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Lausanne, un classique de la danse

Une candidate du Prix de Lausanne 2002 se prépare dans les loges du Palais de Beaulieu. Keystone Archive

Lausanne est depuis longtemps une ville privilégiée par les danseurs. Qu'ils s'y installent comme Béjart ou y trouvent temporairement refuge.

Au moment où le Prix de Lausanne accueille des espoirs du monde entier, retour sur cette tradition.

Demandez à n’importe quel amateur de danse, même occasionnel, s’il connaît Lausanne. Il est fort probable qu’il va acquiescer. Et cela même si cette ville – avec ses 120’000 habitants – n’a rien d’une métropole.

Il n’empêche. Immanquablement, une association d’idées s’imposera à lui…Maurice Béjart et le Prix de Lausanne. Un classique!

Justement, le Prix vit d’ailleurs jusqu’au 2 février sa 31e édition. Et voilà bientôt quinze ans que Maurice Béjart y a installé son Ballet.

De Diaghilev à Nijinski

Mais bien avant le chorégraphe français, d’autres illustres danseurs sont passés par la ville surplombant le Lac Léman, principalement pendant les deux guerres mondiales.

«C’était souvent un exil pour eux mais aussi un refuge, explique Jean-Pierre Pastori. Il faut dire que la région a de tout temps été prisée par nombre d’artistes.»

«Certains y ont uniquement transité, d’autres, l’âge venant, y ont posé leurs bagages, ajoute cet historien de la danse. Comme l’a fait Béjart».

En 1915, Serges Diaghilev y reconstitue ses Ballets russes, éparpillés par la guerre, avant de s’embarquer pour New York.

La même année, Isadora Duncan est de passage à Lausanne. En 1917, le grand Vaslav Nijinski vient y chercher sa fille en pension. Il s’installera ensuite dans les Grisons.

Toujours à la même époque, le peintre, danseur et chorégraphe russe Alexandre Sakharoff s’installe dans la cité lémanique. Mais il va assez rapidement rejoindre Zurich, en pleine effervescence dadaïste.

Un conflit mondial plus tard, ce sont les futurs fondateurs des Grands ballets canadiens, la soliste Ludmilla Gorny et le décorateur Alexis Chiareff, qui se réfugient à Lausanne où ils vont d’ailleurs se rencontrer.

Sans parler de Serge Lifar, ancien directeur de l’opéra de Paris, qui va y finir sa vie en 1986. Bien avant de s’installer définitivement en Suisse, il entretenait des contacts étroits avec une Académie de danse de la capitale vaudoise.

Explosion de la danse contemporaine

Mais c’est surtout depuis la moitié des années 70 que la danse a réellement explosé à Lausanne.

On doit cette émulation chorégraphique, en grande partie, aux incontournables Elvire et Philippe Braunschweig.

Ce sont eux qui en 1973 vont lancer Prix de Lausanne. Depuis, ce concours international a vu passer la crème de la danse classique sous l’œil aiguisé de jurés recrutés parmi les meilleurs professionnels du milieu.

Le prix a même été délocalisé trois fois, à New York (1985), Tokyo (1989) et Moscou (1995). Plusieurs télévisions, en Suisse et au Japon notamment, le retransmettent. Cela explique l’importance de l’audience à la danse.

Des «locomotives culturelles»

L’activité déployée par Marie-Claude Jéquier, dès sa nomination en 1987 à la tête de la Culture lausannoise, a ensuite contribué à accroître le rayonnement de la ville, en quête de «locomotives culturelles».

Elle a en effet tout de suite inscrit la danse, fort délaissée jusque là, dans ses priorités. Et ça n’a pas traîné.

«C’était un jour de mai 1987. Paul-René Martin, l’ancien maire, m’appelle dans son bureau, se souvient-elle. Philippe Braunsweig y était. Il nous a annoncé que Maurice Béjart allait quitter Bruxelles et qu’il était intéressé à venir ici.»

Elle pose d’emblée deux conditions à sa venue en explicitant clairement sa position: «nous ne voulions pas d’une star capricieuse. La danse locale ne devait pas en faire les frais.»

L’humilité, la gentillesse et la clarté des exigences du chorégraphe les ont tout de suite conquis. A la fin de l’année, Béjart installait son ballet à Lausanne. Et tous les projecteurs se sont tournés subitement vers la capitale vaudoise.

Depuis, Béjart et son Ballet se sont complètement fondu dans le paysage culturel local et…international. Normalisé en quelque sorte.

Au point que pour certains, l’auteur du «Boléro» ou du «Sacre du printemps» – arrivé à Lausanne en fin de carrière – s’essouffle. Et cela même si ses spectacles continuent à faire salle comble.

Mais Maurice Béjart a une fervente avocate. Marie-Claude Jéquier le défend ardemment: «’Le Presbythère’ est l’une des plus belles pièces qu’il ait montée. On nous la redemande encore.»

Les retombées sur la création locale

En 1992, le chorégraphe réduit la taille de sa troupe et fonde à Lausanne l’école-atelier Rudra, une école de perfectionnement. Qui d’ailleurs accueille très peu de danseurs locaux, faute de formation professionnelle dans la région.

En décembre 2002, il crée en parallèle au Béjart Ballet Lausanne, la Compagnie M, composée de 15 diplômés de Rudra.

Mais quel a réellement été l’apport de Béjart à la danse dans la région? Une chose est sûre, il faut lui laisser le mérite d’avoir offert une reconnaissance publique et politique du métier de danseur. Comme il a contribué à la notoriété de la ville.

Et sur le plan de la création locale? Même si les retombées ne sont pas foudroyantes, il a tout de même essaimé quelques danseurs qui ont ensuite fondé leur propre compagnie.

C’est le cas de la Compagnie Nomades à Vevey, de Linga à l’Octogone de Pully, dans la banlieue de Lausanne ou encore de la Compagnie Buissonnière.

Sans compter les chorégraphes et danseurs qui étaient déjà actifs avant que Béjart n’arrive avec sa troupe à Lausanne, comme Philippe Saire ou Fabienne Berger.

Et depuis, Lausanne a produit plus d’un jeune danseur et chorégraphe qui se sont fait remarquer sur le plan international. Il suffit par exemple de penser à Estelle Héritier ou à Gilles Jobin qui en quatre spectacles a acquis une assise internationale.

swissinfo, Anne Rubin

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