Hugo Koblet, coureur de charme sur grand écran
Il était un grand champion du cyclisme et de la séduction. Au célèbre sprinter zurichois des années 1950, le cinéaste alémanique Daniel von Aarburg consacre aujourd’hui un film. Manuel Löwensberg, le fils de l’ex-ministre Moritz Leuenberger, incarne Hugo Koblet.
Avec tous ces grands séducteurs qui monopolisent l’actualité aujourd’hui, il faut se méfier des confusions. Un lapsus est vite commis. La victime de notre imagination fut donc, l’autre soir, Hugo Koblet; un Pédaleur de charme dit le titre du film qui lui est consacré. Mais nous, on s’est obstiné à y voir un «prédateur de charme», jusqu’à ce que notre voisin dans la salle nous fasse remarquer gentiment notre erreur de lecture.
Hugo Koblet n’était pas un agresseur, loin de là. Mais un tombeur, oui. Son charme opérait à mille à l’heure. Il était pressé de gagner le cœur des femmes tout autant que les tours de piste, lui le «James Dean de la bicyclette», comme le dit l’une de ses conquêtes, qui savait si bien marier glamour et culture physique, amour et sport.
Il est né en 1950. Voilà pour la légende. Car cette année-là marque la première grande victoire du cycliste suisse, premier étranger à remporter alors le Tour d’Italie. Mais en réalité, Hugo Koblet voit le jour à Zurich en 1925. Son ascension est aussi fulgurante que sa chute. Le film commence d’ailleurs par cette dernière avant de nous mener sur les pistes de la gloire, empruntées avec une rage heureuse par celui qui avait «la colère divine dans le corps».
Une boucle rapide
Une boucle, rapide, très rapide, rythmée par des coups d’accélérateur. S’il y a une chose qui caractérise ce film, c’est bien la vitesse. En 1964, Hugo Koblet s’écrase avec sa voiture contre un arbre. On entend le choc, c’est le début. La voiture, on ne la verra qu’à la fin, quand la boucle aura était bouclée dans ce récit biographique qui se mord la queue.
Entre le commencement et la fin, entre images d’archives et scènes de fiction, se glisse donc la fragilité de la gloire. Hugo Koblet, étoile filante, grand champion à la gueule d’ange, est ici incarné par Manuel Löwensberg (le fils de l’ancien ministre Moritz Leuenberger). Excellent choix que celui de cet acteur qui conjugue avec finesse séduction et autodestruction.
Petit garçon en culottes courtes, Hugo est déjà un casse-cou qui sillonne les rues de Zurich faisant l’acrobate sur ses deux roues. Son père est mort, sa mère est pâtissière, il l’aide en livrant à vélo les gâteaux, comme il aidera plus tard son frère, un raté qui ne rate jamais une occasion pour soutirer de l’argent au champion.
C’est que la générosité de Koblet est grande. Aussi grande que son ambition de «conquérant» qui lui donne accès à une renommée internationale sur laquelle le cinéaste insiste avec moult témoignages. «Il a prouvé que nous les Suisses étions capables de gagner au sport, d’obtenir d’excellents résultats», raconte l’un des coureurs cyclistes qui a connu Koblet.
Reçu par le Pape
Il est le premier champion suisse à être reçu par le Pape après le Giro, dans une Rome noire de monde. A Zurich, l’accueil qu’on lui réserve à son retour d’Italie est tout aussi triomphal. Le triomphe est le meilleur des dopages. Les succès s’enchaînent. Suit le Tour de France, remporté en 1951, puis les Tours de Suisse, trois fois gagnés. Et le reste est à l’avenant.
Les années 50 marquent donc une période de faste pour Hugo Koblet. L’argent coule à flot. Il s’en régale avec les femmes, les aime, les trahit. Son carnet de chasse est bien rempli. La comédienne autrichienne Waltraut Haas en fait partie. A l’époque, c’était une star. Dans le film, elle est fictive et réelle.
Fictive, elle est interprétée par une bimbo d’aujourd’hui. Réelle, elle témoigne. Waltraut Haas, la vraie, raconte ainsi la douceur d’une histoire d’amour qui se termine pour elle lorsque Koblet projette d’aller vivre en Amérique du Sud. Elle ne veut pas l’accompagner. C’est avec une autre femme, Sonja Bühl, qu’il s’installera plus tard à Caracas.
Sonja Bühl, mannequin d’une beauté renversante, devient l’épouse d’Hugo Koblet. A peine formé, le couple bat de l’aile. La carrière du cycliste commence à décliner. Hugo n’a plus l’énergie et l’argent de ses débuts euphoriques. Ici, le film va au-delà du simple documentaire. Mariant une fois de plus réalité et fiction, le cinéaste joue sur le registre du psychodrame: un bonheur n’est jamais parfait.
D’une vie de champion, que reste-t-il au bout du compte? La question est posée au cycliste par un journaliste suisse de l’époque. La réponse de Koblet est simple: «le contact avec les gens».
Ghania Adamo, swissinfo.ch
Hugo Koblet – Pédaleur de charme, film de Daniel von Aarburg. A l’affiche des salles romandes.
Né le 21 mars 1925 à Zurich et mort accidentellement le 6 novembre 1964, près de Zurich.
Après avoir failli devenir boulanger-pâtissier, il commence sa carrière professionnelle comme pistard, en 1946.
Entre 1947 et 1954, il remporte tous les championnats de Suisse en poursuite.
Il gagne le Tour d’Italie en 1950, le Tour de France en 1951 et trois fois le Tour de Suisse (1950, 1953, 1955).
A son actif, de nombreux autre prix, dont le la Grand Prix des Nations et le Critérium des As, en 1951.
En raison de son allure et de son élégance on le surnommait «le Pédaleur de charme».
Souvent, il se donnait un coup de peigne juste avant le poteau d’arrivée pour pouvoir laisser de lui une image avantageuse sur la photo.
Né en 1965 à Zurich, il s’établit avec sa famille à Coire.
Après une licence de lettres à Zurich, il suit des cours au Département des Arts Visuels (DAVI).
Sensible aux questions de société, il s’intéresse au sort des réfugiés de l’ex-Yougoslavie en Suisse. Il signe à cet effet des films comme Lettres à Srebrenica, Ina et Amer et Elvis.
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