Comment Heidi est devenue japonaise
Dans le monde entier, quand quelqu’un pense à Heidi, il est plus que probable qu’il ait en tête sa version japonaise. Le dessin animé créé à Tokyo a eu une énorme influence sur l’image du personnage de Johanna Spyri. Le Musée national à Zurich consacre une exposition à la série «Heidi – la petite fille des montagnes», popularisée dans les années 70.
Exposition «Heidi au Japon»
Le Musée national à Zurich accueille du 17 juillet au 13 octobre l’exposition «Heidi au JaponLien externe», qui examine la rencontre des cultures suisses et japonaises, ainsi que la genèse du dessin animé japonais.
En fait, l’héroïne de toute cette histoire aurait dû être Fifi Brindacier et non Heidi. Au début des années 70, Isao TakahataLien externe et Hayao MiyazakiLien externe , les fondateurs du Studio GhibliLien externe, travaillaient sur un dessin animé mettant en scène la petite fille suédoise avec ses tresses. Les premières esquissesLien externe étaient prêtes, mais la créatrice de Fifi Brindacier, Astrid Lindgren, a refusé de transposer son histoire en dessin animé. Elle n’a cédé qu’au début des années nonante.
Les créateurs japonais se sont alors tournés vers une autre figure féminine européenne: Heidi. Isao Takahata avait lu le livre dans sa jeunesse – comme de nombreux Japonais. Les histoires pour enfants écrites en Europe ont été traduites en japonais dès le 19e siècle. Heidi est arrivée relativement tard, dans les années 1920, quarante ans après la parution de l’original de Johanna Spyri. Mais avec un énorme succès.
Le paradis terrestre helvétique
L’histoire s’est répandue en tant qu’idylle anti-modernisation, très appréciée du grand public et diffusant au Japon l’image d’une Suisse insulaire, paisible et en harmonie avec la nature.
Cette perception était si largement répandue que la féministe Nogami Yaeko, qui avait traduit Heidi, fut scandalisée lors d’un séjour en Suisse d’apprendre que ce pays vendait des armes: «Pendant que nous, les touristes, rêvons de voir cette terre où règne la paix, cette utopie isolée du reste de monde, ses habitants assemblent en secret des fusils-mitrailleurs et fabriquent des canons et des bombes!» Mais sa vision n’est pas parvenue à s’imposer – Heidi est devenue l’une des traductions européennes les plus lues au Japon.
Dans les années 60, l’industrie japonaise du film d’animation était en difficulté. La concurrence pesait sur les bénéfices et les producteurs ont tenté d’atteindre le marché européen. Pour y parvenir, ils ont élaboré des histoires pouvant plaire à un public japonais et international. Heidi est devenu le dessin animé qui a véritablement ouvert le marché du film d’animation japonais.
Les créateurs de la série Heidi, la petite fille des AlpesLien externe ont conservé relativement intacte l’histoire originale: ils ont inventé le Saint-Bernard Joseph comme animal de compagnie et ont coupé les scènes religieuses, car ils pensaient qu’elles ne seraient pas comprises en Asie.
Gloire internationale
Le dessin animé a connu un succès international: il a été traduit dans 20 langues et diffusé dans de nombreux pays. C’est avec Heidi qu’a débuté le boom du film animé japonais pour enfants. Cette série était également de haute qualité, alors que jusqu’ici les dessins animés étaient souvent produits avec peu de moyens et seulement quelques images.
Le succès de Heidi a permis d’ancrer le financement du désormais célèbre studio d’animation Ghibli, qui fournit régulièrement des productions appréciées dans le monde entier. Ce dessin animé a également fait naître une forme de nostalgie de la Suisse chez toute une génération de Japonais. Même en période de difficultés économiques, des centaines de milliers de touristes japonais se rendent chaque année à Maienfeld, le village grison considéré comme la patrie de Heidi.
Traduction de l’allemand: Marie Vuilleumier
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