Le chocolat, doux lien entre la Suisse et l’Italie
L'industrie du chocolat en Suisse et en Italie... le Centre culturel suisse de Milan se penche sur ce chapitre peu connu des relations italo-suisses.
Cela grâce à une étonnante exposition, inaugurée cette semaine par Charles-Henri Favrod.
En cette fin d’après-midi de février, à l’heure du «campari soda» et du Martini, apéritifs chers aux Milanais, une foule de gourmands se presse dans la salle d’exposition du Centre Culturel Suisse (CCS), Place Cavour, au cœur de la métropole lombarde.
Pas de doute, le rendez-vous est alléchant. Pour l’œil bien sûr, mais aussi et avant tout pour le palais. Car les visiteurs de la nouvelle exposition du CCS sur l’industrie du chocolat en Suisse et en Italie sont conviés à une dégustation qui précède le vernissage.
Toutes sortes de chocolat (barres, pralinés, etc.) sont offerts aux visiteurs. Chocolat suisse ou italien? Les invités ne se préoccupent guère de la question… jusqu’à ce que Charles-Henri Favrod, fondateur et directeur jusqu’en 1995 du Musée de l’Elysée à Lausanne, prenne la parole.
La parole à Charles-Henri Favrod
Dans son actuelle fonction de vice-président du Musée de la photographie de la Fondation Frères Alinari de Florence, le fringant septuagénaire (il fêtera bientôt ses 79 ans), trace un brillant historique de l’industrie du chocolat en Suisse et en Italie.
Un thème étonnant que celui choisi par le Centre culturel suisse de Milan, sous l’égide de l’Institut suisse de Rome, pour sa nouvelle exposition. Organisée, justement, avec les archives photos – les plus anciennes au monde – des Frères Alinari.
Dans une ambiance qui, dégustation oblige, fleure bon le cacao, entouré de photos et autres illustrations d’antan consacrées au chocolat, Charles-Henri Favrod rappelle, en italien, que «la Suisse et l’Italie ont un destin commun en ce qui concerne le chocolat.»
«Le pionnier en la matière a été le Piémontais Antonio Ari», explique l’ancien directeur du Musée de l’Elysée. En 1678, Antonio Ari avait obtenu de la maison royale, l’autorisation de vendre à Turin «une boisson à base de chocolat». Et Charles-Henri Favrod de rappeler qu’à l’époque, «les fèves de cacao étaient concassées à la main, au moyen d’un rouleau de fer passé sur une pierre».
Cette toute première industrie du chocolat «made in Italy» s’est rapidement heurtée au blocus continental et aux guerres napoléoniennes. Il faut dès lors attendre 1826 pour qu’un jeune Valdôtain, Pierre Paul Caffarel (les chocolats Caffarel sont aujourd’hui encore parmi les plus réputés en Italie), ouvre une fabrique de chocolat à Porto Susa, près de Turin.
Le jeune industriel fut le premier à utiliser des machines lui permettant de raffiner le cacao et de le mélanger avec du sucre et de la vanille.
Premiers contacts italo-suisses
C’est à cette époque que remontent les premiers contacts entre chocolatiers suisses et italiens, grâce à la collaboration qui s’instaura entre Pierre Paul Caffarel et François-Louis Cailler d’une part, et Rudolf Lindt de l’autre.
Au 19ème siècle, Turin devint sans conteste la capitale italienne du chocolat. Charles-Henri Favrod rappelle la création de la marque «Gianduja», créée à l’occasion du Carnaval de 1865 et devenue célèbre à l’Exposition universelle de Paris de 1867.
Les rapports avec la Suisse s’intensifient, en particulier avec les fabriques Suchard de Serrières (NE) et Nestlé de Vevey (VD).
Après Turin, Bologne, Ferrare, Pérouse, Venise, Rome, Naples, Milan et Gênes – principal port d’importation du cacao – découvrent tour à tour le chocolat.
Chocolat importé en Suisse
Le chocolat a été introduit en Europe au 16ème siècle, par les Espagnols à leur retour des Amériques. Curieusement toutefois, comme le remarque Charles-Henri Favrod, en Suisse, où il est synonyme de tradition et de qualité, le chocolat a été importé par les pays limitrophes, en particulier l’Italie et la France, au gré des foires et des marchés locaux.
En fait, c’est après avoir observé deux artisans italiens qui le brassaient à la main que le Vaudois François-Louis Cailler a eu l’idée qui allait amener à une production à très large échelle. En 1819, il ouvre à Corsier, près de Vevey, la première fabrique de chocolat suisse disposant d’outillage mécanique. De Corsier, Cailler se déplacera à Vevey puis à Broc, dans le canton de Fribourg, en 1898.
L’aventure de Philippe Suchard naît dans son village natal de Serrières, aux portes de Neuchâtel, là où jusqu’à la fin des années 80, «la Suchard» a représenté une source de gains pour toute la région, mais aussi un véritable mythe et un but traditionnel des classes en course d’école.
Progression, production et fusions
Après les Romands, les Alémaniques ont eux aussi découvert le chocolat. David Sprüngli ouvre une fabrique à Zurich en 1845, Rudolf Lindt fait de même à Berne en 1879.
Dans son éloge de l’industrie chocolatière, Charles-Henri Favrod n’oublie pas les «plus petits», soit Klaus fondée en 1856 au Locle, puis Tobler, Villars, Maestrani et même, la maison tessinoise Cima-Norma de Dangio, en Léventine, fondée en 1905 et fermée au début des années 80.
«La lente progression de l’industrie du chocolat en Suisse a fait place à une rapide évolution et à une exportation fulgurante. Les petites fabriques familiales du 18ème siècle se sont transformées en sociétés par actions et les fusions se sont multipliées. La production s’est globalisée et les industries suisses se sont implantées à l’étranger en ouvrant des fabriques, des succursales, des dépôts» conclut Charles-Henri Favrod.
swissinfo, Gemma d’Urso à Milan
– L’exposition a été organisée par la société «Fratelli Alinari» de Florence en collaboration avec l’Institut suisse de Rome, le Centre culturel de Milan, la Fondation Pro Helvetia, la Fondation suisse pour la culture et le Consulat général de Suisse à Milan.
– Elle présente plus de 50 photos de la Collection Alinari et des archives des industries chocolatières de Suisse et d’Italie, mais aussi des annonces publicitaires, des affiches et autres cartes postales.
– Le parcours illustre l’histoire de la production du chocolat dans les deux pays, dès la fin du 19ème siècle à nos jours. L’accent est mis sur la collaboration entre les industries helvétiques et italiennes qui a démarré au début du 20ème siècle.
«L’industrie du chocolat en Suisse et en Italie», du 10 février au 25 mars.
A découvrir au Centre culturel suisse (CCS) de Milan, Via Vecchio Politecnico 3, angle Piazza Cavour.
Ouverte du lundi au vendredi de 11 à 17 h et du samedi de 14 à 18h (entrée libre).
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