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La calligraphie en quête d’une résonance actuelle

Souun Takeda
Souun Takeda a dessiné 湧純 (Yu Jun, "Fontaine pure" en français) pendant son séjour à Zurich l'année dernière. Il dit avoir été inspiré par la population, les paysages et les fontaines en Suisse. Kaoru Uda/swissinfo.ch

Le calligraphe japonais Souun Takeda organise sa première exposition européenne en solo à Zurich. L'artiste prouve qu’à l’ère du numérique, l'art du «shodo» ne se résume pas à de l'encre sur du papier.

Celles et ceux qui pensent que la calligraphie japonaise se résume à des caractères noirs peints sur du papier blanc seront surpris: l’exposition de Souun Takeda à Zurich présente de nombreuses œuvres ressemblant à des peintures abstraites, des acryliques colorées vivement étalées sur la toile.

«La calligraphie étant plutôt un style traditionnel, un ‘kata’, je me sentais à l’étroit», dit le calligraphe. Lorsque, pour s’amuser, il utilisait les crayons de ses enfants pour dessiner, il était fasciné par leur énergie.

Deux calligraphies côte-à-côte
Entre le calme de la tradition et le mouvement de la modernité. Kaoru Uda/swissinfo.ch

Mais il va aussi dans la direction opposée et renonce parfois complètement à la couleur: pour l’œuvre 道 («Chemin»), par exemple, Souun Takeda a écrit un «kanji» (caractère) sur un papier de riz encore humide au moyen d’un jet d’eau – une nouvelle technique dans l’univers conservateur de la calligraphie.

L’œuvre a attiré l’attention du conservateur Peter Wallimann au salon Art International Zurich 2019 et a finalement mené à cette exposition en solo de Souun Takeda, dans sa galerie du centre-ville de Zurich.

Papier de riz
Papier de riz gravé à la main. 25 septembre, Zurich. Kaoru Uda/swissinfo.ch

L’écriture ritualisée

La calligraphie – «shodo» en japonais – est l’art délicat de l’écriture. Elle a été introduite au Japon en même temps que les caractères en provenance de Chine, et s’est développée avec l’émergence du «kana», l’écriture syllabique japonaise, à l’époque Heian (794-1192).

«En ce qui concerne la recherche de la beauté des formes, des couleurs et de l’équilibre, elle est similaire à la calligraphie occidentale. Vous pouvez aussi écrire la lettre ‘A’ de façon magnifique», note Souun Takeda.

Mais la calligraphie japonaise est plus ritualisée: on s’assoit bien droit devant sa feuille de papier, on frotte doucement un bâton d’encre, laissant monter une odeur subtile et profonde. Puis on trempe son pinceau dans l’encre, et on se concentre. Takeda voit un lien étroit entre la calligraphie et la tradition shintoïste japonaise.

«Les ‘kanji’ sont des caractères hiéroglyphiques, c’est à dire la réalité transformée en symboles abstraits. Je les ramène à leur image d’origine. L’esprit devient léger et fusionne avec le cosmos.»

Souun Takeda a appris le métier à trois ans auprès de sa mère, qui était également calligraphe. Plus tard, ses performances en public et ses collaborations avec des artistes ont beaucoup attiré l’attention.

Pour le quadragénaire, l’avenir de la calligraphie passe par son renouveau: «Il est vain de se contenter de dire ‘c’est la tradition japonaise’. C’est incompréhensible pour un public étranger.» C’est pourquoi il tente toujours de concilier beauté et résonance avec l’époque, comme un produit de communication.

Le charme de l’absence de but

La calligraphie est toujours profondément enracinée en Chine et au Japon. En 2009, la calligraphie chinoise a été déclarée patrimoine culturel immatérielLien externe par l’Organisation des Nations unies pour l’éducation, la science et la culture (Unesco). Au Japon, les enfants apprennent la calligraphie à l’école primaire.

Mais pour de nombreux adultes japonais, la calligraphie n’évoque plus rien que la nostalgie des souvenirs d’école. Avec la numérisation, de nombreuses personnes n’ont plus besoin d’écrire à la main.

Souun Takeda reste toutefois optimiste. «Le monde attache de plus en plus d’importance à la vitesse et à l’efficacité. En calligraphie, nous faisons le contraire, car elle n’a pas vraiment de but. Cela fait du bien à beaucoup de gens de se concentrer sur l’écriture d’une seule lettre, encore et encore.»

C’est pour cette raison que la calligraphie attire particulièrement la jeune génération, affirme Souun Takeda. «La hâte n’enrichit pas toujours l’esprit. La calligraphie nous permet d’apprécier la beauté de l’instant et de capturer ce qui nous passe par la tête. Dans ces moments où l’on a le sentiment d’avoir toutes les réponses, que tout se trouve devant soi, il est plus aisé de trouver la sérénité.»

Pauline Turuban

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