Le design suisse se porte comme un charme
Le Mudac de Lausanne présente les lauréats 2011 du Prix fédéral ainsi que du Grand Prix Design dans des domaines aussi variés que la mode, la photo, le design industriel ou la scénographie. Un état des lieux réjouissant et dans l'air du temps.
«Cette année, je suis très content de la qualité du résultat, réparti de manière assez équilibrée entre tous les domaines. Ce qui démontre qu’il y a en général une progression positive, liée aussi à la qualité de l’enseignement du design en Suisse.» Patrick Reymond, président de la commission fédérale pour le design, ne cache pas sa satisfaction.
L’Office fédéral de la culture a octroyé 24 Prix fédéraux aux «espoirs» du design présentés au Musée de design et d’arts appliqués contemporains (Mudac) de Lausanne: design graphique (5 projets), mode (5), textile (1), photographie (6), produits (2), céramique (1) et scénographie (3). Un lauréat a été primé pour la première fois pour un travail de médiation dans le domaine du design.
Le Mudac expose également cette année les 4 Grand Prix Design attribués à des designers accomplis.
A la fois concepteurs et exécutants
Selon Patrick Reymond, beaucoup de projets montrent que le designer n’est pas un simple concepteur d’idées. «Ces travaux s’inscrivent aussi dans une réalité économique en relation avec des entreprises qui bénéficient d’un grand savoir-faire.»
Ainsi, les meubles du collectif A.C.E., dont l’un des membres est ébéniste. Ou le couteau suisse revu par Thilo Alex Brunner et doté de lames, plutôt d’outils dirons-nous, destinées aux grimpeurs. Wenger, l’un des deux grands fabricants suisses, a joué le jeu à la perfection.
Déjà primés précédemment pour leurs produits, Adrien Rovero et Moritz Schmid passent, eux, de l’objet à l’espace avec une grande facilité et reviennent avec des scénographies qui mettent en valeur le travail des autres.
Une importante plate-forme
Claire Favre Maxwell, commissaire de l’exposition, est à chaque fois curieuse de découvrir à la fois les travaux et les arguments du jury. «Je trouve intéressant que les lauréats soient encouragés à se représenter jusqu’à trois fois, ce qui permet de suivre leur évolution et leur carrière.»
Et puis l’exposition est une bonne affaire. Le prix lui-même représente 25’000 francs, soit en liquide, soit sous forme de séjour dans un des ateliers de la Confédération à New-York ou Paris ou de stage dans une grande entreprise.
«Mais l’exposition est également une importante plate-forme qui permet aux lauréats de faire connaître leur travail», ajoute Claire Favre Maxwell. D’autant que les lauréats ont souvent l’occasion d’être présentés à l’étranger, parallèlement aux activités de la diplomatie helvétiques.
Belle place à la photo
Dans le domaine particulier de la photo, on retient une série pleine d’humour de Lavanchy / Marguet pour une pièce traitant de l’obésité montée par le Théâtre de l’Arsenic à Lausanne. Des photos dans le genre nature morte à l’ancienne, avec des piles de vaisselles, des récipients et fruits ventrus ou… deux chaises de bistrot collées de manière à former un seul large siège, etc.
Mais surtout les tirages grand format de Sahel – The Dynamics of Dust, documentaire très impressionnant de Philippe Dudouit, 34 ans, sur la bande saharo-sahélienne.
«C’est un projet à long terme que j’ai commencé en 2008 par un sujet auprès des rebelles touareg dans le nord du Mali et du Niger, explique le Lausannois. Je veux montrer la radicalité et la rapidité des changements dans cette partie du monde, ignorée par bon nombre de gens. C’est une thématique de basse intensité dont les gouvernement se désintéressent totalement.
On relèvera aussi la présence d’Ernst Scheidegger, doyen du Grand Prix Designl à 87 ans. Photographe, scénographe, graphiste, éditeur, auteur de revues et de catalogues, iconographe pour la Neue Zürcher Zeitung pendant des années. Il a connu et photographié beaucoup d’artistes des 20e et 21e siècles et sa photo la plus célèbre est le portrait de Giacometti illustrant le billet de 100 francs.
Célèbres inconnus de la mode
Logiquement, la mode occupe une place importante dans cette cuvée 2011. «Le public ignore que des Suisses tissent des liens directs et indirects avec de grandes marques. Le jury a par exemple distingué pour la deuxième fois Stéphanie Baechler, qui travaille pour le St-Gallois Jakob Schlaepfer, dont les textiles se retrouvent chez Vuitton, Lanvin ou Dries Van Noten», relève encore Patrick Reymond.
D’autre part, Walter Steiger, 69 ans, s’est vu attribuer un Grand Prix pour l’ensemble de sa carrière, commencée comme cordonnier à Genève. En 1974, il a ouvert sa première boutique de chaussures à Paris, où il collabore avec des designers comme Lagerfeld et Claude Montana et des marques comme Chloé, Kenzo et Alaïa.
On peut admirer au Mudac une partie de sa dernière collection aux talons parfois vertigineux, qui prolongent l’arrondi du talon du pied et donnent des positions corporelles aériennes.
Les PRIX FEDERAUX ont été créés en 1918 par la Confédération pour encourager les jeunes créateurs jusqu’à 40 ans.
Depuis 2002, ils sont exposés chaque année, alternativement au Museum für Gestaltung de Zurich ou au Musée de design et d’arts appliqués contemporains (Mudac) de Lausanne.
2011: A-C-E, Joy Ahoulou, Eric Andersen, Caroline Andrin, Astrom/Zimmer, Stéphanie Baechler, Ludovic Balland, Romance Berberat, Thilo Alex Brunner, Olga Cafiero, Philippe Dudouit, Leo Fabrizio, Roland Früh, Krebs / Onorato, Lavanchy / Marguet, Mariel Manuel, Maximage, Laend Phuengkit, Camie Rebord, Rokfor, Adrien Rovero, Moritz Schmid, Nick Widmer, Zimmermann & de Perrot.
Les GRAND PRIX DESIGN ont été créés en 2007 pour récompenser une carrière accomplie.
2011: Jörg Boner (designer industriel), NORM – Dimitri Bruni et Manuel Krebs (graphisme),
Ernst Scheidegger (photographie), Walter Steiger (stylisme de mode).
Les Prix de design de la Confédération suisse 2011 sont exposés à Lausanne, du 19 octobre 2011 au 12 février 2012. Pour la première fois, les Grand Prix Design sont exposés avec les Prix fédéraux.
Scénographie: Stéphane Barbier Bouvet.
Catalogue 2011 en anglais, allemand et français signé Jonathan Hares et Guillaume Chuard (Lausanne) co-édité par Birkhauser Verlag et l’Office fédéral de la culture. 208 pages. Prix: 5 francs en «soft cover» et 39 en version «hard cover».
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