emmanuelle et des poulets en batterie? Entre inventivité et escroquerie, fraîcheur et prétention, l’art contemporain mène à tout.

swissinfo, Bernard Léchot à Paris

Comme première exposition proposée par la nouvelle direction, le centre culturel suisse invite le duo d’artistes zurichois, Andres Lutz et Anders Guggisberg, pour leur première exposition personnelle en France.

Le vernissage a eu lieu samedi soir, en présence du ministre suisse de l’Intérieur, Pascal Couchepin.

Andres Lutz, né en 1968, et Anders Guggisberg, né en 1966, vivent et travaillent à Zurich.

En duo depuis 1996, Andres Lutz & Anders Guggisberg développent un travail «qui puise ses références dans des domaines aussi divers que l’histoire, l’ethnologie, la géologie, la faune, les sciences, la science-fiction ou encore la littérature».

Le Centre culturel suisse de Paris est situé 32-38 rue des Francs-Bourgeois, au cœur du quartier du Marais, dans l’Hôtel Poussepin.

Il reçoit environ 35.000 visiteurs par an.

Avec un budget global de 2 millions de francs (environ 1,35 million d’euros), le CCSP finance chaque année trois programmes pluridisciplinaires.

Le tandem Olivier Kaeser – Jean-Paul Felley en a pris la direction en octobre dernier.

Le Centre culturel suisse de Paris appartient à la Fondation suisse pour la culture Pro Helvetia, dont le siège est à Zurich et qui est présidée depuis 2006 par le politicien bernois Mario Annoni.

Ce spectacle de danse est présenté les 16 et 17 février au CCSP.

En 2006, Laurence Yadi et Nicolas Cantillon («Compagnie 7273») composent la partition de «Climax» soit un solo de 40 minutes dansé par Nicolas Cantillon, sans interruption et en silence.

Ils découvrent en 2007 l’univers du guitariste américain Sir Richard Bishop, découverte qui ouvre sur une relecture de Climax qui se métamorphose en «Listen & Watch».

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