L’avenir de la photographie, tendance chic!
Pour ses 20 années d’existence, le Musée de l’Elysée, à Lausanne, s’associe à l’horloger de luxe Jaeger-LeCoultre pour un projet baptisé reGeneration.
Soit une exposition et un livre qui réuniront les 50 photographes majeurs de la génération à venir. Un pari ambitieux et passionnant.
Qui seront les géants de la photographie de demain? Qui remplacera au cours des vingt premières années du troisième millénaire les Cartier-Bresson, Depardon, Salgado et autres Helmut Newton?
Le Musée de l’Elysée s’est mis en tête de les dénicher. Histoire de «mettre le musée en valeur pour son vingtième anniversaire et de se projeter dans l’avenir pour les prochaines vingt années», selon les propos du directeur, William Ewing.
Long processus de sélection
L’institution lausannoise s’est donc mise en relation avec une soixantaine d’écoles autour du monde, qui, chacune, a pu présenter un certain nombre de candidats. Il y en a eu 400 à l’arrivée.
Et 50 ont été retenus, qui représentent 21 nationalités, 29 écoles… et cinq continents! Parmi eux, 11 photographes suisses ou liés à la Suisse, soit une représentation helvétique très conséquente.
Illustrer l’avenir photographique de la planète entière? Les critères de choix n’ont pas dû être aisés. Mais William Ewing ne voit pas de problème majeur à la chose: «En fait, c’est ce que nous faisons ici, à chaque exposition…»
Et de préciser: «Qu’il s’agisse de Cartier-Bresson, de René Burri ou de Larry Sultan, à chaque fois, on doit avoir entre nous une conversation sur le choix de chaque image. L’obstacle est toujours la question ‘qu’est-ce qu’une bonne photographie?’ Chacun a son propre point de vue, il faut donc débattre, c’est une conversation permanente».
L’exposition débutera le 23 juin à l’Espace Arlaud, à Lausanne – le bâtiment de l’Elysée étant trop petit pour les 350 images qui seront présentées. Chaque artiste s’exprimera à travers une série de cinq à huit images. Le livre, quant à lui, comptera 228 pages et sera édité parallèlement à Lausanne, Paris, Londres et New York.
Un partenaire prestigieux
Au vu de l’envergure de l’opération, le Musée de l’Elysée avait impérativement besoin d’un partenaire solide. C’est le très chic Jaeger-LeCoultre, installé au Sentier, dans la Vallée de Joux, depuis 1833, qui remplira ce rôle.
Un engagement pour l’image que la prestigieuse marque développe depuis quelques temps déjà, semble-t-il. Pourquoi développer son sponsoring du côté de la photographie plutôt que vers un autre art?
«Ce qui nous a amenés plus spécialement vers la photo, c’est en premier lieu les points de correspondance entre notre art, dédié au temps, et la photographie. La notion de l’instant, celle de l’exposition… Beaucoup de termes techniques utilisés en photo renvoient à la notion du temps, et on les retrouve donc aussi dans le cadre de l’horlogerie», répond Jérôme Lambert, directeur général de Jaeger-LeCoultre.
Lequel souligne également le caractère créatif et dynamique de la photographie, en prise avec le présent. «Le mariage entre ce bouillonnement créatif et un art qui est lié à la culture du temps, c’est cela qui nous a amenés à considérer la photographie», résume-t-il.
Mais, on le sait, le sponsoring n’est pas du mécénat… Quelles sont donc les attentes chez Jaeger-LeCoultre, qui profitera de la venue, en juin, des photographes pour leur faire immortaliser la manufacture, ses employés et le décor de la Vallée de Joux?
«Pour nous, c’est un choix qui est relativement profond. Cela va permettre à nos campagnes de communication de bénéficier de photos très recherchées. Cela va aussi passer par des expositions: placer l’horlogerie et la photo en résonance. Nous serons présents à Lausanne, mais aussi à New York».
Et le patron de Jaeger-LeCoultre d’insister également sur l’impact interne: «Cela ira jusqu’à une exposition dans le cadre de nos murs: bon nombre des œuvres de reGeneration seront exposées à la manufacture pour faire profiter l’ensemble du personnel de cette démarche et de cette réflexion sur la création qui peut être éclairante, enrichissante pour notre propre création.»
Couleur et Photoshop!
Avec la sélection que les responsables du Musée de l’Elysée ont eu à effectuer, on peut imaginer qu’ils ont aujourd’hui une impression assez précise des tendances qui se dégagent de la nouvelle génération de photographes. William Ewing peut-il tenter une synthèse?
«Il y a deux choses très frappantes. L’absence presque totale de noir et blanc, d’abord. Ce qui veut dire que pour les jeunes, le noir-blanc n’a presque aucune valeur. Une deuxième tendance très nette, c’est l’utilisation de l’ordinateur. Ils ne sont pas séduits par lui, mais ils l’utilisent pour développer certains aspects, pour améliorer, pour peaufiner».
A l’égard de cette nouvelle génération, William Ewing émet toutefois une réserve: la tendance de ces jeunes artistes à trop théoriser leur travail. «Je ne me sens pas tout à fait à l’aise avec cette dérive, dit-il. Personnellement, je privilégie les gens qui expérimentent et qui apprennent ainsi. Pas dans les livres!».
Et d’ajouter: «Il n’est pas bon de prendre un mode d’emploi, qui va dire comment faire une belle photographie. Sur un plan technique, oui. Mais pas sur un plan esthétique. A ce niveau-là, il faut suivre son propre esprit, sa propre intelligence visuelle. Je crois que l’académisme pèse trop lourdement sur leurs épaules».
A vérifier dès le 23 juin au Musée de l’Elysée.
swissinfo, Bernard Léchot à Lausanne
L’exposition «re.Generation» débutera le 23 juin à l’Espace Arlaud, à Lausanne.
Elle présentera 350 images de 50 jeunes photographes de 21 nationalités, issus de 29 écoles.
Les cinq continents seront représentés.
Onze photographes suisses ou liés à la Suisse seront de la partie.
A cette occasion, un ouvrage de 228 pages sera publié. Il sera édité parallèlement à Lausanne, Paris, Londres et New York.
– Le Musée de l’Elysée a été fondé en octobre 1985 par le journaliste Charles-Henri Favrod.
– Grâce au travail de ce passionné, aux innombrables expositions qu’il a montées et dont certaines ont parcouru le monde, le musée a acquis une solide notoriété.
– Dès ses débuts, le musée s’est assuré l’appui de milieux privés en créant la Fondation de l’Elysée, qui l’a efficacement soutenu dans sa politique d’acquisition et de commandes.
– Le fondateur a quitté la direction du musée à fin 1995. Il a alors été remplacé par le Canadien William Ewing. La transition ne s’est pas faite sans douleur ni conflits.
– Auparavant, ce sociologue et écrivain avait ouvert la galerie de photos Optica, puis fondé le Centre pour l`art contemporain à Montréal. Il a également dirigé des expositions à l`International Centre of Photography de New York, et été conservateur indépendant à Londres.
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