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La Bâtie, une autoroute entre Zurich et Genève

Pour Maurici Farré la communication du festival revêt une dimension pédagogique. swissinfo.ch

Le nouveau directeur du festival de la Bâtie propose cette année une série de spectacles de la scène zurichoise et alémanique pour son édition du 1er au 7 septembre.

Le Catalan Maurici Farré s’inscrit dans l’histoire du festival genevois en faisant la part belle à la culture urbaine au travers de 80 spectacles qui gravitent autour de trois autres axes : la Belgique, l’Italie et la gastronomie. Interview.

Fils de la Barcelone antifasciste, Maurici Farré se définit comme un «faiseur de théâtre», selon l’expression de Bertolt Brecht. Après ses débuts dans la capitale catalane, ce comédien, metteur en scène et traducteur a couru les scènes alémanique et européenne.

Durant plusieurs années, Maurici Farré a travaillé pour le ‘Zürcher Theater Spektakel’, l’équivalent zurichois de la Bâtie. Un festival genevois qu’il dirige dorénavant.

swissinfo: Cette édition cherche à rapprocher Zurich de Genève. Est-ce une initiative ponctuelle?

Maurici Farré : Venant de Catalogne, je vois la Suisse comme une unité et je trouve très dommage que ces deux villes se tournent le dos. Car on est dans une société très urbaine. Même dans les parties les plus reculées de la Suisse, la plupart des gens travaillent dans l’économie urbaine.

La culture est donc urbaine et elle se développe dans les métropoles. En Suisse, il s’agit de Zurich et sa région (y compris Bâle) et Genève (jusqu’à Lausanne voire au-delà).

La responsabilité culturelle de ces villes va donc au-delà de leurs frontières municipales.

Ces deux métropoles sont en effet le moteur de la culture qui se développe sur le plan suisse. A la Bâtie, nous essayons d’en parler ouvertement et de voir ce que chacun des deux pôles peut apporter à l’autre. Si ça fonctionne, j’espère pouvoir développer ces échanges lors des prochaines éditions.

swissinfo: Vous voulez populariser ce festival. Est-ce une manière de reprendre l’idée lancée par Nicolas Bideau – le Monsieur cinéma du gouvernement suisse – d’un art populaire et de qualité?

M F : Cela n’a rien à voir. Ce concept cache une triste réalité: la plupart des politiciens et surtout les responsables de la culture n’ont en fait aucune politique culturelle.

Mais il est vrai qu’il faut ouvrir un débat sur le rôle de la culture aujourd’hui et même sur sa définition. Raison pour laquelle nous organisons dans le cadre de cette édition une série de débats. Un festival n’est pas seulement un lieu de consommation de produits artistiques. Il doit permettre également aux artistes, au public et à la société en général de débattre de l’avenir de la création.

Cette année marque les 50 ans de la mort de Bertolt Brecht, une bonne occasion de discuter de l’art populaire. Un des débats que nous organisons s’intitule justement «populaire?». Alors que le parlement suisse débat de la nouvelle Loi sur la culture et de l’avenir de Pro Helvetia, il est très important de formuler nous-mêmes les questions qui touchent à la culture, même si nous n’avons pas encore les réponses.

swissinfo: Cherchez-vous à marquer une rupture avec les précédentes éditions accusées parfois d’être trop élitaires?

M F : Je ne suis pas venu à Genève dans ce but et ce festival n’est pas le mien, mais celui des Genevois. Il me semble que ces dernières années, le festival a essentiellement souffert d’un manque de communication. C’est pourquoi j’ai décidé d’y allouer plus de moyen.

Car la communication ne se réduit pas à la publicité. Elle revêt également une dimension pédagogique.

swissinfo: Pas de rupture, donc. Mais des nouveautés?

M F : Ce festival existe depuis une trentaine d’années et à chaque fois le désir est de faire de la nouveauté. Mais après 30 ans, la nouveauté est presque impossible à trouver. J’ai donc voulu la chercher dans son histoire.

Depuis sa création, la Bâtie a voulu répondre à un certain nombre de questions. J’ai donc récupéré ces questions et tenté d’y apporter des réponses actuelles.

swissinfo: Quelles sont ces questions? Quel est le rôle de la Bâtie?

M F : C’est une plateforme inventée par des créateurs qui, dans les années 70, ne pouvaient pas s’exprimer dans les institutions existantes.

Aujourd’hui, le but de ce mouvement culturel à l’œuvre dans toute la Suisse et l’Europe est atteint, puisque que les personnes issues de ce mouvement sont devenues les responsables des institutions culturelles. La culture dite alternative est devenue la culture officielle conçue d’une manière beaucoup plus ouverte, large et progressiste.

La question que je me pose est donc de savoir où se trouve la contre-culture. Je vais essayer de faire de la Bâtie – festival des expressions artistiques vivantes de toute la région – une plateforme pour les nouvelles générations qui ont des choses à dire. Et ce d’une manière très différente de la mienne.

swissinfo: Et la présence de la gastronomie dans le programme?

MF : C’est un clin d’œil. Une des grandes fautes commises par les Européens est de penser que la culture est quelque chose de sérieux, alors que c’est un jeu et surtout un plaisir. J’aimerais bien que l’on aille au spectacle comme on va dans un bon restaurant.

Interview swissinfo: Frédéric Burnand à Genève

Les coups de cœur de Maurici Farré:

Akabi, un spectacle de la chorégraphe turque Aydin Teker

‘Le vaisseau fantôme’, un opéra conçu par Alain Croubalian d’après ‘Der fliegende Holländer’ de Richard Wagner.

Mishelle di Sant’Oliva mis en scène par Emma Dante et joué en palermitain.

‘L’avantage du doute’, une pièce qui se base sur Les noces du jeune Bertolt Brecht, encore anarchiste.

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