La Garde suisse se met aux fourneaux
En rejoignant la Garde suisse, le jeune cuisinier zurichois David Geisser ne savait pas qu'il s'embarquait aussi dans une aventure culinaire. Il vient pourtant de publier un recueil de recettes compilant les plats préférés du Vatican.
Membre de la Garde suisseLien externe, David Geisser était chargé de protéger le pape. Mais le jeune homme avait aussi une autre mission: dans son temps libre, il devait enquêter sur les plats favoris des membres du haut clergé, afin de les recréer dans la cantine de son unité.
Deux ans plus tard, ces expérimentations culinaires ont donné lieu à un livre intitulé Buon appetitoLien externe, qui contient 60 recettes ainsi que des instructions pas-à-pas pour réaliser chez soi ces mets dignes d’un pape. Pour l’heure, l’ouvrage n’est paru qu’en allemand.
«Au début, j’ai eu de la peine à combiner mes activités militaires – au sein de la Garde suisse – avec un livre de cuisine», glisse son auteur, interrogé par swissinfo.ch. Agé à l’époque de 18 ans, David Geisser avait déjà eu l’occasion de tester la vie d’une star de la cuisine. Un livre de recettes réalisé dans le cadre de son travail de fin d’études lui a valu une renommée à l’échelle nationale. Il est par la suite apparu à la télévision et dans des articles de presse, avant de débuter un apprentissage de cuisinier et de publier un second ouvrage.
C’est ce parcours qui a inspiré Daniel Anrig, le colonel de la Garde suisse derrière ce projet. Pendant que David Geisser affinait les recettes, Erwin Niederberger, un sergent qui sert dans la Garde depuis 15 ans, s’occupait de rédiger le texte.
«Sans nourriture, pas de guerre»
«Tout le monde n’était pas enthousiasmé à l’idée de voir son repas préféré figurer dans un livre, raconte ce dernier. Certains nous ont même demandé pourquoi ils devaient participer.» Mais globalement, les principales «personnalités du Vatican», comme l’évêque Georg Gänswein, le secrétaire personnel du pape émérite Benoît XVI, et le cardinal suisse Kurt Koch, étaient ravis de «tenter quelque chose de neuf» et de partager les secrets de leurs papilles avec le reste du monde.
Le cardinal a choisi un classique de la cuisine helvétique, le «Wiener Schnitzel et ses pommes allumettes». L’évêque a pour sa part opté pour une traditionnelle «Saltimbocca alla Romana» (du veau recouvert de jambon crû et de sauge).
«Ohne Mampf, kein Kampf», écrit le colonel Daniel Anrig dans l’introduction du livre. Cette expression, qui signifie littéralement «Sans nourriture, pas de guerre», sert à faire le lien entre la Garde suisse et le recueil de recettes. L’ouvrage est divisé en plusieurs sections, parmi lesquelles figurent les repas préférés des officiers de la Garde suisse et des personnages importants du Vatican, les plats servis lors des occasions spéciales comme la cérémonie d’investiture du pape ou encore les mets consommés au quotidien par les membres de la Garde.
La cuisine des sœurs polonaises
Ce livre lève aussi un coin de voile sur la vie des hommes qui se cachent derrière les costumes multicolores de la Garde suisse, en détaillant les restaurants qu’ils aiment fréquenter, les aliments qu’ils aiment consommer dans la résidence d’été du pape (même si le souverain pontife a renoncé à l’usage de cette maison de vacances, se lamente l’ouvrage) et les activités auxquelles ils s’adonnent dans leur temps libre (jouer au foot, aller à la plage, apprendre l’italien).
Les 110 gardes vivent dans une caserne au Vatican. Ils se relayent tout au long de la journée pour protéger le pape. Entre ces périodes de service, ils sont nourris par un groupe de sœurs catholiques polonaises.
«Il y a beaucoup de plats italiens, parfois quelques mets influencés par la cuisine polonaise, relate Erwin Niederberger. Il y a toujours de la salade fraiche et des fruits. Le vendredi, on nous sert un repas sans viande, du poisson ou de la pizza. C’est toujours bon.» Une fois par mois, David Geisser, qui est aujourd’hui âgé de 24 ans, prend le relais des sœurs catholiques et cuisine pour toute la Garde suisse.
Cela permet à ses membres de retrouver les saveurs de la maison. Pour les plus jeunes, cette vie en communauté représente souvent leur première expérience hors du foyer familial. La promesse d’un rösti ne manque pas de les enthousiasmer.
Les biscuits du pape
Grâce à ces petites pépites d’information, Erwin Niederberger souhaite piquer la curiosité des lecteurs qui ne s’intéressent pas normalement à l’église catholique. «J’espère que ce livre permettra de faire découvrir un petit peu la Garde suisse et notre histoire aux amateurs de bonne chair, même ceux qui ne se passionnent pas pour le pape et la religion, dit-il. Si nous y parvenons, ce serait merveilleux.»
Recette du dulce de leche
2.5 litres de lait
1kg de sucre
¼ de cuillère à soupe de levure
½ gousse de vanille
3 cuillères à soupe de cognac
Faire bouillir le lait et le sucre dans une casserole jusqu’à ce que le sucre soit complètement dissous. Égoutter la masse à travers une étamine et puis la remettre dans la casserole. Faire cuire le mélange durant environ une heure, en remuant fréquemment avec une cuillère en bois et en veillant à ce que le mélange ne déborde pas.
Après environ une heure, le mélange sera devenu beaucoup plus foncé, et aura pris une texture sirupeuse. Découper la gousse de vanille dans sa longueur, puis ajouter la pulpe et la gousse au mélange, ainsi que la levure et le cognac. Réduire le feu tout en remuant régulièrement le mélange, jusqu’à ce qu’il atteigne la consistance désirée. Retirer la gousse de vanille.
Placer le mélange dans un pot en verre et laisser refroidir à température ambiante. Il devrait s’épaissir légèrement jusqu’à l’obtention d’une consistance ressemblant à du miel. Remuer avant de servir.
Là où l’ouvrage se permet de romancer en partie les faits, c’est lorsqu’il détaille les menus favoris des deux papes précédents et de l’actuel. «Nous n’avons pas demandé au pape: ‘Quel est votre plat préféré», mais nous sommes en sa compagnie tous les jours, nous savons ce qu’il fait, ce qu’il aime», relève Erwin Niederberger. Les pèlerins argentins lui amènent toujours une marque spécifique de biscuits fourrés au ‘dulce de leche’, par exemple – et il aime beaucoup cela.»
Mais les mets attribués aux souverains pontifes sont plutôt des repas «typiques», qui reflètent leur nationalité ou qui contiennent des ingrédients dont ils sont – ou étaient – fameusement amateurs. La recette de Jean-Paul II permet de réaliser un menu polonais en trois plats contenant notamment une roulade de bœuf assortie de chou rouge. Celle de Benoît XVI est un met bavarois contenant une salade de saucisse Regensburger.
Empanadas et bœuf
Contrairement à ses prédécesseurs, qui avaient trois sœurs catholiques à leur service pour leur préparer des repas dans la résidence papale, le pape François mange avec tous les autres résidents et invités du Vatican à la Casa Santa Marta, où il a choisi de vivre.
Si le pape actuel devait se mettre derrière les fourneaux, il cuisinerait des empanadas argentins servis sur un lit de salade de poivrons rouges et jaunes, suivis d’une ‘Colita de Cuadril’ (une pièce de viande issue de la croupe du bœuf) et, bien sûr, d’une dulce de leche, imagine le livre.
Les gastronomes à la recherche de plats plus simples pourront se tourner vers la section du recueil qui traite des plats préférés des saints patrons de la Garde suisse. L’un d’entre eux, St-Nicholas, un ermite suisse qu’on surnomme également frère Klaus, aurait vécu en isolation complète durant 19 ans sans rien manger si ce n’est l’hostie de la Sainte communion. Les auteurs de l’ouvrage ont choisi de refléter son mode de vie frugal au moyen d’une recette basique: une omelette aux herbes.
(Traduction de l’anglais: Julie Zaugg)
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