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L’âme slave en ligne de mire

Youri Pogrebnitchko. bâtie.ch

Pour le festival de La Bâtie, le metteur en scène moscovite Youri Pogrebnitchko crée à Genève «Encore Trois sœurs».

Après «Flicker» et ses performers new-yorkais survoltés, voici les Russes et leur nostalgique tranquillité.

Le 28 août, les artistes new-yorkais du Big Art Group, invités par le festival de La Bâtie, présentaient à Genève «Flicker». Une performance survoltée où l’Amérique s’offrait le spectacle de ses prouesses techniques et montrait sa parfaite maîtrise d’une modernité avide de vitesse.

Quelques jours après, le metteur en scène russe Youri Pogrebnitchko calme le jeu et ralentit le pas dans «Encore Trois sœurs». Un spectacle qu’il crée pour La Bâtie, avec deux de ses acteurs (Alexandr Zyblev et Valéry Prokhorov) et trois comédiennes romandes (Véronique Alain, Jacqueline Corpataux et Anne-Laure Vieli).

Une coproduction russo-suisse donc, mise sur pied grâce à l’acharnement de Anne-Laure Vieli admiratrice de Pogrebnitchko. La présence de ce dernier en Suisse romande marque une nouvelle étape dans la collaboration entamée il y a quelques années entre le metteur en scène moscovite et Genève. Il y avait présenté bon nombres de ses créations.

Accès difficile

Dans «Encore Trois sœurs», on retrouve ainsi des traces de ses précédents spectacles (auto-citations sous forme de décor ou de costumes).

Ce qui ne facilite pas l’accès à cette nouvelle création truffée de références intimidantes pour les profanes. Mais rendue d’autant plus excitante pour les connaisseurs que s’y lisent en surimpression deux pièces de Tchekhov: «Les Trois sœurs», bien sûr, et «La Mouette».

Il faut donc connaître sur le bout des doigts l’œuvre de l’écrivain russe pour goûter au subtil va-et-vient entre les deux textes. Lesquels s’emboîtent et se détachent comme les morceaux d’un même puzzle.

Néanmoins, il ne s’agit pas ici d’en reconstituer la figure, mais plutôt d’en palper la matière. Sur le plateau, un petit théâtre à l’ancienne a été installé avec ses quinquets et ses vieilles chaises. Le fond est sombre; il y règne un grand calme malgré le sifflement du vent et l’eau qui goutte d’on ne sait quel ciel.

L’âme slave

La désolation est dans l’air pour ces «Trois sœurs» (Olga, Macha et Irina) qui ne rêvent que de Moscou, seule échappatoire à l’ennui qui guette leur vie provinciale.

Pour se distraire, elles se jouent de temps en temps des scènes de «La Mouette». Oiseau fragile dont l’envol reste plombé par les désordres et les indécences d’une bourgeoisie indolente.

Sur scène, tout s’écoule sur un rythme lent. Une lenteur quasi hiératique qui imprègne le jeu des acteurs, leurs voix, leur diction. Ici le cœur des personnages s’est engagé de bonne heure et tenu dans la rectitude tranquille des affections conjugales et familiales.

«Encore Trois sœurs» offre ainsi au public un miroir de la Russie de toujours que Tchekhov et son metteur en scène peignent aux couleurs de l’âme slave. La nostalgie du temps qui passe et l’humour mélancolique en forment l’éternelle palette.

swissinfo, Ghania Adamo

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