La Suisse de l’Ovomaltine et des Sugus… mais encore?
On reste sur sa faim avec «Le silence des abeilles» de Daniel de Roulet. Paru aux éditions Buchet-Chastel (Paris), le nouveau roman de l'écrivain genevois reflète un panorama connu et multiplie les idées reçues sur ce pays.
Une écriture et une pensée qui empruntent volontiers des raccourcis. Ça va vite, très vite dans «Le Silence des abeilles», nouveau roman de Daniel de Roulet qui procède par déductions hâtives, par généralités aussi. Qui frôle le schématisme, cerne la Suisse en quelques stéréotypes et observe une certaine jeunesse helvétique dont la beauté est inversement proportionnelle à la magnificence de nos sites alpins captés par l’auteur.
«Glorieux panorama de montagnes», faste et majesté de Davos où se déroule, sur fond de Forum, une bonne partie de l’action, richesse reluisante de Zurich, cours redoutable de l’Aar… La Suisse n’étonnera ici personne tant elle se reflète dans des paysages convenus et des idées reçues.
«La Suisse a du bon miel, du bon chocolat, de bons médicaments, du Cénovis, de l’Ovosport, de l’Isostar, des biscuits militaires, des zwiebacks, des barres pour grimper, des Sugus, des tracteurs Aebi, Globi… ». Mais la Suisse n’a pas d’âme dans ce roman. Ou si elle en a une, elle se fige dans des crispations identitaires.
Echapper à son être
«Ce pays, bordel de miel, n’est pas en vente!», pense Sid, héros du «Silence des abeilles». Ce pays n’appartient pas «seulement aux étrangers qui achètent leur repos dans ces montagnes». «Ce pays est aussi à Sid Schweitzer», insiste le héros dans son for intérieur, avant de se rêver abeille. Que sera-t-il donc ce soir? «Nettoyeuse, nourrice, réceptionniste de nectar, bâtisseuse de cellules, gardienne du trou de vol (…) ? Il se réjouit de n’importe quel rôle».
Il donnerait même tout pour échapper à son être, ou plutôt à son mal être, lui qui porte ce nom si peu suisse, Siddhârta, voilé par un diminutif guère plus flamboyant: Sid. Ça sonne arabe, mais c’est mieux que Sida, comme l’appelaient jadis ses camarades de classe.
Jadis, c’était du temps où Sid vivait sous la protection de sa grand-mère Suzie. Né à Berne, de parents suisses, soixante-huitards paumés, il a été très tôt abandonné par ses géniteurs. La révolte de la jeunesse zurichoise accompagne sa venue au monde, au début des années 1980.
Une naissance sur fond de rébellion, donc, qui ne présage pas un destin radieux. L’enfance et l’adolescence de Sid, vues sous le prisme des événements nationaux et mondiaux (guerre Iran-Irak, chute du communisme, refus suisse de l’adhésion à l’Europe, fonds juifs en déshérence…), achèvent un tableau agité de la vie d’un jeune homme qui peine à trouver sa place chez lui et dans le monde.
Unhappy apiculteur
Après avoir suivi quelques cours aux Beaux Arts, Sid quitte donc la Suisse pour les Etats-Unis où il apprend le métier d’apiculteur. Mais l’Amérique ne réussit pas à ce garçon qui exploite mal son ambition et finit par rentrer au pays pour y rejoindre un groupe néonazi au sein duquel il trouve une réponse à sa névrose patriotique.
Il faudra attendre la fin pour que la réconciliation avec soi et la vie arrive. Elle arrivera par la grâce d’une jeune fille. Mais entre temps, Daniel de Roulet aura coincé la personnalité de son héros dans des allers-retours frénétiques entre vie privée et faits historiques, sans véritable point de vue. Sans transposition poétique non plus, surtout si l’on pense que Siddhârta renvoie au roman éponyme de Hermann Hesse. Lequel mettait en scène le parcours initiatique d’un jeune brahmane dans une Inde éprise de spiritualité.
On cherchera longuement la spiritualité chez le héros de Daniel de Roulet.
Ghania Adamo, swissinfo.ch
«Le silence des abeilles», de Daniel de Roulet.
Editions Buchet-Chastel, Paris.
230 pages.
Romancier suisse, né à Genève en 1944.
Après avoir passé sa jeunesse à Saint-Imier, dans le canton de Berne, il suit une formation d’architecte.
Il s’établit d’abord comme informaticien avant de se tourner vers l’écriture en 1997 et d’en faire son métier.
A son actif, de nombreux ouvrages dont «Kamikaze Mozart», «Double», «Un dimanche à la montagne», «L’homme qui tombe», pour ne citer que les dernières parutions.
Il est également traducteurs d’œuvres littéraires, parues notamment en allemand et en anglais.
Pendant son temps de loisirs, il court les marathons.
Il vit en France, à Frasne-les-Meulières.
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