Le mudac expose l’animalité
Les animaux sont les vedettes de la nouvelle exposition du mudac de Lausanne. Près de 400 objets et installations ont été rassemblés pour «Bêtes de Style».
Du surinvestissement affectif à l’exploitation indutrielle, notre rapport aux animaux inspire plus que jamais les artistes contemporains.
Un homme embrassant un chien à pleine bouche. Trois chimpanzés réunis autour d’une table nappée de blanc. Un trophée animalier maquillé et portant perruque… En proposant des œuvres qui mettent en scène l’animalité, c’est au questionnement de l’homme sur lui-même que renvoie le Musée de design et d’arts appliqués contemporains (mudac) de Lausanne.
Avec «Bêtes de style», à voir jusqu’au 11 février 2007, le musée lausannois s’arrête sur nos « amis » les animaux. Alors même qu’ils font constamment la une des journaux – muselés chez nous ou dans des brasiers d’où dépassent des pattes en Angleterre et en Asie -, le rapport qui nous lie à eux est pourtant rarement interrogé.
Sauf par les musées justement. En 2004, le Musée d’histoire des sciences à Genève avait questionné le lien « dénaturé » entre homme et animal. En art contemporain, la Centrale électrique de Bruxelles a proposé tout récemment l’exposition «Zoo», qui traitait de l’animal dans l’art d’aujourd’hui.
Affection et cruauté
«Les gens qui travaillent dans le domaine sentent des tendances, d’où la multiplication des expositions sur ce thème», souligne Magali Moulinier, co-commissaire pour «Bêtes de Style» et collaboratrice régulière du mudac. C’est en fait la directrice du musée lausannois, Chantal Prod’Hom, qui a eu l’idée de cette exposition il y a près de deux ans, «agacée» qu’elle était par l’ampleur prise par le phénomène du « pet’s design ».
Une partie de l’exposition – conçue en sept sections rassemblant plus de 400 oeuvres – est ainsi consacrée à la panoplie d’objets qui servent à bichonner les animaux de compagnie. Outre les gamelles design et les jouets aromatisés, les produits cosmétiques et les manteaux chics témoignent de l’art déployé par le commerce pour exploiter la relation sentimentale qui nous lie à eux.
Revers de la médaille, l’exploitation des animaux se trouve bien sûr traitée. De la domestication à la manipulation technologique, aucune vicissitude ne leur est épargnée en tant que fidèles compagnons de notre marche vers le progrès. Ainsi le porcelet avec lequel l’Italien Elio Caccavale se met en scène fonctionne-t-il comme une banque génétique utilisable en tout temps à des fins de xéno-transplantation.
Quant au motif récurrent du point de vue de l’animal, il inspire les vidéastes, qui détournent les moyens techniques pour donner l’impression d’une vision empathique. Découvrir Venise inondée au ras du sol devient par exemple possible grâce à des caméras miniatures attachées sur le corps d’un chien terrier.
Induire un doute éthique
«Il y a un jeu de miroir entre les sections, comme entre l’homme et l’animal», explique Magali Moulinier, précisant que cette exposition, pourtant l’une des plus ambitieuses du mudac au niveau des objets rassemblés, ne se prétend pas exhaustive.
Au total, près d’une centaine de créateurs issus du monde entier sont représentés par une ou plusieurs de leurs oeuvres, bien qu’aucun d’entre eux ne se considère à proprement parler comme un artiste animalier.
De l’Allemand Thomas Grünfeld, qui naturalise des animaux composites mélangeant par exemple pélican, kangourou et cheval, au Russe Oleg Kulik, connu pour ses performances des années 90 au cours desquelles il se métamorphosait en chien et allait jusqu’à mordre les mollets des spectateurs, tous se tournent vers le monde animal pour mieux parler de l’humain.
« Contrairement aux apparences, je ne suis pas un « artiste animalier » et mon travail parle plus de la nature humaine que de la nature en soi», écrit à ce propos Pascal Bernier, dont les créations sur le thème du trophée et de la mort visent à induire un «doute éthique» chez le spectateur.
Une fonction d’alerte
«L’animal est un alter ego problématique avec lequel on vit depuis qu’on est sur terre», relève Chantal Prod’Hom, qui se défend toutefois de toute intention moralisatrice. «Nous n’avons pas fonctionné avec des à priori, mais nous avons essayé de faire un constat et nous avons été en quelque sorte rattrapées par la production très abondante sur ce sujet ces dernières années.»
Loin des performances trash d’artistes tels que Damien Hirst ou Ana Mendieta qui n’hésitaient pas à utiliser du sang ou des cadavres d’animaux, «Bêtes de Style» propose donc une approche qui privilégie l’implicite.
«Les artistes contemporains ne passent pas par la démonstration violente», relève Magali Moulinier, «ces images-là, on les voit trop. En créant des concepts structurés, ils utilisent plutôt l’ironie ou la démonstration par l’absurde et arrivent à alerter de manière tout aussi efficace sur certains risques de dérive».
swissinfo, Carole Wälti
Le terme « animal » vient du latin « anima », soit « souffle, vie ».
L’Antiquité considère que les hommes et les animaux sont habités par le même principe de vie.
Au XIXe siècle, Darwin montre que l’homme est issu de l’animal. Sa supériorité est pourtant sauve: l’homme n’a-t-il pas développé le langage?
L’art transgénique fait appel au génie génétique pour transférer soit des gènes synthétiques à un organisme, soit du matériel génétique naturel entre espèces. Son but est de créer des hybrides vivants uniques.
L’artiste brésilien Eduardo Kac est le principal théoricien et représentant de l’art transgénique.
Sa première œuvre est « Alba », une lapine vert fluorescent génétiquement « croisée » avec une méduse. La paternité de ce projet a cependant été contestée.
Suite a la médiatisation de ce phénomène des poissons phosporescents produits selon le même principe ont été mis sur le marché sous la marque Glofish.
Parallèlement à «Bêtes de Style», le mudac expose «Les plus beaux livres suisses 2005».
Cette année, 32 titres ont été primés sur les 404 ouvrages inscrits au concours organisé par l’Office fédéral de la culture (OFC).
Le jury était placé sous la présidence du graphiste lausannois François Rappo.
Les livres primés – parmi lesquels on trouve notamment l’annuaire statistique de la Ville de Zurich ou un reportage photographique sur le WEF – le sont pour leur forme et non leur fond.
Ils sont exposés sur des chaises, qui appartiennent au patrimoine suisse puisqu’il s’agit du modèle bois/acier courant dans les écoles jusque dans les années 60.
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