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Houellebecq signe un film qui ne mérite pas l’éternité

Ce n'est pas une derrière une caméra que Michel Houellebecq se montre le plus percutant. swissinfo.ch

Venu présenter à Locarno le film qu'il a réalisé à partir de son dernier roman, l'écrivain français Michel Houellebecq s'y est montré fidèle à lui-même. Il a commencé par faire annuler la conférence de presse prévue samedi.

Dans son dernier roman paru en 2005, La possibilité d’une île, Michel Houellebecq met en scène, à la première personne, un comique cynique et porté sur l’alcool. Rien de bien nouveau donc par rapport à ses livres précédents.

Entretenant l’ambiguïté autobiographique qu’il cultive savamment depuis ses débuts, l’écrivain français décrit son personnage comme un «observateur acéré de la réalité contemporaine» suffisamment malin pour faire tourner le rapport aux médias à son avantage.

Un peu comme il sait si bien le faire lui-même… Présent au festival de Locarno pour faire la promotion de son film, il a commencé par faire annuler la conférence de presse y relative prévue samedi.

Pas d’alter ego

Restent donc le roman et son adaptation cinématographique, dont il est le scénariste et le réalisateur. Celle-ci est présentée en première mondiale dans la section «Play Forward» du festival, réservée aux œuvres expérimentales.

Si une importante partie du livre est consacrée à la description d’une société sans avenir, c’est une question à connotation biblique qui fait le lien entre le texte et les images: «Qui, parmi vous, mérite la vie éternelle?»

L’adaptation filmée de La possibilité d’une île se situe en effet après la disparition de l’humanité. Isolé dans une cellule souterraine, libéré des contraintes physiques, Daniel 25 (interprété par Benoît Magimel) est un néo-humain cloné dont le modèle original, Daniel 1, était à la tête d’une secte, les Elohimites.

Ayant réussi à se reproduire par la biotechnologie, ceux-ci échappent aux cataclysmes qui bouleversent la terre. Cela vous dit quelque chose? Raël, avec qui Houellebecq a sympathisé, l’avait félicité à la parution du livre. Il risque bien d’apprécier le film. Mais les lecteurs à qui le démontage ironique du fonctionnement sectaire avait plu ne s’y retrouveront pas.

Pas de satire

Pour son film, l’écrivain a en fait préféré l’anticipation scientifique à l’anticipation sociale. Loin de souscrire à sa réputation de provocateur, il scie ainsi la branche sur laquelle ses romans lui ont jusqu’ici valu d’être assis. Plutôt confortablement d’ailleurs.

Exit donc le personnage du comique. Et avec lui les constats désabusés sur le recul de la morale, le culte de la jeunesse, le règne du spectacle, le consumérisme à tout va, la fuite en avant technologique, la misère et la solitude, etc.

Tout ce en quoi Houellebecq excelle en somme. L’analyse socio-économique grinçante qui fait habituellement le sel de sa prose se résume à un policier, belge forcément (une marque agaçante de parisianisme, qui culmine avec l’apparition en guest star d’Arielle Dombasle jouant, en espagnol, une adepte de la secte!).

Venu passer des vacances «all inclusive» à Lanzarote après le départ de sa femme avec un homme plus jeune, le personnage du Belge incarne à lui seul l’Occidental moyen en plein désarroi tel que Michel Houellebecq le dépeint dans son oeuvre.

Pas de sexe

Quant à ceux pour qui ses romans se résument à des scènes de sexe, ils risquent aussi d’être déçus. Le film n’en comporte pas une. Seul substitut, l’élection de Miss Bikini, fidèlement transposée en images. Mais la satire de l’animation de plage, très efficace dans Plateforme, tombe à plat à l’écran.

«L’une après l’autre, les filles s’avançèrent sur sène, en bikini, pour effectuer une sorte de danse érotique: elles tortillaient des fesses, s’enduisaient d’huile solaire, jouaient avec les bretelles de leur soutien-gorge, etc. Voilà, ça y était: nous étions dans le monde normal […]: un monde de kids définitifs», écrit Michel Houellebecq, à qui la plume va beaucoup mieux que la caméra.

Mais de beaux paysages

Outre les problèmes de rythme et le côté parfaitement saugrenu de certaines scènes, la platitude des rares dialogues finit de rendre le tout insipide.

Un seul bémol toutefois, Houellebecq réalisateur a le sens de l’image. Les nombreuses scènes tournées dans des paysages post-atomiques en témoignent. A l’en croire, comme il l’indique sur le site internet du film, l’aspect visuel était en fait présent dès qu’il a commencé à écrire.

«Ce livre est né d’une collection d’impressions provenant, d’une part, de mon expérience de vie dans un endroit désertique, seul avec mon chien, d’autre part, de certains paysages d’Espagne ressemblant à la terre une fois que l’espèce humaine aura disparu de sa surface», précise-t-il.

Intéressant en tant qu’invitation à méditer sur la fragilité des civilisations et sur la finalité de l’humain, La possibilité d’une île ne mérite définitivement pas l’éternité.

swissinfo, Carole Wälti à Locarno

Le Festival international du Film de Locarno est le plus important du genre en Suisse.

Il a vu le jour en 1946, soit la même année que le Festival de Cannes. Avec la Mostra de Venise, il fait partie des plus anciens festivals de cinéma du monde.

Cette année, il se tient jusqu’au 16 août.

18 films sont en compétition pour le Léopard d’or.

C’est en 1968 que le Léopard (abrégé «Pardo» en italien) est devenu l’emblème de la manifestation. Avant, les récompenses portaient diverses appellations, dont «Voile d’Or».

Le Festival de Locarno a pour vocation de présenter les nouvelles tendances, les nouveaux courants et cinéastes, tout en promouvant le cinéma d’auteur et de qualité.

Né à la Réunion en 1956, Michel Houellebecq, de son vrai nom Michel Thomas, a d’abord été élevé par ses grands-parents maternels, en Algérie, puis par sa grand-mère paternelle.

C’est le nom de jeune fille de cette dernière qu’il a adopté comme pseudonyme littéraire.

Diplômé en agronomie, il a également suivi des cours de cinéma à l’École nationale supérieure Louis Lumière.

Parallèlement à son activité dans l’informatique, notamment à l’Assemblée nationale, Michel Houellebecq écrit.

Parus au début des années 1990, ses premiers recueils de poèmes passent inaperçus.

En 1994, Extension du domaine de la lutte connaît par contre un certain succès.

Les particules élémentaires, publié en 1998, le fait connaître plus largement, grâce également notamment à des querelles dans le milieu éditorial, médiatique et littéraire parisien.

Suivent, entre autres, Plateforme (2001) puis La possibilité d’une île(2005).

Outre l’écriture, Michel Houellebecq a aussi à son actif un album «parlé», Présence humaine, qu’il lui arrive d’interpréter en concert. Il expose parfois des installations.

Après avoir résidé en Irlande pendant plusieurs années, il vit aujourd’hui en Espagne.

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