«L’Ami riche», objet d’inquiétude
A Genève, Michel Kullmann met en scène la pièce du dramaturge alémanique Matthias Zschokke.
L’argent en est le moteur, actionné sur un mode plutôt boulevardier.
L’argent, cette chose après laquelle tout le monde court aujourd’hui, «L’Ami riche» ne le prête pas. Les riches sont chiches, c’est bien connu. Cet argent donc, «L’Ami» le donne comme on offre matière à réflexion.
Le prix à payer en est la désillusion. «L’argent absorbe tous les rêves», dit l’un des personnages de cette pièce écrite par Matthias Zschokke. Le dramaturge bernois est bien connu du public romand qui a déjà vu bon nombre de ses oeuvres dont «L’Heure bleue», «Les Alphabètes», «La Commissaire chantante»…
Et revoici «L’Ami riche» que Michel Kullmann met en scène – après une première version lausannoise donnée par Philippe Mentha – au Théâtre de Carouge.
Nourriture spirituelle
Chez Honold, l’ami en question, pas grand chose à consommer, donc, hormis la réflexion. Ici, la nourriture de l’esprit est arrosée de quelques verres de vin et livrée via les regards croisés et contrastés des personnages.
Il y a là un architecte en rade (Michel Voïta) venu demander du travail à Honold, sur un ton qui mêle la crainte et la servilité fière des quémandeurs d’emploi. Il est accompagné de sa femme Rosa, conscience lucide à laquelle la comédienne Anne Durand donne des allures de vierge effarouchée.
Il y a aussi la poétesse Emilie interprétée par Fabienne Guelpa très en verve dans le rôle d’une muse lunaire et délurée.
Face à eux se dresse l’ami riche (Michel Rossy), un misanthrope des temps modernes qui toujours se dérobe lorsqu’on tend vers lui une main pleine d’envie. Retiré dans son château au bord de l’eau, Honold assoit son pouvoir de séduction sur l’argent. Avec sa fortune, il peut tout s’acheter sauf l’amour, vu que celui-ci n’a pas de prix.
Comique inquiet
L’adversité et la complicité qui opposent et réunissent tout ce petit monde déclenchent un chaos domestique où le doute affleure; où l’inquiétude pointe sous le comique.
Le décor de Jean-Claude Maret ajoute au malaise. Sa scénographie, véritable étude sociale, est la réussite de ce spectacle que les acteurs tirent, hélas, vers le boulevard.
Ce qui est attrayant dans le décor, c’est donc la modernité avec laquelle s’accomplit le glissement constant entre les dialogues et la mise en perspective des scènes. Lesquelles défilent comme des fragments de rêves évanouis. Comme des instantanés saisis par une caméra invisible qui enregistre la vie dans ce qu’elle a de plus éphémère.
swissinfo, Ghania Adamo
«L’Ami riche», Genève, Théâtre de Carouge; jusqu’au 19 octobre. Tel: 022.343.43.43.
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