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La révolte, une affaire de gènes

Nicolas Verdan renvoie dos à dos les Brigades rouges et les criminels du 11 septembre 2001. Keystone Archive

L'esprit rebelle se transmet-il de père en fils? Oui si l'on en croit l'écrivain veveysan Nicolas Verdan qui dans «Chromosome 68» (Editions Campiche) romance trente ans de lutte contre l'ordre établi. De Mai 68 à nos jours.

Injustices, fulgurances du mal, crimes, indifférence, lâcheté, solitude … Le temps passe mais les douleurs du monde ne changent pas. Les fils et filles des jeunes gens de Mai 68 et des années 1970 qui réclamaient un avenir, se cramponnent eux, à la société dont ils ont hérité, prêts à toutes les folies.

Il faut croire que dans la lutte contre l’ordre établi, il y a une filiation. L’histoire des révolutions est une affaire de famille que l’on se passe dans les gènes, semble dire Nicolas Verdan dans «Chromosome 68».

C’est d’ailleurs à Gênes (faut-il y voir un jeu de mots?) que commence le dernier roman de l’écrivain veveysan.

Gênes, donc, 20 juillet 2001. Le G8 y a fait les ravages que l’on connaît avec la mort de Carlo Giuliani, un altermondialiste tué par un carabinier lors des manifestations contre les grands de ce monde réunis alors dans la ville italienne.

L’événement prit, à l’époque, la tournure d’une tragédie tout aussi universelle que celle qui achève le roman de Verdan: l’attaque terroriste contre les tours jumelles à New-York.

30 ans d’histoire

C’est donc entre le 20 juillet 2001 et le 11 septembre 2001 que se situe l’action du roman. A peine deux mois pour dire les changements majeurs opérés dans le monde. Pour placer aussi 30 ans d’histoire révolutionnaire et de combat contre l’impérialisme, la bourgeoisie, les inégalités sociales. Combat commencé en France avec Mai 68, et qui prit un autre visage dans les années 70 en Italie.

Années de plomb qui virent passer le Brigades rouges et leur noria d’actes terroristes. Un de leurs militants, un certain Francesco Malaparte (identité romancée) est de fait au centre de «Chromosome 68». C’est lui le héros (absent) du roman de Verdan, père hier traqué par les autorités italiennes, aujourd’hui par sa propre fille, Laura, qui veut découvrir la vraie face de son géniteur parti sans explications.

Laura est médecin urgentiste dans un hôpital à Gênes. Le soir du 20 juillet elle est donc appelée à soigner Bruno, un altermondialiste français, blessé lors des manifestations. Elle se lie d’amitié avec ce Bruno, quelque peu paumé, qui lui aussi est à la recherche de son père, un émeutier de Mai 68.

«Des projets foireux»

Mais Bruno a aussi d’autres projets en tête. «Des projets foireux» comme le lui reproche Laura: il veut faire payer aux ex-soixante-huitards leur lâcheté, leur démission devant un monde qu’ils entendaient réformer et qu’ils ont laissé en état de friche à leurs enfants.

Que faire de cet héritage encombrant? L’accepter tel qu’il est? Forcément semble répondre Nicolas Verdan pour qui tout désir de changer le monde apparaît comme une illusion. «Il n’y a point d’autre révolution que celle de l’individu isolé dans sa transformation chimique», écrit-il.

Les révolutionnaires assoiffés de justice finissent par devenir bourreaux. C’est comme ça depuis la nuit des temps. On le sait. Nicolas Verdan le sait aussi qui renvoie dos à dos les Brigades rouges et les criminels du 11 septembre 2001.

L’auteur ne condamne ni les uns ni les autres. Il constate tout simplement qu’en 30 ans rien n’a changé sous le ciel du terrorisme. Ou plutôt si: le terrorisme est passé dans le langage de ceux-là mêmes qui le condamnent. Silvio Berlusconi à sa police après la mort de Carlo Giuliani: «Bon travail».

C’est véridique, et c’est à la p.21 du roman de Verdan.

Bon travail Verdan!

swissinfo, Ghania Adamo

* «Chromosome 68», éd. Campiche. De Nicolas Verdan. 147 pages.

Né à Vevey en 1971.

Sa vie se partage entre la Suisse et la Grèce, sa seconde patrie.

Actuellement, il travaille à Lausanne où il pratique le métier de journaliste.

En 2006, il obtient le Prix Bibliomédia Suisse pour son premier roman «Le Rendez-vous de Thessalonique», troublante mise en scène du lent désespoir d’un homme.

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