La Drôme chez les Helvètes
Dans le cadre de la manifestation culturelle «Belle voisine», la Comédie de Valence est invitée à présenter à la Comédie de Genève les «Ames solitaires».
Anne Bisang, qui signe ce spectacle, parle ici de la nécessité des échanges artistiques entre la Suisse et la France.
Le 12 janvier dernier marquait le coup d’envoi de l’opération «La Belle voisine», événement qui rapproche dans un bel élan culturel la Suisse romande et la région française Rhône-Alpes.
Cette manifestation ambitieuse, qui se poursuivra jusqu’en 2008, est soutenue entre autres par Pro Helvetia et les autorités culturelles françaises. Au programme, théâtre, danse, musique, cinéma, littérature et arts visuels. Le tout visant à favoriser les échanges de productions et le croisement de talents entres les deux pays voisins. A tour de rôle, chaque pays présente ses spectacles chez l’autre.
C’est dans cet esprit d’échange, donc, qu’Anne Bisang, directrice de la Comédie de Genève, a créé, en janvier dernier, sur la scène de la Comédie de Valence, une pièce de l’auteur allemand Gerhart Hauptmann, intitulée «Ames solitaires».
Mise en commun
Pour monter ce spectacle, chacune des deux Comédies a mis du sien: argent, personnel technique et comédiens, Pro Helvetia assurant uniquement le coût des déplacements et le transport du décor. Car ces «Ames solitaires» voyagent. Retour de manivelle: elles seront à la Comédie de Genève à partir du 20 février et marqueront, donc, le premier accueil de la création rhônalpine, prévu dans le cadre de cette opération «Belle voisine».
De son petit exil à Valence, où se sont déroulées les répétitions des «Ames solitaires», Anne Bisang tire un constat à la fois prudent et réjouissant.
«C’est la première fois que des instances et organismes suisses (Pro Helvetia, Etat, Canton, Ville…) se mettent ensemble pour promouvoir nos créations hors de nos frontières proches. Jusqu’ici, il a fallu compter sur les initiatives personnelles des uns et des autres. On espère que dans l’avenir des opérations type ‘Belle voisine’ se reproduiront», dit-elle.
«Les artistes français bénéficient de nombreux programmes d’aide aux projets et aux tournées, poursuit-elle. La France vit donc très bien sans nous. Elle s’auto-suffit. Et il faut beaucoup se diversifier pour la contenter. Ceci dit, ce n’est pas la richesse et la variété de la création suisse qui font défaut. Ce qui manque souvent, c’est le coup de pouce, sans lequel nous risquons de rester à l’écart. Sans lequel, également, persistera de l’autre côté de la frontière ce préjugé: il ne se passe rien en Suisse romande.»
Solitude helvétique
Passons donc nos frontières. Et arrêtons-nous un instant à la Comédie de Valence où Nicolas Roux, chargé de la programmation et de la production, recoupe, par ses propos, ce que dit Anne Bisang.
«Hormis les grands acteurs comme Jean-Quentin Châtelain ou Roger Jendly, les artistes romands et leurs compagnies sont peu connus en France, dit-il. Ce n’est certainement pas la qualité de leurs prestations qui est mise en cause. C’est tout simplement que la Suisse, n’étant pas dans l’Union européenne, ne bénéficie pas des programmes culturels établis par celle-ci, comme le programme ‘Interreg’ (pour ‘Inter-régions’).»
«Il s’agit là, explique Nicolas Roux, d’accords transfrontaliers qui intègrent, par exemple, le nord de la France et les villes de la Belgique voisine: Mons, Namur et Charleroi. Ces accords jouent en quelque sorte le rôle de Pro Helvetia. Sauf que cette dernière agit ponctuellement, alors que ‘Interreg’ opère sur la durée.»
«A cela, poursuit-il, s’ajoute le fait que la Suisse n’est pas non plus membre de la Convention Théâtrale Européenne. Laquelle regroupe 40 théâtres d’Europe, là aussi dans un esprit d’échange culturel».
Les joies de l’échange
Mais au-delà des difficultés politiques, demeure l’aventure humaine qui, elle, est toujours épanouissante. C’est en tout cas l’avis de nos deux interlocuteurs. Anne Bisang parle de liberté dans l’échange: «A la Comédie de Valence, les acteurs ne me connaissaient pas, et pourtant je m’y suis sentie très vite à l’aise».
Ces mêmes acteurs, on les retrouvera donc aux côtés de leurs homologues romands dans les «Ames solitaires». Suisses et Français se partagent ici l’affiche pour raconter l’émancipation d’une famille bourgeoise à la fin du XIXe siècle.
«Et pour démontrer, conclut Nicolas Roux, une réussite amorcée il y a déjà deux saisons avec ‘L’Enfant froid’». Un spectacle «cogité» et coproduit par les deux Comédies, bien avant que ne démarre l’opération «Belle voisine»…
swissinfo, Ghania Adamo
«Ames solitaires», à voir à la Comédie de Genève du 20 février au 4 mars.
Un texte de Gerhart Hauptmann, traduction de Jörn Cambreleng, mis en scène par Anne Bisang.
Avec notamment: Yves Barbaut*, Laurence Calame, Juliette Delfau*, Ali Esmili*, Vincent Garanger*, Loulou, Cédric Michel*, Graziella Torrigiani (*troupe permanente de la Comédie de Valence).
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