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La double vie des Tamouls de Suisse

Les premiers réfugiés tamouls sont arrivés en Suisse dans les années quatre-vingts. Keystone Archive

Arrivés il y a une vingtaine d'années, les premiers réfugiés tamouls paraissent parfaitement intégrés. Mais la réalité n'est pas aussi idyllique.

Au total, 25 000 Tamouls habitent en Suisse. La plupart ont fui leur pays – le Sri Lanka – dans les années quatre-vingts, à cause de la guerre civile.

Les Suisses se sont tout d’abord montrés méfiants à leur égard. Mais, aujourd’hui, ils apprécient ces étrangers que l’on dit plutôt bien intégrés.

Vraiment? Selon les résultats intermédiaires d’une étude lancée l’année dernière, les Tamouls souffriraient de leur situation. Sans, pour, autant l’afficher ostensiblement.

Un niveau élevé de frustrations

L’ethnologue Damaris Lüthi a voulu en savoir plus sur la situation méconnue de cette communauté. Soutenue par le Fonds national de la recherche, son étude sera publiée l’an prochain. Mais elle nous livre, d’ores et déjà, quelques constats alarmants.

Que ce soit dans la rue ou au travail, ces réfugiés du Sri Lanka s’adapteraient facilement aux coutumes locales. Du moins, c’est l’impression qu’ils nous donnent. Car, en fait, leur réalité quotidienne est tout autre.

Dans les faits, l’intégration des Tamouls se fait au niveau des couches les plus basses de notre société. A cause du type d’emplois qu’ils occupent.

Conséquences: leurs chances de s’en sortir sont faibles. Leur niveau de frustration demeure élevé. Quant à leur intégration culturelle, elle est quasi nulle.

Une vie privée très secrète

Mais les Tamouls ne sont pas du genre à partager leurs difficultés – d’autant que, dans leur propre culture, c’est mal vu – sinon dans le cadre très secret de la famille. Et rien ne transparaît de leurs difficultés dans leur vie publique.

C’est dans le cadre familial ou communautaire qu’ils vivent d’ailleurs leurs traditions culturelles et religieuses. Et cela d’une façon extrême. Voire exclusive.

«Les enfants sont gardés à la maison le plus longtemps possible, explique Damaris Lüthi. Pour éviter tout contact avec les petits Suisses. Pour les Tamouls, notre mode occidental de vie est immoral.»

La spirale de l’endettement

Pour autant, les réfugiés tamouls cèdent, comme tout le monde, à la tentation de la consommation. Ainsi, nombre d’entre eux s’achètent un téléviseur, voire une voiture.

Mais, dans le même temps, ils se font un point d’honneur de soutenir financièrement leur famille restée au pays. Et, leurs salaires étant plutôt bas, ils sont souvent contraints de recourir au petit crédit.

Le risque d’endettement est donc grand. Et, pour tenter d’échapper à leur réalité, nombreux sont les hommes qui sombrent dans l’alcoolisme. Et parfois dans la violence domestique.

Les femmes souffrent en silence

Les épouses sont, bien sûr, les principales victimes de ce cercle vicieux, voire infernal. Mais elles n’en parlent pas. Elles souffrent donc en silence.

Les filles rencontrent, elle aussi, de grandes difficultés. Elles ne peuvent sortir que si elles sont accompagnées par un frère. Elles n’ont pas le droit de s’habiller selon leurs propres goûts. Et elles doivent épouser l’homme choisi par leur famille.

Une situation insoutenable pour les jeunes Tamouls qui sont nées et qui ont grandi en Suisse. «Les psychiatres, confirme Damaris Lüthi, me disent que les tentatives de suicide sont fréquentes parmi ces jeunes filles.»

swissinfo/Elena Altenburger

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