L’écriture littéraire, un art appliqué
L'Institut littéraire suisse a fêté ses 200 premiers jours d'existence. Sis dans la ville bilingue de Bienne, il s'agit de la seule 'école pour écrivains' de Suisse.
Quinze étudiants y termineront leur première année en juillet. Ils ont travaillé au contact d’auteurs confirmés et d’autres étudiants suivant une formation artistique.
Parquets grinçants, hauts plafonds stuqués, grand escalier de bois. Le décor de l’Institut littéraire suisse (ILS) a tout pour inspirer des récits dignes d’Edgar Allan Poe aux apprentis écrivains qui vont bientôt y terminer leur première année d’étude.
Samedi, l’ancienne villa de maître faisait portes ouvertes pour fêter ses 200 jours d’existence. Etudiants, enseignants et amateurs de littérature étaient au rendez-vous pour assister à des performances allant de la classique lecture à la plus inhabituelle séance de poésie sonore (extrait ci-contre).
«L’idée de cette formation est de ne pas imposer aux étudiants l’écriture dans un canon littéraire prédéfini par les enseignants», explique Marie Caffari, directrice de l’ILS. La littérature y est considérée comme un art appliqué, à l’instar des autres disciplines proposées par la Haute école des arts de Berne, dont l’ILS fait partie intégrante.
Littérature appliquée
C’est précisément le côté pratique du bachelor en écriture littéraire qui a attiré Antoinette Rychner. Elle fait partie des quinze heureux élus retenus lors de la procédure de sélection menée au printemps 2006. Au total, 86 dossiers avaient été déposés, contre 76 cette année.
«La formation en lettres à l’université me semblait trop théorique. Ici, c’est la création qui prime. Comme j’ai toujours écrit en parallèle à mon activité professionnelle, je voulais développer cela de manière plus intensive, surtout en matière d’écriture théâtrale», souligne cette Neuchâteloise au bénéfice d’une première formation en arts appliqués.
Agés de 20 à 35 ans, les apprentis écrivains qui étudient à l’ILS ont la possibilité de suivre des cours dans les universités de Berne et de Lausanne, mais aussi d’établir des contacts avec les futurs musiciens, plasticiens et comédiens des hautes écoles d’art et de théâtre de Berne, Zurich et Lausanne.
Pour Marie Caffari en effet, la formation en écriture littéraire, «comme toute formation artistique, correspond à une prise de risque» sur le plan professionnel. Il est donc important que les étudiants sachent, d’une part, travailler de manière indépendante et, de l’autre, établir des réseaux dans le domaine artistique et culturel.
Accent sur le mentorat
Si l’ILS se veut avant tout filière de formation, l’institut ambitionne aussi de devenir un centre de compétence littéraire. Dans cette optique, l’ILS a mené samedi des discussions avec différents acteurs du monde du livre en vue de la création d’une plate-forme d’échanges dont la forme reste à définir.
Quant au système de formation mis en place, il permet aux étudiants de nouer des contacts avec des auteurs actifs sur la scène littéraire suisse. De Noëlle Revaz à Ruth Schweikert, d’Eugène à Beat Sterchi, une dizaine d’enseignants se partagent l’encadrement académique.
Celui-ci prend deux formes. Les ateliers, où les sujets et les contraintes formelles sont imposées, ou le mentorat. Un auteur assure alors le suivi du projet d’écriture d’un ou plusieurs étudiants, pour le soutenir mais aussi le critiquer.
«C’est parfois très déstabilisant, parfois très enrichissant, témoigne Antoinette Rychner. Cette année à l’ILS a révolutionné ma manière d’écrire. J’ai une autre conscience de ce que j’écris. J’ai aussi appris à ne pas perdre le lecteur, à être plus économe de mes moyens.»
Nouvelle langue, nouvelle culture
A l’image de ce qui se pratique aux Etats-Unis et dans le monde germanophone, plus fréquemment que dans le monde francophone, le ‘creative writing’ est donc à l’honneur à Bienne. Dans cette ville bilingue, c’est un cursus bilingue qui a été mis en place.
«Il n’existe aucune formation semblable en Suisse. En Europe, celles qui existent ne sont pas bilingues», précise Marie Caffari. Qui trouverait «fantastique» d’intégrer l’italien à l’offre de l’ILS. Mais une langue supplémentaire complexifierait encore le défi.
«Une nouvelle langue, c’est une nouvelle culture. On le vit au quotidien avec cette double filière. Il ne s’agit pas seulement de traduire le programme allemand et vice-versa. La définition de la littérature, l’approche de l’écriture, la façon dont on comprend le métier d’auteur sont vraiment très différentes.»
swissinfo, Carole Wälti
Le projet d’Institut littéraire suisse a vu le jour en 2001-2002 au sein de l’Association suisse des autrices et auteurs (AdS), qui l’a soutenu par la suite.
D’avril 2005 à septembre 2006, il a été conceptualisé grâce au soutien de la Fondation privée Gebert Rüf et de l’Office fédéral de la formation et de la technologie (OFFT).
Le 28 avril 2006, le Conseil fédéral (gouvernement) a décidé d’accorder à la Haute école bernoise l’autorisation provisoire d’introduire le bachelor en écriture littéraire, qui doit encore être accrédité.
Le 1er mai 2006, Marie Caffari a été nommée à la direction de l’Institut littéraire suisse et de sa filière d’études.
La première volée d’étudiants a été accueillie sur les bancs de l’ILS en octobre 2006.
L’ILS admet quinze étudiants par année académique.
86 personnes se sont portées candidates en 2006, 76 en 2007.
La charge de cours hebdomadaire est de 15 heures.
Une dizaine de professeurs assurent l’enseignement.
La formation à l’ILS (bachelor) dure trois ans.
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