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«Freddie, l’ami le plus loyal et le plus généreux»

Face au Lac, la statue de Freddie Mercury à Montreux est un peu le pendant de celle de Charlie Chaplin dans la ville voisine de Vevey. swissinfo.ch

Freddie Mercury, légende du rock, leader du groupe Queen a quitté ce monde il y a 20 ans déjà. L’artiste britannique a vécu et enregistré souvent à Montreux. Rencontre avec Peter Freestone, son ancien assistant personnel et ami.

Le 24 novembre 1991 s’éteignait l’une des figures les plus extravagantes et talentueuses de l’histoire du rock. Ce même jour, Peter Freestone perdait un ami très cher, dont il évoque aujourd’hui encore le souvenir avec beaucoup de tendresse et d’émotion.

Pendant 12 ans, Peter Freestone a vécu aux côtés de Freddie Mercury, 24 heures sur 24, 365 jours par année, jusqu’à la mort de l’artiste. Il a été son assistant, son cuisinier, son chauffeur et ami fidèle. «Freddie était une star, et moi je n’ai vécu que sa vie», confie humblement celui qui a assisté à ses concerts dans le monde entier et a fréquenté les plus grands noms de la musique, de Michael Jackson à David Bowie.

swissinfo.ch a rencontré Peter Freestone dans un bar de Montreux, sur les rives du lac Léman. «Tu entends la musique?», demande-t-il d’emblée, indiquant un haut-parleur de son index. Hasard incroyable, c’est justement un morceau des Queen qui passe à ce moment.

swissinfo.ch: Comment devient-on l’assistant personnel d’une star?

Peter Freestone: J’étais au bon endroit au bon moment. C’était en 1979. Je m’occupais des costumes au Royal Opera House de Londres. Freddie y avait été invité pour un gala de charité. Après l’avoir entendu chanter Crazy little thing called love et Bohemian Rapsody, je l’ai félicité et lui m’a posé des questions sur mon travail. Et c’est tout.

Deux semaines plus tard, le management des Queen m’a appelé pour me demander si je pouvais m’occuper des costumes pour la tournée du groupe en Angleterre. La première année je me suis occupé des costumes. Puis Freddie a souhaité que je m’installe à ses côtés, dans sa maison de Londres. Et en douze ans, je n’ai jamais signé le moindre contrat.

swissinfo.ch: Et de quoi vous occupiez-vous?

P.F.: Je répondais au téléphone, recevais les visiteurs, m’occupais des courses et des factures, je cuisinais, nettoyais. Je faisais en sorte que Freddie puisse se concentrer exclusivement sur sa musique.

swissinfo.ch: Et votre salaire?

P.F.: Au début, je gagnais 6000 livres sterling par année. Mais je ne dépensais pas un sou. Ou plutôt, je dépensais ceux de Freddie. Puis, mon salaire est passé à 25’000 livres. Je n’ai jamais pris de vacances, j’accompagnais Freddie en vacances, mais moi j’étais toujours occupé. Une fois, je lui avais demandé si je pouvais prendre congé pendant deux semaines. Il m’a répondu: «Mais, nous sommes à peine rentrés de vacances!» (rires).

swissinfo.ch: Freddie a été un ami et aussi votre employeur. Comment trouver le bon équilibre entre les deux?

P.F.: Mon rapport avec Freddie dépendait beaucoup des circonstances. Et cela changeait continuellement, d’un rapport professionnel à de l’amitié pure. Parfois, il se fâchait avec moi. Non pas parce que j’avais commis une erreur, mais simplement parce qu’il avait besoin de se défouler. Il savait parfaitement que je comprenais. Il me demandait toujours mon avis, même si au final, il n’en faisait qu’à sa tête! (rires).

Avec Freddie, j’ai compris la valeur de l’amitié. Pour moi, il a été l’ami le plus loyal, le plus généreux et le plus gentil que je n’ai jamais eu. Tous deux, nous avions étudié dans une communauté en Inde. C’est peut-être ce parcours commun qui nous à ce point rapproché.

swissinfo.ch: Quelle différence entre la vedette et le «vrai» Freddy?

P.F.: Tout le monde connait son côté musical, la façon qu’il avait d’être une star, un showman. Mais rares étaient ceux qui savaient que Freddie était une personne très timide, très calme. Il adorait rester au Garden Lodge, sa maison de Londres. Indépendamment de l’heure à laquelle il allait dormir, il se réveillait toujours à 9 heures. Puis il buvait son thé, s’habillait et jouait avec ses chats, ou nourrissait les poissons. Ces petites choses le rendaient très heureux.

Lorsqu’il sortait, il enfilait une paire de jeans, un blouson en cuir et des lunettes de soleil. Et à ce moment-là, Freddie redevenait une star. Il se montrait tel que ses fans voulaient qu’il soit.

Il adorait rire. En public, il se couvrait la bouche parce qu’il était obsédé par ses dents [il avait les dents du haut plutôt en avant]. Il n’a jamais rien entrepris de peur des effets négatifs que cela aurait pu avoir sur sa voix. Mais à la maison, il s’en fichait, et riait, riait sans se gêner.

swissinfo.ch: Parlez-nous de ses concerts. Combien en avez-vous vu?

P.F.: Depuis le public, deux seulement. Mais plus de 300 concerts depuis les coulisses. Le plus incroyable a été celui de Sao Paolo, au Brésil. Il y avait 139’000 spectateurs. C’était indescriptible, l’atmosphère était exceptionnelle, unique.

Freddie s’est aussi produit deux fois à Montreux, au Festival de la Rose d’Or. Pour répondre aux impératifs de la télévision, il avait dû chanter en playback, ce qu’il détestait. Avec San Remo, ça a été les seules fois où il l’a fait au cours de sa carrière.

Avant de monter sur scène, il buvait toujours un thé au citron et au miel. Je ne suis pas certain qu’il en ait toujours eu besoin. Et après le concert, il devait sortir. Chaque soir était une fête. Avec toute l’adrénaline qu’il avait en lui, il ne pouvait certainement pas rentrer directement à l’hôtel.

swissinfo.ch: Freddie venait souvent à Montreux pour ses enregistrements. Quels sont vos souvenirs de ces moments?

P.F.: La première fois, c’était en 1981. Au Mountain Studio, nous avions enregistré Under Pressure avec David Bowie. A cette époque, la Suisse était comme un rêve, un lieu mythique ou tout le monde voulait aller. Et aujourd’hui encore, lorsque j’aperçois les Alpes, j’éprouve des sensations particulières. Les montagnes sont là depuis des millions d’années, mais elles semblent différentes chaque matin.

Lorsque tu viens ici, tu es pris d’assaut par des émotions. Il y a des fans du monde entier qui viennent à Montreux pour voir sa statue. Pour eux, c’est quelque chose de spécial. A Londres, où se trouve sa maison, il n’y a pas toutes ces émotions.

swissinfo.ch: A quoi ressemblait une journée type à Montreux?

P.F.: Très ennuyeuse. Il fallait être au studio d’enregistrement à deux heures de l’après-midi. Chaque jour. Parfois, Freddie y restait deux heures, d’autres fois, jusqu’à 4 heures du matin, selon l’inspiration du moment. Et pendant qu’eux jouaient, moi… j’attendais.

En ville aussi, il n’y avait pas grand-chose à faire, il y avait tout au plus deux boîtes de nuit. On venait à Montreux uniquement pour travailler. Il n’y avait rien d’autre à faire. Pour se rendre du Palace Hotel au studio, il n’y a que 500 mètres à franchir, mais Freddie voulait toujours prendre la voiture, pour ne pas perdre de temps.

Au début, il détestait la tranquillité de Montreux. Et vers la fin, au contraire, il la recherchait. C’est la sérénité qui se dégage de cet endroit qui la attiré au cours des dernières années de sa vie.

swissinfo.ch: Qu’est-ce qui a changé après l’annonce de sa séropositivité?

P.F.: Au début, Freddie a cessé de sortir. Puis, de fumer et de boire. En octobre 1989, le médecin lui avait annoncé qu’il ne survivrait pas au-delà de Noël. Mais sa grande volonté lui a permis de vivre encore deux ans. Freddie savait qu’il ne pouvait rien faire contre la maladie. C’était comme ça et voilà.

Mais il ne se laissait pas aller et se concentrait sur la musique, sa vie. En même temps, depuis le moment où il a su qu’il était malade [en 1987], il a fait The Miracle, Innuendo et Barcelona. Il travaillait encore davantage qu’avant. Il savait que le temps était compté et il voulait faire le maximum.

De mon côté, je pensais avoir bien supporté la mort de Freddie. Et puis, j’ai réalisé que ce n’était pas le cas. Trois ans après son décès, j’ai écrit un livre. Pour moi, ça a été comme une thérapie. J’ai pu me libérer de ma douleur. Freddie me disait toujours que si un livre sur lui devait paraître, l’ouvrage devrait aussi révéler des aspects moins reluisants. Dans mes livres, j’ai aussi évoqué les points négatifs, les fêtes et la drogue. Ne pas le faire aurait été comme de mentir. Et Freddie croyait profondément aux vertus de la sincérité.

Freddie me manque. Parfois je repense à la vie que nous avons eue. Et puis je me console en pensant que j’ai eu la chance de vivre douze ans à ses côtés. Freddie aussi le disait tout le temps: il ne faut pas regarder vers le passé.

swissinfo.ch: Vous avez donné de nombreuses interviews après la mort de Freddie. Vous pensez avoir tout dit?

P.F.: Non. Il y a des choses que les gens ne doivent pas savoir. Mais j’aime parler avec les fans. Ils portent en eux des questions qu’ils se posent depuis des années. Et lorsqu’ils m’appellent, je très heureux de pouvoir leur donner des réponses et de leur raconter mon expérience. J’ai passé douze années incroyables et tout m’est resté en mémoire.

Farrokh Bulsara, devenu Freddie Mercury par la suite, est né à Stone Town (Zanzibar), le 5 septembre 1946, de parents originaires de l’Etat du Gujarat, en Inde.

En 1970, il forme à Londres le groupe Queen avec Brian May (guitare) et Roger Taylor (batterie). Une année après, John Deacon (basse) rejoint la formation.

Le premier album (Queen) sort en 1973, et le dernier (Made in Heaven), en 1995. Le groupe a enregistré 15 albums en studio et d’innombrables morceaux en public. En tout, il a vendu plus de 300 millions de disques, et un sondage réalisé en 2007 par la BBC en a fait «le meilleur groupe britannique de tous les temps», devant les Beatles et les Rolling Stones.

Leur style reconnaissable entre tous, mélange de rock dur, de music-hall britannique, de ballades telluriques et de chœurs célestes leur a permis de faire de titres comme We are the Chamions, We will rock you, Bohemian Rhapsody, Under Pressure, The Show must go on, Bicycle Race ou Radio Ga Ga des hymnes véritablement planétaires.

Freddie Mercury est décédé des suites du sida, le 24 novembre 1991 à Londres.

Est né le 8 janvier 1955 à Surrey, en Angleterre.

Il rencontre Freddie Mercury pour la première fois au Royal Opera House de Londres, en 1979.

Il commence à travailler pour le groupe la même année. En 1980, il devient l’assistant personnel de Freddie Mercury, qu’il assistera jusqu’à la mort de l’artiste, en 1991.

Auteur de plusieurs ouvrages sur Freddie Mercury, Peter Freestone vit aujourd’hui en République tchèque où il collabore à la revue Opera.

Traduction de l’italien, Nicole della Pietra

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