L’administration ne respecte pas assez le plurilinguisme
Selon Helvetia Latina, le français et l'italien perdent du terrain dans l'administration fédérale, notamment en raison des mesures d'économies prises dans les différents ministères.
Cette association de défense de la culture latine au sein de l’administration fédérale veut relancer la loi sur les langues, qui figure au menu de la présente session parlementaire.
L’administration fédérale tend à s’isoler des latins, a déploré le président de l’organisation Claude Ruey. Le bilan pour 2006, tiré mardi lors d’une conférence de presse à Berne, est «inquiétant», selon le conseiller national (député) libéral.
«Il n’y a pas de plurilinguisme à la Confédération, il n’y a que des traducteurs!», confie ce fonctionnaire romand. De son côté, un employé de l’Office fédéral de la topographie souligne pour swissinfo que les Latins doivent généralement préparer des folios en allemand pour les présentations, alors que l’inverse se produit plutôt rarement.
L’utilitarisme domine
«Aujourd’hui l’utilitarisme domine. On a de plus en plus tendance à ne travailler que dans une seule langue, l’allemand, ou l’anglais», a encore indiqué à swissinfo Claude Ruey.
Le président d’Helvetia Latina a souligné le gros effort fait par l’Office fédéral du personnel en matière de plurilinguisme.
«Cela nécessite concrètement que des objectifs soient fixés aux chefs de service, insiste-t-il pour swissinfo. Helvetia latina exige plus que du politiquement correct.»
La sous-représentation des minorités linguistiques tend en effet à s’accentuer avec les années et cela, surtout dans les directions des offices fédéraux, déplore encore le Vaudois. Qui résume la situation avec cette citation de Mao: «Le poisson pourrit par la tête».
Or, si l’on veut améliorer la représentativité des minorités dans l’ensemble de l’administration, il faut aussi commencer par le haut, estime le député vaudois.
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Plurilinguisme
Chiffres «pas fiables»
«Il n’existe pas de contrôle effectif de la mise en oeuvre des directives sur le plurilinguisme», a renchéri mardi la conseillère nationale Thérèse Meyer (démocrate-chrétienne). Helvetia Latina dénonce ainsi les indicateurs publiés car «ils ne sont pas fiables».
Les chiffres officiels donnent une image déformée en prenant comme référence les chiffres de la population suisse au lieu de la population résidente et en comptant tous les traducteurs. En outre, dans quelle catégorie faut-il mettre un Romand qui ne travaille qu’en allemand?
Pour corriger le tir, la vice-présidente de l’organisation Thérèse Meyer va exiger une correction des méthodes statistiques sur la représentation des différentes cultures dans l’administration, par le biais d’une motion parlementaire, a-t-elle annoncé.
Et de rappeler l’intervention du conseiller national vaudois André Bugnon (Union démocratique du centre): de plus en plus souvent, les documents parlementaires ne sont pas traduits et ce phénomène enfle au fil des années.
De plus en plus d’employés de la Confédération sont engagés pour une langue et, en fait, ne travaillent que dans une autre langue parce que la hiérarchie se cantonne à l’allemand.
Pas du folklore
Ce n’est pas une manifestation folklorique, c’est un investissement nécessaire, a plaidé Sarkis Shahinian de l’Observatoire des langues, mis en place par Helvetia Latina.
L’association, créée en son temps par le ministre Jean-Pascal Delamuraz, prône des mesures de promotion contraignantes et inscrites dans une loi sur les langues afin que leur représentation au sein de l’administration soit égale à celle de la population.
Elle ne plaide cependant pas en faveur de quotas trop rigides. Détail significatif, certains offices fédéraux n’ont pas de logiciels en français, a observé Rolet Loretan, secrétaire général d’Helvetia Latina.
Le plurilinguisme a un prix; or, à l’heure des économies financières, on le sacrifie, s’est inquiété Rolet Loretan. Avant de rappeler que le Département fédéral de justice et police a supprimé le poste de délégué à la promotion du plurilinguisme en mai dernier.
Loi sur les langues
Helvetia Latina compte beaucoup sur la loi sur les langues, repêchée par le Conseil National alors que le gouvernement voulait l’enterrer.
La loi devrait être examinée par la Chambre du peuple mercredi de la semaine prochaine. Mais comme il s’agit du dernier jour de la session d’hiver, le risque d’un report des discussions au mois de mars est réel.
swissinfo et les agences
63,7% de la population parlent allemand, 20,4% français, 6,5% italien, 0,5% rhétoromanche et 8,9% une autre langue.
Parmi les plus basses classes de salaire des services fédéraux, 68,9% des personnes parlent allemand, 18,1% français, 8,4% italien et 0,3% romanche.
Parmi les classes les plus élevées, 72,7% parlent allemand, 22,2% français, 4,4% italien et 0,6% romanche.
– Cette institution politiquement indépendante a été fondée en juin 1980.
– Son but est de favoriser une représentation équitable des langues et des cultures latines au sein de la Suisse officielle.
– Elle compte aujourd’hui 350 membres, dont la centaine d’élus latins au Parlement fédéral.
La loi fédérale sur les langues nationales doit réglementer l’usage des langues dans l’administration.
Elle doit encourager la compréhension et l’échange, mais aussi soutenir les tâches particulières des cantons multilingues.
Elle veut renforcer le caractère fondamental du quadrilinguisme en Suisse.
Le débat devait avoir lieu pendant la session d’automne à Flims, mais le gouvernement n’ayant pas encore pris position, il a été reporté à la dernière session de l’actuelle session d’hiver.
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