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Le cliché, éternel complice du cinéma suisse

Dans «La guerre est finie», Mitko Panov revient sur des thèmes qui lui sont chers, comme la guerre et l'exil. solothurnerfilmtage.ch

Au festival de Soleure, tragique et comique alternent pour traiter de la question de l’identité. Mitko Panov a lui choisi de raconter le parcours douloureux d’un réfugié en quête d’intégration dans «La guerre est finie». Quant à Christof Schertenleib, il fait exploser des nains de jardin dans «Zwerge sprengen».

Une guerre peut-elle avoir une fin? Cette question, le réalisateur macédonien Mitko Panov, aujourd’hui établi à La Chaux-de-Fonds, la pose dans son film «La guerre est finie».

Finie, oui, mais… incite à penser la trajectoire de son personnage principal. Car la guerre ne se poursuit-elle pas dans le coeur de ceux qu’elle marque?

Professeur de musique et de danse, Rasim vit avec les siens sur la terre que son père a cultivée jusqu’au jour où la guerre du Kosovo les contraint à s’exiler.

Ils arrivent alors en Suisse, là où son frère Osman possède une entreprise de construction. Travail au noir, problèmes familiaux, le quotidien est sombre et Rasim ouvre alors une école de danse traditionnelle pour tenter de se faire accepter.

Peine perdue. «Personne n’est fier d’être réfugié, mais lorsque j’y pense, je n’ai pas honte de qui je suis», affirme-t-il en ouverture du film, alors que la machine administrative lui a signifié son renvoi et qu’il s’apprête à rentrer chez lui, sur une terre devenue radioactive en raison des combats passés.

Pas un film de guerre

En lice à Soleure à la fois pour le Prix du public et le Prix du festival, le long métrage de Mitko Panov – tourné en partie dans le canton de Neuchâtel – est une réflexion sur la construction de l’identité empreinte d’une grande exigence de vérité. Réflexion que le réalisateur a nourri par plusieurs biais, à commencer par l’utilisation d’images d’archives sur le conflit en Yougoslavie et sur les flots de réfugiés qu’il a engendrés.

Les témoignages ont également été indispensables à son travail lors de l’écriture du scénario. «J’étais en contact permanent avec des gens qui ont vécu ce dont je parle. En tant que réalisateur, une partie de ma tâche est d’être sûr que mon histoire a du sens, que cela pourrait facilement se passer», souligne-t-il.

Enfin, il a également puisé dans son expérience personnelle. Parti de Macédoine avant la guerre pour étudier en Pologne puis aux Etats-Unis, il possède aujourd’hui la nationalité suisse, mais dit comprendre, où qu’il se trouve, «les immigrants, les réfugiés, et plus généralement tous ceux qui vivent dans un endroit où ils ne sont pas nés.»

Son long-métrage, s’il parle de la guerre, n’a donc rien d’un film de guerre. Un genre qu’il n’affectionne d’ailleurs pas. «Je ne trouve rien d’intéressant dans les guerres. Mais je me suis occupé de ce thème car malheureusement, ces dernières décennies, la guerre a été une cause de grande instabilité sociale et économique dans les Balkans. Elle a donc marquée une partie de ma vie.»

Et sa filmographie également. Dans «Camarades» (2000) par exemple, il est parti d’une vieille photo de groupe pour suivre les traces de jeunes hommes ayant servi avec lui dans l’Armée fédérale yougoslave. Son voyage l’a amené en Allemagne, en Angleterre, aux Etats-Unis et en Suisse, où l’un d’entre eux, vivant comme réfugié, avait perdu tout statut professionnel. Un destin qui a, lui aussi, contribué à inspirer «La guerre est finie» à Mitko Panov.

Aigle ou poulet?

«Je vis en Suisse, mais je comprends la mentalité, la culture, la façon d’être de mes ex-compatriotes des Balkans», relève le réalisateur, qui a choisi de donner un sous-titre allégorico-comique à son film: «L’histoire d’un aigle et de sa vie en tant que poulet».

«Il s’agit d’une histoire traditionnelle qui apparaît dans de nombreuses cultures, sous d’autres formes, par exemple celle du lion et de l’agneau. Il faut se garder de juger et de dire ‘celui-ci est poulet et celui-là est aigle’. Nous sommes tous des poulets qui rêvons d’être des aigles. L’histoire comme je la comprends parle des aspirations de l’homme vers l’infini. Elle dit simplement que chacun a des ailes et qu’il faut apprendre à les utiliser», résume-t-il.

D’une tonalité généralement grave, son long métrage laisse aussi une place au comique quand il souligne à gros traits quelques clichés sur le Kosovo ou sur la Suisse. Comme par exemple lorsque la femme de Rasim excuse toutes les bêtises de leurs fils en répétant qu’il est «traumatisé», un mot savant qu’elle a appris dans les brochures d’aide aux réfugiés. Ou comme lorsqu’Osman, en visite dans son village d’origine, se met à tirer en l’air pour, croit-il, imiter les gens du coin, provoquant la réprobation générale.

Faire sauter des nains

Dans un tout autre registre, celui de la comédie familiale en dialecte dont la diffusion à la télévision cloue les ménagères alémaniques de plus de 50 ans à leur fauteuil, «Zwerge sprengen» (faire exploser des nains de jardins), du Bernois Christof Schertenleib est en lice pour le Prix du public. Et là aussi, on joue avec les clichés rouges à croix blanche.

Une fois par année, le clan Schöni se réunit dans la maison familiale, en Appenzell, pour ce rituel au cours duquel chacun a le droit de prononcer un vœu. En filigrane de cette cérémonie apparaissent cependant sur le mode du rebondissement comique les problèmes de chacun des protagonistes, en particulier ceux des deux frères, l’un étant au bord de la ruine, l’autre au bord du divorce.

Aussi éloigné de l’impitoyable règlement de compte familial mis froidement en images dans «Festen» que peut l’être un kitschissime nain de jardin d’un objet design danois, «Zwerge sprengen» n’a donc aucune portée subversive. Mais sa vocation identitaire est par contre assumée jusque dans les multiples plaisanteries sur les différents dialectes alémaniques qui ponctuent le film.

Carole Wälti, Soleure, swissinfo.ch

Les nominations pour le Prix du cinéma suisse ont été rendues publiques mercredi soir à Soleure en présence du nouveau ministre de la Culture Didier Burkhalter.

Les prix – des «Quartz» – seront remis le 6 mars à Lucerne lors d’une cérémonie retransmise par les chaînes nationales.

Pour ce qui est de la fiction, «Giulias verschwinden» de Christoph Schaub part favori puisque nominé dans cinq catégories.

Les autres nominés sont «Cargo», «Coeur animal», «Complices», et «Tannöd».

Les documentaires nominés sont «Die Frau mit den 5 Elefanten», «Rocksteady», «Sounds and silence», «Space tourists», «The sound of Insects».

L’an dernier, c’est «Home» d’Ursula Meier (fiction) et «No more smoke signals» de Fanny Bräuning (documentaire) qui ont remporté le Prix du cinéma suisse.

Mitko Panov est né en ex-Yougoslavie, plus précisément en Macédoine, en 1963.

Il a quitté son pays à l’âge de 19 ans pour aller étudier la direction d’acteur en Pologne. Il a également étudié le cinéma à New York.

Aujourd’hui, Mitko Panov possède la nationalité suisse et sa maison de production Kamera 300 est installée à La Chaux-de-Fonds. Il enseigne par ailleurs aux Etats-Unis.

Son court-métrage «With Raised Hands» (1986), qui raconte l’histoire de la photo d’un petit garçon les mains levées sous le fusil d’un soldat nazi prise dans le ghetto de Varsovie a obtenu la Palme d’Or des courts-métrages à Cannes en 1991.

Les Journées cinématographiques de Soleure se déroulent du 21 au 28 janvier.

Au total, 300 films et documentaires sont projetés.

Cinq documentaires et trois fictions sont en compétition pour le Prix de Soleure.

En outre, 13 films s’affrontent pour le Prix du public.

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