La Suisse confinée dans «La Cour des Petits»
Le metteur en scène Guy Jutard crée à Genève, dans le cadre du festival de la Bâtie, la pièce de l'auteur genevois Olivier Chiacchiari.
Au service du texte, des marionnettes pour mieux caricaturer les autorités culturelles de ce pays.
Pourquoi les artistes suisses ne sont-ils pas plus connus à l’étranger? A cette question douloureuse et épineuse, l’auteur genevois Olivier Chiacchiari répond par un grand éclat de rire. Sa pièce «La Cour des Petits» s’adresse, en dépit de son titre, aux grands. Son sujet est sérieux.
Mais le sérieux est intentionnellement contrebalancé par le sarcasme de l’auteur et par la mise en scène «grand-guignolesque» de Guy Jutard.
Coucou!
On entre donc dans cette «cour» par la porte d’une horloge à coucou, décoration typique des chalets suisses. C’est qu’on est bien chez nous, dans ce décor signé René Delcourt où l’horloge s’avère être un castelet de marionnettes.
Des marionnettes qui sont ici la caricature d’une invraisemblable galerie de personnages au rang desquels on compte un artiste. Entendez un écrivain qui fait penser à Chiacchiari lui-même.
La pièce tient à la fois de l’autofiction et du pamphlet. Pamphlet qui s’attaque aux institutions culturelles d’un pays, le nôtre, que Chiacchiari appelle le «Petit Pays».
Ce «Petit Pays», l’artiste s’apprête à le quitter, faute d’y être reconnu, quand il apprend qu’il est appelé à participer à un concours international organisé par un «Grand Pays». Il s’y rend donc accompagné de ses autorités de tutelle. A savoir un magistrat en charge du «commerce culturtel» (sic) et son adjoint.
La peur de gagner
Cette situation de base va donner lieu à des rebondissements insolites où Chiacchiari monte à chaque fois d’un cran dans la satire pour dévisager une Suisse défaitiste jusqu’à plus soif, gangrénée par sa peur de gagner et par sa tragique tendance à vouloir rester modeste.
Il y a quelque chose de l’ordre de l’asphyxie dans cette pièce qui a obtenu en 1998 le prix littéraire de la Société genevoise des Ecrivains.
Guy Jutard, qui la met donc en scène dans le cadre du Festival de la Bâtie, peuple cette «cour» de marionnettes. Eh oui! les personnages sont des poupées manipulées par cinq acteurs. Des poupées tronquées. Ce sont des têtes privées de leurs corps, avec juste un cou fin et court.
Leur apparence oscille entre guignols de l’info, façon Canal+ , et personnages de Walt Disney. Et chose aussi juste que drôle: les comédiens qui les manipulent les tiennent par le cou, serrant toujours un peu plus fort ces têtes fragiles. On aurait dit qu’entre leurs mains tous ces personnages du Petit Pays étouffent allègrement.
swissinfo, Ghania Adamo
«La Cour des Petits», à voir à Genève, Théâtre des Marionnettes.
Spectacle présenté dans le cadre du festival de la Bâtie, jusqu’au 6 septembre.
Texte: Olivier Chiacchiari
Mise en scène: Guy Jutard
Scénographie: René Delcourt
Costumes: Verena Dubach
Marionnettes: Christophe Kiss
Avec: Fanny Brunet, Didier Carrier, David Gobet, David Marchetto, Barbara Tobola.
Il est né à Genève en 1969 de parents italiens. Après des études de graphisme, il suit des cours de théâtre, qui le conduisent à l’écriture dramatique.
Depuis, il n’a cessé d’écrire pour le théâtre, la radio, le cinéma et la télévision.
À ce jour, il est l’auteur de onze pièces de théâtre, dont plusieurs ont été créées sur des scènes romandes.
«Le Livre des machines» ainsi que «Nous le sommes tous» sont édités à L’Âge d’Homme(collection Théâtre Suisse). «La Cour des petits» et «Sale histoire» sont parus aux Éditions Zoé.
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