Le Monte San Giorgio, un bout d’Afrique au Tessin
Reconnaissable à sa forme pyramidale, cette montagne qui affiche 300 millions d'années est située sur la rive sud du lac de Lugano. Elle a été inscrite au patrimoine mondial de l'humanité en 2003.
Le Monte San Giorgio est l’un des sites les plus important du monde pour l’étude de la vie marine. Offrant une fenêtre temporelle de 15 millions d’années avec une continuité inégalée, il sert aussi pour l’étude des fossiles de faune terrestre au Trias (il y a 245 à 230 millions d’années).
Rien d’étonnant donc à ce que ce soit un géologue, Markus Felber, qui ait eu l’idée de soumettre la candidature du Monte San Giorgio à l’Unesco. Ayant élaboré le dossier quasiment à lui tout seul, pendant ses loisirs, il a vu ses efforts récompensés en 2003.
En signe de reconnaissance, son nom a été donné au fossile d’une espèce de poisson – Felberia excelsa – découvert par deux chercheurs italiens et conservé au Musée cantonal d’histoire naturelle de Lugano.
«La reconnaissance de l’Unesco n’est pas seulement prestigieuse, mais elle implique aussi des responsabilités scientifiques bien précises, à commencer par la garantie de poursuivre les recherches», indique Filippo Rampazzi, directeur du musée.
Quand le mont était lagune
Car le Monte San Giorgio n’en finit pas de surprendre les chercheurs. Ils estiment ainsi que ses roches les plus anciennes proviennent du continent africain ou d’une des portions de la plaque adriatique.
«Ce qui explique pourquoi les roches du Sottoceneri sont associées au continent africain», explique Markus Felber. «Plus on creuse et plus on trouve de nouveaux indices permettant de reconstruire les conditions climatiques qui régnaient à cette époque reculée, quand le San Giorgio était encore un lagon tropical», poursuit Filippo Rampazzi.
La présence de vestiges paléontologiques exceptionnellement complets et parfaitement bien conservés a d’ailleurs joué un rôle déterminant de l’inscription du Monte San Giorgio au Patrimoine mondial de l’humanité.
Sur cette surface protégée de 849 hectares, on a en effet trouvé plus de 10’000 exemplaires de fossiles, dont 30 espèces de reptiles et 80 de poissons. Ceci en plus de 150 ans de recherches conduites par les instituts paléontologiques des Universités de Zurich et de Milan.
Aujourd’hui, la plus grande partie des trouvailles exhumées lors des fouilles qui ont commencé en 1924 se trouvent au Musée paléontologique de Zurich. Le reste est exposé au musée de Meride.
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Patrimoine mondial
Valoriser les traces du passé
Avis aux amateurs de marche à pied, le Monte San Giorgio, avec sa vue et ses trésors enfouis, sont accessibles à pied de Riva San Vitale, au bord du lac de Ceresio. L’ascension, plutôt raide, est réservée aux plus entraînés.
La montée vers le village de Meride est par contre à la portée de tous grâce à un sentier muletier qui rappelle un peu l’épine dorsale d’un animal préhistorique. Et c’est justement dans cette commune de 300 habitants qu’a ouvert le Musée des fossiles dans les années 1970.
Un musée? C’est peut-être beaucoup dire. «Petit mais intéressant», ont ainsi écrit des visiteurs sur le livre d’or, au milieu de dinosaures dessinés par des enfants. «Difficile d’accès», indique une autre annotation d’un couple hollandais.
Aujourd’hui, les dernières découvertes paléontologiques sont présentées dans un document en allemand et en italien. Mais la réalisation d’un nouveau musée – qui devrait attirer chaque année quelque 6500 visiteurs, est au programme. Les travaux seront confiés au célèbre architecte tessinois Mario Botta.
Du marbre d’Arzo à Venise
Pour promouvoir le site sous toutes ses formes, une Fondation Monte San Giorgio a récemment été mise sur pied. L’Association de producteurs de vin du Monte San Giorgio a vu le jour dans son sillage, avec pour objectif de créer un marché pour les productions provenant d’un lieu inscrit au patrimoine mondial.
Sur place, la signalisation a par ailleurs pu être améliorée. Les huit itinéraires créés sur la montagne sont maintenant dotés d’un système de parcours très moderne. «Pour éviter une débauche de papiers, souligne Markus Felber, nous avons investi dans un système de lecture de mp3 et de CD.»
Entre autres trésors, la montagne recèle une grande variétés de roches, laquelle a nourri une longue tradition du travail de la pierre. Même si, aujourd’hui, l’extraction se limite à deux carrières (Arzo et Saltrio), il fut un temps où il existait des dizaines de carrières à ciel ouvert ou souterraines.
Quant au marbre d’Arzo, célèbre dans toute l’Europe pour ses coloris naturels, il offre de grandes possibilités aux sculpteurs et architectes. Il a bien sûr servi pour construire des palais et des églises au Tessin, en Lombardie et dans le Piémont, mais on en trouve aussi à Venise, Gênes, Rome et jusqu’à Naples.
Françoise Gehring, Monte San Giorgio, swissinfo.ch
(Traduction de l’italien: Isabelle Eichenberger)
Patrimoine culturel
– Vieille ville de Berne (1983),
– Couvent de Saint-Gall (1983),
– Couvent bénédictin St-Jean-des-Soeurs à Müstair (1983),
– Châteaux de Bellinzone (2000),
– Vignoble en terrasse du Lavaux (2007),
– Chemins de fer rhétiques du col de l’Albula et de la Bernina (2008).
– Cités horlogères La Chaux-de-Fonds et Le Locle (2009).
Patrimoine naturel
– Région du glacier Jungfrau-Aletsch-Bietschhorn (2001),
– Monte San Giorgio (2003),
– Haut lieu tectonique suisse Sardona (2008).
«Le site est le meilleur témoin de la vie marine au Trias et présente également d’importants vestiges de la vie terrestre.»
«Il a produit des fossiles divers et nombreux, beaucoup d’entre eux étant exceptionnellement complets et parfaitement bien conservés.»
«L’étude du site et la gestion disciplinée de la ressource ont créé une collection bien documentée et cataloguée de spécimens de qualité exceptionnelle.»
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