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Festival de Locarno: le tour du monde en 214 films

Scène d un vieux film mexicain
Scène d’«Espaldas Mojadas», d’Alejandro Galindo, l’un des films de la rétrospective du cinéma populaire mexicain de 1940 à 1969. Le franchissement illégal des frontières était déjà un sujet d’actualité en 1955. Courtesy of Locarno Film Festival

La 76e édition du festival du film de Locarno débute ce mercredi 2 août avec la promesse de bouleverser notre zone de confort en matière de cinéma.

Comme de coutume, le festival débutera par la projection d’un film historique. Cette année, il s’agit du film muet d’Alfred Hitchcock Les Cheveux d’or (The Lodger, 1927), accompagné musicalement en direct par l’Orchestre de la Suisse italienne.

Cette préouverture précède le début du festival sur l’immense écran en plein air de la Piazza Grande, la marque de fabrique la plus célèbre du festival, avec une nouvelle production du couple belgo-australien Fiona Gordon et Dominique Abel, L’Étoile filante.

Le festival du film de Locarno, qui dure dix jours, couvrira les presque cent ans qui se sont écoulés entre Les Cheveux d’or et L’Étoile filante. Le programme privilégie les outsiders, les cinéastes indépendants et les débutants, en mettant l’accent sur les récits qui remettent en question la narration classique, principalement représentée par l’Occident.

Vue aérienne de la place principale de Locarno
Vue aérienne sur la Piazza Grande, à Locarno, qui offre une capacité de 8000 places pour les projections en plein air. Keystone / Urs Flueeler

Le cinéma européen maintient une forte présence cette année – notamment avec les productions françaises et italiennes – mais comme les années précédentes, les choix du festival reflètent un paysage cinématographique plus diversifié. Les auteurs et les cinéastes issus de l’immigration continuent d’apporter un regard neuf sur des problématiques actuelles ou plus anciennes.

Dix-sept films de tous les continents – à l’exception de l’Afrique et de l’Antarctique – sont en compétition pour le Pardo d’Oro, le Léopard d’or, remporté l’année dernière par le film brésilien Regra 34. Parmi les films phares de cette édition figurent Do Not Expect Too Much From the End of the World, le nouveau film du réalisateur roumain Radu Jude, lauréat de l’Ours d’or à Berlin en 2021; Stepne, un film très personnel de l’Ukrainienne Maryna Vroda, qui n’est pas directement lié à la guerre en cours et The Vanishing Soldier, le deuxième long métrage de l’Israélien Dani Rosenberg.

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La Suisse est représentée dans la compétition principale par Manga D’Terra, le deuxième long métrage de Basil da Cunha, dont la trajectoire s’éloigne de la scène cinématographique suisse. Né de parents portugais à Morges (canton de Vaud), Basil da Cunha s’est installé à Reboleira, un bidonville de Lisbonne, où il a réalisé son premier film, O Fim do Mundo (La fin du monde), qui met en scène les habitants du quartier et dont l’intrigue est basée sur leurs propres récits de vie.

Si O Fim do Mundo a été comparé aux classiques des gangs de jeunes Noirs américains tels que Boyz in the Hood (John Singleton, 1991), Manga D’Terra est centré sur une femme, immigrée du Cap-Vert, qui se retrouve dans des guerres de gangs à Lisbonne tout en essayant de se faire une place grâce à la musique.

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Présence américaine

Contrairement aux festivals de cinéma les plus prestigieux – Cannes, Venise, Berlin – où Hollywood a toujours une présence distinctive et parfois écrasante, Locarno présente généralement des films provenant des franges les plus indépendantes et les plus originales des États-Unis.

Cette année, la comédie Lousy Carter, de Bob Byington, participera à la compétition principale, tandis que Family Portrait, de Lucy Kerr, est en lice pour le léopard dans la catégorie Cinéastes du présent, une section compétitive destinée aux cinéastes qui présentent leur premier ou deuxième long métrage.

Le continent américain au sens large est très présent à Locarno. Le festival présente à la fois des raretés du passé et certaines des productions les plus récentes du cinéma latino-américain. Les principales compétitions internationales présentent chacune un film de la région: El Auge del Humano 3 (Le déferlement humain 3) de l’Argentin Eduardo Williams dans la section principale et Todos los Incendios (Tous les incendies) du Mexicain Mauricio Calderón Rico dans la catégorie Cinéastes du présent.

Femme vampire prête à mordre une homme endormi
Scène de «Santo vs. the Vampire Women» (Alejandro Galindo, 1955), projeté dans le cadre de la rétrospective sur cinéma populaire mexicain de 1940 à 1969. Courtesy of Locarno Film Festival

En outre, la section rétrospective de cette année est consacrée au cinéma mexicain. «Les nombreuses saisons du cinéma populaire mexicain» est une sélection de 36 œuvres produites entre 1940 et 1969, organisée par le critique de cinéma Olaf Möller. Nombre d’entre elles n’ont jamais été projetées au-delà des frontières mexicaines, et certaines sont de véritables raretés, comme El Río y la Muerte (Le fleuve et la mort, 1954), un film méconnu du maître surréaliste espagnol Luis Buñuel, réalisé pendant ses années mexicaines.

Enfin, la section Open Doors du festival, qui promeut les producteurs et les réalisateurs de pays dont l’industrie cinématographique est mal financée, se concentre désormais sur l’Amérique latine. Dans cette édition, le festival présente sept longs métrages de Bolivie, du Pérou, du Venezuela, du Paraguay et de l’Équateur, des pays presque invisibles au box-office mondial.

Radicalité et subversion

Affiche d un film brésilien
Le titre original de Rogério Sganzerla est «Abismu»; les affiches au moment de la sortie du film en salle ont «corrigé» la langue. La bande sonore est entièrement composée par Jimi Hendrix. Mercurio Produções Archive

Locarno présente deux autres joyaux latino-américains dans la section Histoire(s) du cinéma, Documentário (Documentaire, 1966) et Abismu (L’abîme, 1977) du Brésilien Rogério Sganzerla (1946-2004). Probablement l’auteur de films contre-cultures le plus célébré du Brésil, Rogério Sganzerla et ses pairs «udigrudi» (underground) ont défié non seulement les conventions bourgeoises, mais aussi la dictature militaire qui a régné au Brésil de 1964 à 1985. Ils ont même remis en question le Cinema Novo, qui était le principal mouvement révolutionnaire de la scène cinématographique brésilienne des années 1960 et 1970.

Impressionné et influencé par le cinéma de Jean-Luc Godard, Rogério Sganzerla a parfois dépassé son maître par sa satire absurde, sa subversion narrative et son utilisation aveugle du collage. Son œuvre la plus célèbre, O Bandido da Luz Vermelha (Le bandit de la lumière rouge, 1968), s’inspire du Pierrot le Fou (1965) de Godard et sa «transposition» à la réalité brésilienne en a fait l’un des films brésiliens les plus importants de tous les temps.

La veuve de Rogério Sganzerla, Helena Ignez, qui fut également sa muse, partenaire créative et protagoniste principale de certains de ses films, maintient vivante la veine poétique subversive; elle assistera aux projections à Locarno.

Scène d un film de Jean-Luc Godard
La section Histoire(s) du Cinéma présente également «Alphaville, une étrange aventure de Lemmy Caution», de 1965. Jean-Luc Godard voulait faire un film de science-fiction dystopique, mais il n’avait pas de budget. Le film a été tourné à Paris aux premières heures du jour, quand il n’y avait personne, et pour les effets spéciaux, Godard s’est contenté de jouer avec les négatifs. Ce film est devenu un classique. Keystone

D’autres invités de marque viendront teinter Locarno d’un glamour cinéphile. Ken Loach, 87 ans, dernier héros de la classe ouvrière, y présentera son dernier film, The Old Oak. Barbet Schroeder, 81 ans, le cinéaste suisse à l’expérience la plus internationale, y présentera également son dernier film, Ricardo et la Peinture.


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