L’univers mystérieux et artificiel de Leonor Fini
Le 15e Salon du Livre de Genève a ouvert ses portes. Après Picasso, Miro, puis l'expressionnisme allemand l'année dernière, sa « Grande exposition » est consacrée cette année aux mystérieux personnages de Leonor Fini.
L’exposition, inédite, qui réunit plus d’une centaine d’œuvres – toiles, aquarelles, dessins, a été montée par Arlette Souhami, directrice de la Galerie Minsky, à Paris, une galerie créée après le décès de Leonor Fini en 1996, et entièrement dévolue à l’artiste. Cela avec la collaboration de Richard Overstreet, ayant droit de l’Oeuvre.
«Toute l’évolution de sa peinture est présente dans cette exposition», commente Arlette Souhami. «L’époque surréaliste, puis l’époque un peu fantastique, minéralogique…» Des catégories auxquelles Leonor Fini refusait néanmoins d’appartenir: «Elle-même ne voulait surtout pas qu’on la mette dans une catégorie. Elle était une femme et pourtant refusait qu’on dise qu’elle était une femme! Elle se voulait simplement peintre. Leonor ne voulait pas être associée à un groupe».
Alors on se promène dans ce foisonnement dont les œuvres parcourent huit décennies. Réalisme étrange des portraits des années 20… Surréalisme des toiles ultérieures, dont certaines ont emprunté quelque chose à Dali. Et puis la plongée dans le fantastique, corps évanescents… Les visages aux bouches charnues sont sensuels, et parfois inquiétants. Là, une figure aux yeux clos, assoupie. Peut-être morte? Plus loin, l’érotisme d’une femme plongée entre les jambes d’une autre, semblant lire l’intimité de sa chair.
Et parfois des chats, bien sûr, l’animal fétiche de Leonor Fini. «Leonor Fini a toujours adoré les chats», se souvient Richard Overstreet.«Elle a toujours pensé que c’était les êtres les plus parfaits. Pour elle, ils étaient parfaits en tout, sauf en ce qui concerne la durée de leur vie, trop courte.»
Ressort de notre déambulation son goût pour l’artifice, au sens de «ce qui n’est pas naturel». Car chez elle, tout relève de la mise en scène, soigneusement élaborée, chorégraphiée. Artifice des décors, des costumes, des positions… Théâtralisation de l’instant, passage qui peut déboucher sur la vie comme sur la mort.
Rejet du naturel au profit de l’artificiel… Présence récurrente de la mort, et du sexe… Passion pour les chats… Travail permanent autour de sa propre personne, excentricité qu’au 19e siècle on aurait qualifié de dandysme…Tout cela n’est pas sans rappeler un certain Charles Baudelaire, le sens de la faute et de la culpabilité en moins. L’impression est confirmée par l’artiste elle-même: «Peut-être pourrait-on dire qu’il y a dans mes tableaux une atmosphère baudelairienne et que tout y est peint dans des couleurs que nous imaginons baudelairiennes», confiait un jour Leonor Fini à Rodriguez Monegal.
«Leonor Fini résume, dans son réalisme irréel, toute une période récente dont le plus vrai que le vrai sera le signe. Elle y ajoute ses propres racines d’énigme et de tragique», a écrit Cocteau en 1951, dans un texte intitulé « Tout ce surnaturel lui est naturel». En effet.
Bernard Léchot
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