Noémie Schmidt, en liberté
L’actrice valaisanne installée à Paris est à l’affiche du film événement de Netflix «Paris est à nous» et de la comédie «Wolkenbruch». Rencontre.
«Les prix, ce n’est pas trop mon truc, avoue Noémie SchmidtLien externe, avec un naturel déconcertant. Certes, la reconnaissance est très agréable, mais j’essaie de rester détachée car ce n’est pas ce qui me définit.» Assise à la terrasse d’un café parisien, la comédienne valaisanne de 28 ans semble encore à mille lieues de la cérémonie des Prix du cinéma suisseLien externe, qui aura lieu quelques jours plus tard à Genève. Elle y est en lice dans la catégorie «Meilleure interprétation dans un second rôle» pour son incarnation de Laura dans la comédie «Wolkenbruch».
Le film se passe à Zurich, dans le milieu juif orthodoxe. Motti Wolkenbruch, un brave jeune homme qui a toujours suivi les injonctions de son étouffante mère, tombe amoureux d’une shiksa, une femme non juive. Laura, donc. «C’est une histoire que touche à l’universel, un parcours initiatique qui parle d’identité, de la manière dont on peut s’échapper de l’emprise de sa famille, raconte Noémie Schmidt. Ce qui me plaît dans le personnage de Laura, c’est qu’elle ne justifie jamais ses actions. Elle choisit un homme, puis choisit de ne plus être avec lui, c’est tout.»
Sa participation à un long-métrage helvétique est une première: Noémie Schmidt fait partie du cercle restreint des acteurs suisses qui se sont fait un nom en France. Dans «Versailles», la série à gros budget de Canal+, elle a joué Henriette d’Angleterre. Au cinéma, elle a partagé l’affiche avec Claude Brasseur, puis Dany Boon. Installée à Paris depuis cinq ans, elle y côtoie des artistes et des musiciens, court les castings, dévore les scénarios, arpente cinémas, musées et salles de spectacles. «Aucune de mes journées ne ressemble à la suivante», s’enthousiasme-t-elle.
Fief valaisan
Noémie Schmidt reste pourtant très attachée à son Valais natal, son «fief». Née à Sion, elle garde le souvenir d’une enfance dans une environnement baigné de culture. Ses parents, avocat et professeure de biologie au collège, la «poussent à être curieuse». La fratrie – elle est l’aînée de trois enfants – pratique le chant, la musique, assiste aux projections de la Lanterne magique, l’emblématique club de cinéma pour enfants. La jeune fille se passionne tôt pour le théâtre et s’inscrit à son premier cours à 10 ans. «J’ai toujours adoré me déguiser, raconter des histoires et avoir un public.»
A 18 ans, sa maturité en poche, Noémie Schmidt s’envole pour les Etats-Unis et sillonne le sud du pays pendant neuf mois à vélo, inspirée par les romans de Jack Kerouac. «Je voulais simplement rencontrer des gens différents et sortir de mon cocon valaisan, se souvient-elle. A mon retour, j’ai intégré l’école de théâtre LASSAAD à Bruxelles, sans idée précise de ce que je voulais en faire par la suite. Mais je me suis dit que tout irait bien!» Le pari s’avère gagnant. Dès la fin de ses études, la comédienne se distingue dans un court métrage, «Coda», qui recueille un joli succès dans les festivals français et lui ouvre les portes des plateaux parisiens.
Elle est comme ça, Noémie Schmidt. Elle suit son instinct, croit aux rencontres fortes qui la porteront vers le prochain projet. «J’adore avoir un espace où donner mon énergie et travailler sur des choses plus risquées.» C’est le cas de «Paris est à nous»Lien externe, l’autre actualité importante de la jeune femme ce printemps. Avec un groupe d’amis, elle se trouve à l’origine de ce film expérimental sorti sur Netflix fin février, dans lequel elle tient également le premier rôle. Dans un Paris sous tension au lendemain des attentats, agité par les revendications sociales, la caméra suit Anna, une jeune femme qui vit une relation tumultueuse avec Greg et se retrouve en proie à un profond malaise après le crash d’un avion dans lequel elle aurait dû se trouver.
Un film qui dérange
Tourné pendant trois ans et demi dans les rues de la capitale française, sans scénario prédéfini, pratiquement sans argent, finalisé grâce à une campagne de crowdfunding, le projet a été mené à bien hors des circuits classiques de l’industrie du cinéma. «Ce film est un espace de liberté qui parle à notre génération, analyse Noémie Schmidt. Les gens sont fatigués d’un cinéma bourgeois fait d’histoires d’amour et de trahison dans des appartements. Ils ont envie de s’identifier. Mais c’est un film qui dérange. La dramaturgie n’est pas linéaire: on accroche ou on n’accroche pas. Certaines personnes sont déçues, mais d’autres me disent qu’elles ont été très touchées.»
Apprécié ou non du public et de la critique, sa simple sortie est déjà une victoire. «On l’a présenté à tous les distributeurs parisiens qui l’ont jugé trop expérimental et nous ont demandé de le rendre plus vendable. Netflix l’a pris tel quel. On est heureux de pouvoir le montrer dans 190 pays à des gens qui n’y auraient sinon jamais eu accès.»
De l’ovni cinématographique à la comédie populaire, la comédienne valaisanne maîtrise sa partition. Dans quel registre se déclinera son prochain défi? «Pour l’instant, je ne sais pas. Et même s’il faut gérer la peur du vide, c’est ça qui est cool!»
1990 Naissance à Sion
2012 Ecole de théâtre à Bruxelles
2014 S’installe à Paris
2015-2017 Tient le rôle d’Henriette d’Angleterre dans «Versailles», série de Canal+
2018 Sortie de «Wolkenbruch», où elle tient le rôle principal féminin
2019 Sortie du film «Paris est à nous» sur Netflix
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