«Je ne suis pas de celles qui craignent l’usure du temps»
A la Comédie de Genève, Yvette Théraulaz joue le rôle d'une vieille actrice sur le retour dans «Doux oiseaux de jeunesse» de Tennessee Williams. Rencontre avec la comédienne et chanteuse romande, féministe convaincue qui, à 61 ans, garde le cap.
La vie d’Yvette Théraulaz brille de mille étoiles, du moins sur la toile. Un petit clic de souris, et nous voilà de plain-pied dans le ciel de la comédienne et chanteuse romande dont le site sur le Net affiche une couleur cosmique.
L’univers stellaire d’Yvette Théraulaz est pavé de chansons, de drames et de comédies. Tchekov y côtoie Brecht et Schnitzler rivalise avec Duras. Ces auteurs puissants ont ravi, nourri et porté celle qui avoue aujourd’hui s’être donnée corps et âme à son métier au point de lui sacrifier son cœur.
Jouer du temps qui passe
«Je vis seule aujourd’hui, confie-t-elle. Je n’ai pas besoin d’un homme pour m’illuminer. Les lumières de la scène me comblent.»
Princesse elle s’appellera le temps d’un spectacle donné à partir du 8 avril à la Comédie de Genève. Elle y incarne le rôle d’une vieille actrice sur le retour, telle qu’imaginée par Tennessee Williams dans sa pièce «Doux oiseaux de jeunesse».
Si le théâtre rapproche Yvette Théraulaz de son personnage, tout dans la vie l’en éloigne. «Je ne suis pas de celles qui craignent l’usure du temps et vivent paniquées à l’idée que leur âge va étouffer leur vie artistique, lâche-t-elle. Si c’était le cas, j’aurais été depuis longtemps une étoile éteinte. Je remarque, au contraire, que plus je vieillis, plus on me confie des rôles intéressants. De toute manière, il ne faut pas se faire d’illusions: dans le monde du cinéma et du théâtre, dès que vous approchez les 35 ans, on vous confine dans les personnages de mère. J’ai 61 ans, alors vous comprenez que, depuis, j’ai appris à composer avec la vieille garde».
Son histoire artistique s’est nouée dans le grand monde du théâtre romand: Charles Apothéloz et le TPR. Avec le premier, la comédienne crée en 1965-66 le Centre dramatique de Lausanne. «On voulait tout, rien ne nous arrêtait», dit-elle aujourd’hui.
Même enthousiasme lorsqu’elle intègre le TPR (Théâtre Populaire Romand) au début des années 70, alors dirigé par Charles Joris. C’était juste après Mai 68. Le féminisme emportait alors dans son mouvement toute l’ardeur d’Yvette Théraulaz. «Hier, dit-elle, on se battait pour obtenir nos droits de femmes, aujourd’hui on se bat pour les conserver».
En chansons
A une époque, on l’a traitée de féministe ringarde. Elle s’en est fichue et a continué son travail obstinément. Elle est même allée porter les couleurs du féminisme en Arabie Saoudite. Oui, à Ryad où elle a chanté «Faire horizon», un spectacle musical qui a ravi le public de là-bas.
Car elle chante aussi Yvette Théraulaz. Elle dit que le chant la porte encore plus que le théâtre, parce qu’il lui laisse une liberté de création plus grande.
Ses spectacles musicaux, c’est elle qui les compose, comme le dernier en date «Histoires d’elles» qu’elle a donné récemment à Genève et qu’elle reprendra la saison prochaine à Vidy-Lausanne.
En attendant, elle sera Princesse et donnera la réplique à Frank Semelet qui incarne Chance, un jeune acteur gigolo, en panne d’amour et d’inspiration. Un de ces couples à la dérive comme seul Tennesse Williams sait les inventer.
swissinfo, Ghania Adamo
«Doux oiseaux de jeunesse» de Tennessee Williams, mise en scène Andrea Novicov.
Avec notamment Yvette Théraulaz, Frank Semelet, Léa Pohlhammer.
A voir à la Comédie de Genève du 8 au 27 avril.
Comédienne et chanteuse fribourgeoise, née à Lausanne en 1947.
A 14 ans , elle joue déjà dans «Sainte Jeanne des abattoirs», pièce de Brecht montée par Benno Besson.
Deux ans plus tard, elle quitte la Suisse pour Paris où elle suit les cours d’art dramatique de Tania Balachova. Elle y passe une année, puis rentre à Lausanne pour compléter sa formation de comédienne au Conservatoire.
En 1965-66, elle crée avec Charles Apothéloz le Centre dramatique de Lausanne.
Les années septante seront celles du Théâtre Populaire Romand où elle joue les grands auteurs et apprend son métier de chanteuse.
Le chant devient une passion pour elle, au même titre que le théâtre. Au fil du temps, elle écrit et joue ses spectacles musicaux: «Chansons-femmes», «A tu et à toi», «Histoires d’elles».
Yvette Théraulaz est lauréate du Grand Prix de la Fondation vaudoise pour la promotion et la création artistique, 1992, et du Prix du comédien, Théâtre du Grütli, Genève, 2001.
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