La Garde pontificale suisse en vitrine
Le musée des Suisses dans le monde consacre une exposition à la Garde pontificale qui assure la sécurité du Saint-Père depuis cinq siècles.
L’occasion de découvrir certains aspects aussi mystérieux que fascinants de la mission de ces locataires du Vatican.
Les Gardes suisses forment l’armée la plus petite, la plus ancienne, la plus admirée, la plus pittoresque et, en quelque sorte, la plus mystérieuse de la planète.
Très appréciés à l’étranger et dans la Péninsule en particulier – où ces hommes sont considérés comme de véritables icônes du Vatican – les membres de la Garde ne suscitent cependant pas un intérêt particulier dans leur propre pays d’origine.
Un morceau d’histoire vivante
«En Suisse, on la considère plutôt comme un phénomène folklorique, tout en méconnaissant la véritable mission de ces militaires», explique Nathalie Chavannes, conservatrice du musée des Suisses dans le monde, à Genève-Pregny.
«Pourtant, ajoute-t-elle, il s’agit d’un véritable morceau d’histoire vivante, en ce sens qu’elle constitue l’ultime vestige du mercenariat helvétique. Rappelons que lorsque la Confédération n’était encore qu’un pays très pauvre, cette activité représentait l’unique ressource économique de nombreux helvètes».
Un demi millénaire
Le musée genevois a voulu consacrer une exposition temporaire à ces prestigieux ambassadeurs de la Suisse à l’étranger, qui fêtent cette année les cinq siècles d’existence de leur armée.
Dans l’entrée principale de l’édifice d’exposition repose une ancienne carte de Rome qui permet de se faire une idée du parcours des premiers Gardes, lors de leur arrivée dans la Cité éternelle, par la Porta del Popolo. C’était le 22 janvier 1506.
C’est ainsi qu’a débuté cette épopée longue de cinq cent ans. Une histoire illustrée par de rarissimes documents, appartenant à une collection privée, signés par la main des 50 papes qui se sont succédés depuis l’époque du cardinal Giuliano della Rovere, futur Jules II, fondateur de la Garde.
«Les Papes changent, la Garde demeure acriter et fideliter (courage et loyauté», souligne Nathalie Chavannes.
Un prestigieux costume
Dans la seconde salle du musée, divers objets évoquent la vie quotidienne de ces soldats. Le symbole de la reconnaissance papale – l’éclatant uniforme des soldats, avec ses manches bouffantes – figure en bonne place. La légende attribue à Michelangelo Buonarroti le dessin du prestigieux costume. En réalité, l’uniforme actuel des Gardes avait été imaginé en 1914 par le commandant Jules Repond.
«En s’inspirant des fresques de la Renaissance, Jules Repond a voulu donner un lustre et une dignité particuliers aux membres de la Garde et distinguer celle-ci de tous les autres corps militaires au monde», explique Nathalie Chavannes.
Des plumes d’autruche colorées
Quant à la somptueuse cuirasse métallique et aux casques surmontés de plumes d’autruche colorées – qui ne sont portés que pour des cérémonies spéciales – ils témoignent aussi de l’importance de l’apparence pour cette petite armée sui generis.
Un peu plus loin, une vitrine sert d’écrin aux armes de ces soldats. Aux côtés de la traditionnelle hallebarde qui complète l’uniforme, trônent aussi une série d’armes à feu et de fusils d’assaut sophistiqués. Ce sont les même modèles que ceux utilisés par l’armée suisse.
La principale mission des Gardes est de garantir la sécurité du Souverain Pontife. « Les armes à feux sont dissimulées et réparties un peu partout sur le territoire du Vatican », révèle la conservatrice du musée en assurant que «tous les membres de la Garde sont capables de s’en servir en cas de nécessité».
Souvenir inoubliable
Une petite pièce transversale, baignée par une lumière diffuse et aménagée à la manière d’une petite chapelle, évoque la vie spirituelle des soldats.
Le visiteur est invité à s’asseoir sur l’un des bancs installés au pied de la statue du saint patron des Gardes, Saint Martin, et de celui de la Suisse, Saint Nicolas de Flüe. Un arrêt qui permet de visionner les images suggestives d’un film produit par le musée à l’occasion des célébrations du cinq centième anniversaire de la Garde pontificale.
Une grande variété d’objets, que les anciens Gardes ont ramené avec eux en Suisse en souvenir de leur exercice actif, terminent l’exposition.
Parmi ces derniers, se trouvent de nombreuses photographies des soldats en uniforme ou encore durant leurs moments de loisirs.
Il y a aussi des souvenirs de toute sorte, des plus classiques, réservés aux touristes, à la carte postale signée de la main du Saint-Père, sans oublier les précieuses médailles et décorations, remises aux Gardes pendant leur service.
Les mythiques clés de la porte blindée
Quelques objets hétéroclites complètent encore la série, tel ce pavé de la place St Pierre ou les mythiques clés de la porte blindée permettant d’accéder discrètement au quartier réservé aux Suisses.
«Mais, le souvenir le plus précieux qu’un garde conserve en lui, est l’expérience unique vécue au Vatican», ajoute Nathalie Chavannes qui cite une phrase prononcée par les ex-soldats qui l’ont aidée à mettre sur pied cette exposition, en guise de conclusion : «Un membre de la Garde Pontificale suisse le reste pour la fin de ses jours, même lorsqu’il a rendu son uniforme».
swissinfo, Anna Passera à Genève-Pregny
(Traduction de l’italien: Nicole Della Pietra)
«Les Suisses du Pape – 500 ans de Vatican», auprès du musée des Suisses dans le monde à Genève-Pregny. Ouvert jusqu’au 3 décembre 2006.
Avec ses 110 membres, la Garde pontificale suisse forme la plus petite et plus ancienne armée du monde.
Elle a été fondée en 1506 par le pape Jules II, qui voulait assurer sa sécurité personnelle.
Durant le ‘Sac de Rome’, le 6 mai 1527, quelque 147 soldats suisses avaient été tués au cours d’une bataille qui les opposait à 20’000 lansquenets allemands. Les Suisses tentaient de sauver la vie du Pape Clement VII.
C’est notamment en l’honneur de cet acte de bravoure et de fidélité que les papes successifs ont maintenu les services de la Garde pontificale.
De 1453 à 1859, près de deux millions de soldats suisses ont combattu pour le compte de puissances étrangères.
Au cours de cette même période, la Suisse était demeuré un pays très pauvre. Le mercenariat des soldats était alors considéré comme une source de revenu offrant de nombreux avantages commerciaux et douaniers au pays.
L’activité des soldats suisses sous des bannières étrangères a en outre permis à la Confédération d’obtenir la protection de grandes puissances. Elle est aussi à l’origine de la neutralité de l’Etat.
Depuis 1848, la Constitution fédérale interdit le mercenariat. C’est pour cette raison qu’en Suisse, les Gardes du Pape ne sont pas considérés comme une armée mais, davantage comme un corps de police privée.
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