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L’univers de Wim Wenders sur la Piazza Grande

Butte, dans le Nevada. Wim Wenders voulait depuis longtemps tourner dans cette ville. SP

Un Léopard d’honneur a été remis samedi au réalisateur allemand, qui a présenté son dernier film, «Don’t come knocking», au Festival de Locarno.

Personnages extravagants, beauté de l’image, légèreté du ton et profondeur du propos… Tout l’univers de Wim Wenders était là, ce soir, sur la Piazza Grande.

Tout juste arrivé à Locarno, Wim Wenders a eu l’occasion de découvrir l’une des composantes essentielles de la Suisse… Le plurilinguisme. Accentué par le rôle international du festival, le problème des langues est apparu de manière cocasse en pleine conférence de presse.

Pendant une bonne dizaine de minutes, le réalisateur n’a pas pu aligner trois phrases consécutives, les journalistes se disputant pour savoir en quelle langue il fallait assurer la traduction simultanée. Allemand, italien et français? Ou allemand, italien et anglais?

Eternel débat auquel nous sommes habitués en Suisse… Wim Wenders, lui, l’a découvert avec humour. En regardant le Léopard d’honneur déposé devant lui: «That’s a very cool cat! This is what I can say in English».

Quelques heures plus tard, Wim Wenders recevait officiellement le ‘cool cat’ et présentait son dernier film sur la Piazza Grande. «Vingt et un ans après Paris, Texas, je suis heureux d’avoir retrouvé ces paysages que j’aime». Don’t come knocking se situe dans le Montana et le Nevada. L’Amérique profonde. On la reconnaît dès les premières images.

Nouveau western

Un homme s’enfuit à cheval dans un décor de Far West. Veste à franges, chapeau texan. Un cow-boy, peut-être… Non, pas exactement. Il manque la poussière. Il manque le regard implacable. Tout est trop lisse pour être vrai.

L’homme s’appelle Howard Spence (Sam Shepard). C’est un acteur. Il fuit le plateau de tournage de son dernier western. Là-bas, la production le cherche. Elle a engagé un chasseur de tête (Tim Roth) pour retrouver la star.

Lui s’appelle Sutter. Il fait partie de ceux qui n’abandonnent jamais. Il fouille la caravane d’Howard Spence. Bouteilles de rhum vides, cannettes écrasées. Un panneau en carton avec ces mots écrits au feutre noir: «Don’t come knocking!».

Du Nevada au Montana

Entre-temps, le cow-boy a échangé ses boots et son cheval. Maintenant, il roule. Voiture. Autocar. Il roule encore. Il va se réfugier chez sa mère qu’il n’a pas vue depuis de longues années.

A 60 ans, Howard Spence se retrouve ainsi dans sa chambre d’adolescent reconstituée dans le sous-sol – le ranch familial a été vendu à la mort du père.

Avec lui, on fait alors le bilan de sa vie à travers les articles de presse que la mère a collectionnés dans un album. «Drogue, sexe, argent»… «Howard Spence au bout du rouleau»… Une vie de débauche qui laisse juste un grand vide.

Et puis vient cette révélation balancée par la maman entre deux bouchées d’œufs brouillés et une gorgée de jus d’orange. Une révélation qui va peut-être tout changer. ‘Tu as un fils’… ‘Il y a cette femme’… ‘Quelque part dans le Montana’…

Howard reprend la route. Un voyage durant lequel il va sans cesse devoir lutter contre sa faiblesse. «Chiche que t’arrives jusqu’au Montana!», se lance-t-il à lui-même au lendemain d’une cuite. Au bout du chemin, des rencontres. Et peut-être une nouvelle vie…

Le bonheur de retrouver Wim Wenders

Avec Don’t come knocking, Wim Wenders et Sam Shepard (scénario) évoquent les Etats-Unis, l’amour, la filiation,… Le tout avec une légèreté poignante, de celles qui nous laissent ce petit sourire complice plusieurs heures encore après la projection.

Et puis, il y a ce plaisir de retrouver l’univers de Wenders. La lumière, les couleurs, l’image si belle. Dès le premier plan, on entend les murmures admiratifs du public. Ensuite, on oublie cette perfection. Au profit des personnages. A la fois excentriques et tellement vrais.

La fille mystérieuse qui remet sans cesse sa mèche de cheveux derrière l’oreille et emporte les cendres de sa mère partout où elle va. Cet homme qui marche au bord de la route, au milieu de nulle part, un sac de golf à l’épaule. Ou celui-là encore avec son rasoir électrique en plein désert.

Autant de personnages servis par les dialogues de Sam Shepard, qui sonnent «comme le jazz, rythmés et très musicaux», selon les termes de Jessica Lange, merveilleuse Doreen dans le film et épouse de Sam Shepard dans la vraie vie.

Enfin, il y a la musique (T Bone Burnet), magnifique. A laquelle doit s’ajouter bientôt un générique composé par le chanteur du groupe U2… «Bono me l’avait proposé, a confié Wim Wenders samedi à Locarno. Il était très occupé et le morceau est arrivé trop tard pour l’intégrer. Mais nous le ferons avant la sortie en salle.» Le titre: Don’t come knocking.

«Une excellente raison pour revoir le film», ajoute le réalisateur. Le voir et le revoir encore. Absolument. Et attention en sortant de la salle! Avec votre petit air égaré, vous risquez de trébucher sur un trottoir ou de vous faire renverser par une voiture…

swissinfo, Alexandra Richard à Locarno

Don’t come knocking (2005)
Réalisation: Wim Wenders
Scénario: Sam Shepard
Interprètes: Sam Shepard, Jessica Lange, Tim Roth, Eva Marie Saint, Gabriel Mann, Sarah Polley, Fairuza Balk
Musique: T Bone Burnet
Sortie en salle prévue le 25 août 2005

Wim Wenders est né en 1945, à Düsseldorf, en Allemagne.

Il étudie d’abord la médecine et la philosophie avant de partir pour Paris où il se consacre à la peinture.

En 1967, il entre à l’Académie de la télévision et du cinéma de Munich et parallèlement devient critique de cinéma.

Wim Wenders a notamment réalisé Paris, Texas (1984), Palme d’or au Festival de Cannes, Les Ailes du Désir (1987) et Buena Vista Social Club (1998).

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