Le Corbusier, côté cœur

Tout comme de célèbre architecte, Jean Winiger soulève les lunettes pour mieux souligner le regard. F. Savoy

On connaît le travail artistique du célèbre architecte suisse, beaucoup moins son univers intime.

Un spectacle, une exposition et un débat, présentés à Lausanne avant Sierre, éclairent cette grande figure.

Tout le monde sait qu’il est le plus célèbre architecte du 20e siècle. Mais tout le monde croit que Le Corbusier est Français. Erreur que même le Web commet. On peut la mettre sur le compte du folklore. Après tout, Le Corbusier est une légende, et en tant que telle sa vie se nourrit de récits fabuleux.

A chacun son Corbusier donc. L’architecte est international. Son empreinte, il l’a gravée dans de nombreuses cités et elle a alimenté l’imaginaire de leurs habitants.

Son effigie sur le billet de 10 francs

Mais l’homme est Helvète, n’en déplaise au Web. La Banque Nationale Suisse (BNS) est là pour le rappeler. Elle a frappé à son effigie le billet de 10 francs. Gros plan sur le visage de l’artiste qui porte en visière ses lunettes comme pour mieux dégager son regard.

Ses yeux, d’une acuité terrifiante, scrutent l’horizon. Que voit-il, Le Corbusier? Sans doute ce que seuls les génies voient et que le commun des mortels essaie, avec plus ou moins de réussite, de comprendre.

Le regard de Jean Winiger

C’est aussi pour tenter de déchiffrer ce regard que Jean Winiger, acteur et auteur fribourgeois, a voulu se mettre dans la peau de l’architecte. A ce dernier, il emprunte, le temps d’un spectacle, sa figure – trait pour trait.

Même pose: la main tient les lunettes sur le front. Que suit-il de son regard, Jean Winiger? Il suit le tourbillon d’une vie. Celle de l’artiste et de l’humaniste que fut Charles-Edouard Jeanneret, dit Le Corbusier.

Et cette vie est illuminée en «Une nuit radieuse», pièce jouée les 16 et 17 décembre à la Grange de Dorigny, à Lausanne, où une exposition, regroupant des oeuvres plastiques du maître, est présentée à partir du 13 courant.

Ce même jour, est également prévu un débat public sur Le Corbusier au Palais de Rumine, à Lausanne toujours.

Le visage intime de l’artiste

Mais revenons à cette «Nuit radieuse». Elle a tenu en éveil, trois ans durant, Jean Winiger. Trois ans à fouiner dans les écrits du créateur pour en extraire un texte de théâtre, conçu essentiellement à partir de la correspondance du Corbusier.

Pourquoi? Parce que c’est à travers cette correspondance (parue il y a deux ans chez l’éditeur zurichois Birkhauser) que se profile le visage intime d’un artiste combatif, fragile, utopiste, mondain, solitaire, amoureux tourmenté… Bref, toutes contradictions qui constituent le terreau d’une existence riche, et qui ont séduit Jean Winiger.

«Ce qui est très beau dans cette correspondance, confie l’acteur, c’est qu’elle ne triche pas sur la nature du Corbusier. Il est un homme sentimentalement blessé. Son épouse, qu’il aime, est folle; elle le fait souffrir. Et sa mère n’apprécie pas ses réalisations. L’artiste connu dans le monde entier est obligé, à 68 ans, de quémander l’adhésion de sa famille à son travail.»

Rencontre entre le maître et le disciple

Mais Le Corbusier n’est pas architecte pour rien. Il sait qu’un «sentiment doit être proportionné comme un bâtiment, précise le comédien. Il va donc accorder son univers intérieur à l’état du monde».

Mieux, il redonnera espoir à un disciple désabusé venu le retrouver un jour à Chandigarh, cette ville du Pendjab dont il a conçu les bâtiments officiels, à la demande de Nehru.

C’est donc la rencontre entre le maître (Jean Winiger) et le disciple (Philippe Thonney) qu’«Une nuit radieuse» éclaire. Le premier apprenant au second à se réconcilier avec la vie.

swissinfo, Ghania Adamo

Faits

La pièce «Une nuit radieuse» se joue à la Grange de Dorigny, Lausanne, les 16 et 17 décembre.
Elle est jouée à Sierre (Valais) Halle de Sierre, les18 et 19 février 2005.
La Grange de Dorigny à Lausanne accueille l’exposition «Connaître Le Corbusier» du 13 au 17 décembre.