Initiation new-yorkaise pour artistes suisses
Centre mondial de la finance, New York est aussi l'une des premières capitales de l'expression artistique. Un statut qui attire les artistes du monde entier, dont les Suisses. Beaucoup d'entre eux vivent ce séjour en Amérique comme un rite initiatique. swissinfo.ch est allé à leur rencontre. Témoignages et reportage en cinq articles.
En mars 1960, un Suisse stupéfie la scène artistique new yorkaise. Jean Tinguely présente au Musée d’art moderne (MOMA) son «Homage to New YorkLien externe», soit une imposante machine qui s’autodétruit.
«C’est ici que le sculpteur a découvert les cimetières de voitures et qu’il est devenu quelqu’un», assure Linda Geiser, une comédienne zurichoise établie dans le Lower East Side depuis les années 60 et qui accueille aujourd’hui la plupart des artistes suisses au bénéfice d’une bourse cantonale.
A cette époque, New York remplace Paris comme capitale mondiale de la culture, en premier lieu dans le domaine des arts plastiques. Un statut qui s’est imposé depuis la Seconde Guerre mondiale et la fuite de nombreux artistes européens hors d’un continent sous la botte nazie.
C’est également à New York qu’est venu s’établir le photographe suisse Robert FrankLien externe. Une migration qui a permis à l’artiste d’atteindre les sommets avec son livre «Les Américains».
Un autre Suisse y a également vécu des moments décisifs et formateurs: le photographe Peter KnappLien externe, qui fut 18 ans directeur artistique du magazine français ‘Elle’. Un périodique inventé au sortir de la guerre sur le modèle de Vogue et autres prestigieuses revues new-yorkaises.
Un pôle toujours magnétique
Mais qu’en est-il aujourd’hui, alors que les courants artistiques ont explosé dès les années 70 au profit de démarches de plus en plus individuelles? New York résiste-t-elle à la concurrence d’autres mégapoles aux ambitieuses politiques culturelles ?
Capitale financière, la ville tient la première place du marché de l’art. En 2006, les traditionnelles ventes aux enchères de novembre Lien externeont même battu tous les records, avec un chiffre d’affaire de 1,3 milliards de dollars.
Et cette manne financière profite également aux artistes qui ne figurent pas dans les catalogues de Christie’s et Sotheby’s, les deux sociétés de ventes aux enchères qui tiennent l’essentiel du marché de l’art.
«Ici, les gens achètent volontiers des œuvres d’art. Des montants qu’ils peuvent déduire de leurs impôts», souligne Christoph SchreiberLien externe, photographe zurichois installé à Manhattan.
Cette puissance financière a permis la constitution d’un patrimoine culturel d’une extraordinaire richesse, mis en valeur par des musées, des salles de spectacles et des galeries toujours à la pointe. Un foisonnement qui aiguillonne en permanence les esprits créatifs.
Le dynamisme artistique de New York repose aussi sur l’esprit d’entreprise et la recherche du succès propres aux Etats-Unis et sur la faible part des subventions publiques dans le domaine de la culture. Le département des affaires culturelles de la ville est doté d’un budget annuel d’environ 150 millions de dollars, soit une enveloppe comparable à son équivalent genevois.
Densité des échanges
Ville cosmopolite par excellence, New York continue de pratiquer le mélange des genres et d’attirer les talents dans les arts visuels, mais aussi la musique, le design, la chorégraphie ou l’architecture.
«New York est une plateforme d’échange d’une formidable densité. Elle nous montre comment évoluer. Et ce dans tous les champs de la création artistique», assure Gianni Jetzer, le nouveau directeur du Swiss InstituteLien externe. Qui ajoute: «C’est un lieu qui chatouille les extrêmes. Rien n’y est posé; tout est en l’air et on y travaille sans filet.»
«New York évolue tout le temps et l’ambiance est intense, voire dure. Mais tout y est possible», commente quant à elle la scénographe valaisanne Eléonore Dubulluit. «On vient à New York pour se mesurer au monde», résume de son coté l’architecte Frédéric Levrat, un genevois basé dans la ville depuis la fin des années 80.
Le magnétisme de New York est donc intact et nombre d’artistes suisses y passent ou s’y installent pour toujours. Gabriella Eigensatz, attachée culturelleLien externe sortante au consulat suisse de New York, les estime à quelques centaines. Gianni Jetzer, lui, parle de plus de mille créatifs suisses venus chercher l’inspiration et la confrontation dans cette ville spectacle.
Succès… ou destruction
Certain d’entre eux y ont même gagné une visibilité certaine. Ainsi l’architecte Bernard TschumiLien externe, installé à New York depuis les années 60 et qui vient de construire un bâtiment résidentiel de 16 étages – la tour bleue – qui survole le Lower East Side.
La plasticienne Pipilotti RistLien externe, elle, présente une vidéo au prestigieux Museum of modern art (MOMA). Et ce dans le cadre d’ «out of time », une exposition temporaire qui présente également un travail du genevois Christian MarclayLien externe, explorateur du son et de l’image installé à New York depuis 1977.
Sans oublier le Genevois John Armleder qui y expose régulièrement ses compositions et ses installations.
Mais la ville qui a inspiré Gotham City et son héros Batman peut aussi se retourner contre ses hôtes en quête d’inspiration. «New York donne et prend beaucoup d’énergie. C’est comme une épreuve initiatique», remarque Gabriella Eigensatz.
Avant de conclure: «Des artistes dotés d’une certaine notoriété en Suisse ont été littéralement détruits après s’être confrontés à ChelseaLien externe, le quartier des galeries. Cette ville n’est pas pour tout le monde».
«New York est une ville debout, sous le signe des temps nouveaux. C’est une catastrophe, mais une belle et digne catastrophe» Citation de Le CorbusierLien externe, architecte et urbaniste d’origine suisse.
Fondée en 1625, la ville de New York compte près de 9 millions d’habitants et près de 19 millions pour l’ensemble de l’agglomération (1,6 million à Manhattan).
New York est l’un des trois centres de l’économie mondiale avec Londres et Tokyo, et la première place financière de la planète.
Avec près de mille milliards de dollars en 2004, le produit intérieur brut de New York est le plus élevé des villes américaines.
Chaque année se tient l’Armory ShowLien externe, la deuxième foire d’art contemporain des Etats-Unis après Miami. En 2006, elle a réunit 154 galeries et 340 exposants.
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