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Le nouveau souffle du cinéma tunisien

Tiré de Facebook de mon père, de la réalisatrice tunisienne Erige Sehiri. unifrance.org

Cette année, le festival Visions du Réel met un accent particulier sur le cinéma tunisien. Quinze films témoignent du souffle et des incertitudes de la seule révolution démocratique réussie du monde arabe. A voir à Nyon dès le 25 avril.

«On ne baisse pas les bras parce qu’on est jeunes. On a réussi notre révolution et maintenant on prépare le terrain pour le prochain gouvernement .» Né en 1986, le distributeur de films Mohamed Ali Ben Hamra est le correspondant à Tunis du festival Visions du Réel.

«La société tunisienne est la seule à avoir réussi le défi du changement, renchérit le jeune homme. Mais le pays n’est pas encore stable. Il n’y a pas encore de stratégies pour valoriser la culture par rapport au changement. Et ce dans tous les domaines, pas seulement le cinéma.» 

Les nombreux producteurs de cinéma tunisiens ont obtenu une loi pour la promotion du cinéma. Mais les moyens manquent, précise Mohamed Ali Ben Hamra, la priorité étant donnée aux grands dossiers économiques.

Comment dès lors expliquer la vitalité du cinéma tunisien? «C’est sous le règne du président Zine Ben Ali (tombé en janvier 2011) que les écoles de cinéma – privées et publiques – ont foisonné en Tunisie, assurant une formation que les pays voisins comme la Libye ou l’Algérie n’ont jamais réussi à mettre sur pied», répond-il.

Du 25 avril au 3 mai 2014, le Festival international du cinéma de Nyon fête son 45ème anniversaire, dont 20 ans sous son appellation actuelle, Visions du Réel. 

Plateforme mondiale de lancement de films qui aiguisent notre regard sur la réalité, il accueille cette année des producteurs de 51 pays.

Sur les 3’500 films visionnés, 116 ont été retenus pour la compétition (longs, moyens et courts métrages) et 59 films seront présentés hors compétition, dont un nombre record de premières (116).

Nouveaux regards

Jasmin Basic, qui a assuré la sélection des films tunisiens pour Visions du Réel, précise  qu’elle n’est pas spécialiste du cinéma du monde arabe. Elle s’est plongée dans l’univers tunisien sans préjugés, dans un esprit de découverte. « Et là, du coup, j’ai été forcément surprise. J’ai beaucoup aimé cette pluralité de regards, de sujets», assure la programmatrice. 

Comme le relève Jasmin Basic, un événement fort comme une révolution donne invariablement un élan important au besoin de s’exprimer, de se faire « écouter » dans tous les domaines.

Elle tient toutefois à préciser que Visions du Réel n’a pas comme mission de simplement témoigner des événements. Le festival suisse recherche le regard d’un auteur. « Lorsqu’un documentaire est magnifiquement subjectif, précise-t-elle, il dépasse toutes les frontières.»

Elle dit avoir été séduite par des aspects liés au quotidien de la production cinématographique tunisienne. « La banalité est porteuse de messages, précise-t-elle, comme pour dire ‘La vie continue’ ».

Le Prix Maître du réel sera décerné au réalisateur suisse Richard Dindo, dont les films sur Arthur Rimbaud, Che Guevara, Jean Genet à Chatila, parmi d’autres, sont considérés comme des chef-d’œuvres du genre documetaire.

Sélectionnés parmi les participants au festival ces 20 dernières années, des cinéastes ont été invités à réaliser des micro-films de trois minutes sur le thème « Traces du futur » avec des résultats, tendres, enigmatiques, inquiétants ou hilarants.

Une section « Grand angle » présente un best of des festivals du monde.

 

Le Doc-Outlook-International Market (DOCM) travaille depuis 12 ans pour soutenir et promouvoir des projets de films lors de leurs différentes étapes de création. DOCM innove cette année en collaborant avec la plateforme de financement communautaire Wemakeit.

En 2014, en relation avec la Direction du développement et de la coopération (DDC) et Visions Sud-Est, la section FOCUS du festival est consacrée à la Tunisie, avec 15 films projetés et 5 projets de films en création, avec un prix de 10’000 francs à la clé. Le 29 avril, Focus Talks réunira tous les participants tunisiens.

Regards de femmes

Deuxième surprise pour la programmatrice : une présence féminine forte en Tunisie, y compris dans des postes clé. Quant aux nombreuses réalisatrices, elles n’agissent pas comme féministes, observe Jasmin Basic, mais comme auteures qui ressentent le besoin de s’exprimer, d’affirmer leurs voix. «C’est un phénomène qui mérite qu’on s’y attarde, tant les cinéastes féminins sont rares, y compris au Festival de Cannes », ajoute-t-elle.

Parmi les films qui seront projetés figure Le Facebook de mon père tourné par Erige Seheri, qui est venue à la réalisation par le journalisme. Elle produit ce qu’elle appelle des documentaires de création, à partir d’une réalité construite, mais sans jamais glisser vers la fiction.

Erige Seheri reconnaît dans le cinéma actuel tunisien un nouveau souffle, une certaine fraicheur qu’elle explique par la volonté des jeunes cinéastes de se débarrasser « des costumes trop longtemps portés pour faire semblant ». La présence de nombreuses femmes dans le métier a contribué à infléchir la production: « Nous avons envie de parler de la société d’une manière différente que les hommes, qui sont souvent plus dans l’action.»

C’est ainsi que l’histoire du père d’Erige Seheri, qui grâce à Facebook renoue avec le pays qu’il a quitté 40 ans auparavant avant de s’y réinstaller, a permis à la jeune réalisatrice de parler de la transition de la Tunisie vers la démocratie. Il a suffi qu’elle continue à observer ce qui se passe dans le village de montagne dont il est originaire.

«La révolution tunisienne a produit une forte mobilisation sur le net. De 15 à 77 ans, personne n’est passé à côté, explique-t-elle. De plus la diaspora a pu vivre les événements en temps réel, ressentir les émotions en direct, ce que la télévision ne permet pas. Le résultat, c’est que les gens ont soudain commencé à s’exprimer».

Erige Seheri sera aussi à Nyon pour obtenir les moyens de terminer un projet sur lequel elle travaille depuis deux ans. The Normal Way est l’histoire de cheminots sur un tracé de chemin de fer mythique. Chacun à sa façon – les 5 protagonistes, dont une femme – domptent l’incertitude.

«L’incertitude est partout. Je la laisse s’exprimer», dit la réalisatrice.

Post-révolution

EL KONTRA Lassaad Hajji | 2013

LAÏCITÉ, INCH’ALLAH! Nadia El Fani | 2011

LE FACEBOOK DE MON PÈRE My Father’s Facebook, Erige Sehiri | 2012

YA MAN AACH C’était mieux demain, Hinde Boujemaa | 2012 

AL MOUÂRIDH L’opposant, Anis Lassoued | 2012 

EL HIT YHÉB YESEELKOM LABAS?, Le mur vous demande: ça va? Ahmed Hermassi | 2012

NOUS SOMMES ICI We Are Here, Abdallah Yahya | 2012

 

Observations du quotidien

1, 2, 3, … 5, 6, 7 Bilel Bali | 2012 

LA MAISON D’ANGELA, The House of Angela, Olfa Chakroun, Dionigi Albera | 2012

BANET EL BOXE Boxing with Her, Latifa Robbana Doghri, Salem Trabelsi | 2011 

Avant la révolution

AL MALJAA Le refuge, Nadia Touijer | 2003 

LE CHANT DU MILLÉNAIRE Mohamed Zran | 2002 

RAÏS LABHAR Ô! Capitaine des mers, Hichem Ben Ammar | 2002 

HS KALOUCHA Nejib Belkadhi | 2006 

Hors temps

BABYLON Ala Eddine Slim, ismaël, Youssef Chebbi | 2012 

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